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Tout augmente... même la gratuité

On s'est penché sur la Fiesta du Rock qui cette année deviendra payante


Vendredi 10 mai 2013

On nous parle de crise tout le temps. D'augmentation des prix. Mathématiquement, lorsque l'on augmente 0 d'un pourcentage, le résultat reste ZERO. Mais en mode économie, cela n'est pas vrai et ce qui était gratuit devient payant.

En toute logique, lorsque l'on a un budget économique difficile à boucler, on fait des économies sur les besoins tertiaires voire secondaires. Le divertissement passe bien évidemment après le remplissage du ventre et la survie de l'organisme.

Même si c'est principalement aujourd'hui que l'on nous parle de crise, qu'elle ne fait que de commencer selon certains modèles prévisionnels, le public depuis plusieurs années doit renoncer à certains divertissements. On le ressent sur les affluences dans le domaine du spectacle et le mode du rock n'est tristement pas épargné.



La Fiesta du Rock, festival situé à Flémalle fin juin, proposait l'entrée gratuite depuis presque vingt ans. Les premières éditions se déroulèrent sur un site particulièrement ouvert au public. Grandissant, l'infrastructure s'est développée ainsi que son affiche. Progressivement, certainement par soucis d'économie et probablement par nécessité croissante, ce festival gratuit comme beaucoup d'autres d'ailleurs (Bear Rock Festival, Verdur Rock Festival, Oug'Rock, Power Festival également devenu payant...) a vu le comportement de son public changer. Il est de plus en plus fréquent que le festivalier apporte ses propres boissons sur le site au détriment d'un rendement optimal du bar. Les contrôle à l'entrée se sont donc imposés.

Aujourd'hui, par nécessité et dans un souci de pérennité, la Fiesta du Rock se voit contrainte, très certainement à contre-coeur au regard de sa philosophie de départ, de donner l'accès à son festival via une entrée payante. La nouvelle a choqué les habitués. Sans doute les mécanismes derrière tout évènement de ce genre ne sont-ils pas complètement compris par la public. C'est pourquoi, nous sommes allés chercher auprès de l'organisation des explications. Si la compréhension des motivations d'un tel changement peut ouvrir le débat avec des festivaliers qui d'un côté rechigne à payer 15€ (en prévente) pour trois jours de fête et de l'autre n'hésitent pas à débourser plusieurs dizaines et même centaines d'euros pour les grandes messes qui attirent des dizaines ou des centaines de milliers de spectateur sans protester, alors le milieu indépendant gagnera peut-être en reconnaissance. Les moyens, les mécanismes et les objectifs sont en effet bien différents. On ne peut comparer une structure comme Werchter ou Dour (pour ne citer que celles-là) à des festival comme la Fiesta du Rock dont il sera question dans cet article. De même, on ne peut confronter les moyens et les enjeux d'un Forest National ou une Ancienne Belgique avec des salles comme le Magasin 4 ou La Zone (une fois encore pour ne citer qu'un nombre limité d'exemples).

L'augmentation des prix est une évidence. Grosses structures ou petites structures, elles n'échappent pas à cette réalité. Là où les grosses structures deviennent des enjeux marchands non-négligeables pour un fournisseur et représentent une force dans la négociation, les petites structures, elles, ne peuvent compter que sur la bonne volonté des fournisseurs pour limiter cette dépense. Ainsi, nous confie Xavier Bohon de la Fiesta du Rock, les frais de fonctionnement ont explosé ces dernières années. Les dépenses liées aux fournitures, en matière de sécurité, aux boissons ou à la nourriture ont toutes augmentées mécaniquement. A titre d'exemple, sur un an, le coût de l'infrastructure du festival a vécu une augmentation de 3%. On ne peut pas blâmer les fournisseurs de services et de biens qui eux-mêmes subissent ces augmentations et ne font que les répercuter à leurs clients. D'autant que certains commerçants ont joué le jeu et fait preuve de bonne volonté en limitant autant que possible ces hausses.

De son côté, la Fiesta du Rock a bien essayé de contenir la répercussion de la hausse des prix. Au point d'en arriver en quelques années à voir la marge possible sur la vente des boissons et snacks se rétrécir dangereusement pour la survie du festival.

Les Pouvoirs Publics et les sponsors privés ne sont pas épargnés ni par la crise, ni par le besoin de réaliser des économies. Leurs aides restent donc limitées quand elles ne se réduisent pas tout simplement. Même avec beaucoup de volonté, si les caisses sont vides ou les priorités budgétaires pluriels, il est impossible de multiplier les billets comme Jesus avait miraculeusement multiplier les pains sans accentuer la crise et dévaloriser la monnaie européenne.

A ces paramètres économiques, vous pouvez ajouter dans le cas d'un festival en plein air comme la Fiesta du Rock les conditions météos. Nous sommes en Belgique, un pays où il pleut facilement. Les saisons, sans doute suite à ce que l'on appelle le réchauffement climatique, sont décalées. Il y a 15 ans d'ici, nous allions à la Fiesta du Rock sous un air(e) de vacances. Ces trois dernières années, c'est avec vestes, parapluies et bottes que l'on se rendait sur les hauteurs des Trixhes. Evidemment, l'envie de sortir de chez soi par temps pluvieux est réduite. Là encore, la Fiesta du Rock qui peinait déjà à boucler son budget, aura vu ses marges fondre comme glace au soleil (pourtant absent!).

Bien entendu, il reste l'argument de la programmation. Si ils ne constatent qu'une envolée des prix sur les têtes d'affiche, c'est parce que Xavier Bohon et son organisation sont soutenus par des groupes locaux et régionaux qui ont par ailleurs tout intérêt à ce que des petites et moyennes structures continuent à exister. Car ce sont ces structures à taille humaine qui favorisent l'émergence des groupes que vous irez voir dans les grands festivals ou les grandes salles. Au hasard de l'actualité, PUGGY
PUGGY


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sera en février 2014 à Forest National. Mais avant de devenir aussi célèbre, la formation internationale basée à Bruxelles jouait dans les clubs.

N'en déplaise pourtant à Xavier Bohon qui n'a pas à se plaindre des prétentions financières des groupes qu'il peut programmer à l'exception de certaines têtes d'affiche, le monde de la musique a quand même considérablement évolué depuis les débuts de la Fiesta du Rock. Il suffit de parler avec les différents programmateurs du pays (et par conséquent en Wallonie comme en Flandres et à Bruxelles) pour s'en rendre compte. Même si il s'agit avant tout d'un constat plutôt qu'une volonté d'immobilisme réactionnaire, la multiplication des artistes, des lieux et des acteurs qui gravitent autour, parfois pour professionnaliser le secteur, a aussi considérablement changé les paramètres financiers. Il est en effet parfois (pour ne pas dire trop souvent) effarant de constater les exigences des groupes, j'allais dire belges mais pas uniquement en fait. C'est assez facile à comprendre. Un manager et un booker prennent en moyenne 15%. Plus le cachet est important, plus la contribution accordée au booker ou au manager sera importante. Sur une date, le booker a tout intérêt à faire jouer son artiste à l'endroit où il est le mieux payé. Il y va de l'intérêt de l'artiste qu'il représente mais aussi de son intérêt. Ce qui amène parfois des conflits d'intérêts. L'artiste désire aussi se faire connaître. Montrer son oeuvre à un nombre important de personnes. Il aime évidemment se retrouver dans des lieux qui lui permettront de mettre en valeur son travail. Les conditions techniques sont donc importantes. Mais il aime aussi jouer dans des endroits différents, soit ciblés, soit qui le changent de son ordinaire, à la fois pour expérimenter et toucher des personnes réceptives ou nouvelles. L'artiste est parfois dans ce but prêt à concéder des efforts d'adaptation ou tout simplement à revoir ses exigences. Ce qui n'arrange pas toujours le booker qui peut dès lors faire le forcing auprès de l'organisation au risque de perdre l'opportunité. Je connais personnellement des dates où l'artiste était d'accord de venir mais qui n'ont pu se réaliser des faits du booker uniquement.

La diversification des acteurs dans le milieu et l'impression que n'importe qui pourrait se lancer dans l'affaire laissent une place à la concurrence. D'après le modèle capitaliste, cette concurrence devrait entraîner une chute des prix. Pourtant, en quelques années, c'est l'inverse qui s'est produit. Les enjeux, les conflits d'intérêts et les lieux structurellement incomparables ont biaisés le phénomène.

Cet aspect s'est constaté à différents niveaux de popularités des artistes. Il est évidemment marqué sur les têtes d'affiche de plus en plus chères. Et ne parlons même pas de ces groupes qui demandent via leurs conseillers des sommes astronomiques même lorsqu'ils n'ont que quelques kilomètres à parcourir (entendre peu de frais) pour jouer. Sur ce point la Fiesta du Rock n'est évidemment pas épargnée.

Une autre conséquence de ce déséquilibre se situe au niveau du choix des artistes susceptibles d'attirer le public. Alors qu'à nouveau la concurrence aurait du favoriser le choix, il se retrouve restreint. Dès lors boucler une affiche dans un budget défini capable d'attirer le public en nombre suffisant devient un vrai casse-tête qui donne des cheveux blancs aux organisateurs.



La Fiesta du Rock compte donc sur son public pour comprendre et contribuer à pérenniser le festival. Le choix fut douloureux pour l'organisation mais afin de continuer à proposer une affiche à la hauteur de son évolution, le site sera dorénavant accessible contre quelques euros. Cette entrée doit être perçue comme une forme de soutien. D'où le choix d'une entrée que la Fiesta du Rock a voulue démocratique (pour rappel : 15€ pour les trois jours en prévente).

Si il s'agit d'un moyen pour faire vivre le festival, cette entrée diminue évidemment le pouvoir d'achat de chacun... en temps de crise. La Fiesta du Rock en a bien conscience, c'est pourquoi au-delà de cette entrée, elle ne désire pas changer l'esprit de son festival. L'organisation fait son possible pour le festival reste un évènement accessible et convivial, ancré dans sa commune et sa région tout en conservant sa liberté.

La question qui brûle évidemment les lèvres est de savoir si la Fiesta du Rock pourrait un jour faire marche arrière et revenir, une fois que ses finances le lui permettraient, à la gratuité. Malheureusement Xavier Bohon est pessimiste sur cette possibilité. La réalité est telle que les coûts eux ne diminueront pas. Il vit par ailleurs le festival comme une situation de surendettement chronique.

Les cartes sont maintenant dans les mains des festivaliers. Pourront-ils dépasser le choc psychologique de l'entrée à payer à la Fiesta du Rock ? Auront-ils envie de soutenir le festival en mettant la main à leur portefeuille ?



La Fiesta du Rock se déroulera les 21, 22 et 23 juin prochain.
Vous trouverez les détails de l'affiche et pratiques sur http://www.lafiestadurock.be/
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