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Ce mec a 600 patchs de metal dans sa collection. Qui dit mieux ?

Mercredi 30 novembre 2016

Il s'appelle Melchior Tersen. Il a 29 ans et habite en région parisienne. Il est photographe et fan de metal. Il flashe et mitraille dans les salles de concerts et les festivals depuis des années. Séduit par la culture metal, il en explore un aspect en particulier : les patchs. Vous savez, ces morceaux de tissus de taille variable qu’on coud sur sa veste ? Eh ben, Melchior, il en a une collection phénoménale, près de 600 ! Il vient d’ailleurs de sortir un livre qui en reprend 500 et qui pèse 3,5 kilos !
Rencontre avec un artiste photographe sincère et touchant qui traque le hasard avec une touche de romantisme et de pureté, de réel brut.





Comment la photo est-elle arrivée dans ta vie ?
J'ai commencé la photo juste après le lycée, je prenais des photos dans des concerts metal, à des avant-premières de films, en suivant les paparazzis. C’est comme ça que j'ai fait mes premières armes.
La photo m’a sorti d'un train de vie routinier pas spécialement évident. Quand j'avais 20 ans, je bossais à Auchan la nuit. Le jour, j'allais me promener pour faire des photos. Cela m'a aussi sorti de ma banlieue et permis de découvrir Paris plus en profondeur.
Grâce à la photo, j’ai vu des choses que je n'aurais jamais vues, des gens que je n'aurais jamais rencontrés. Au fil du temps, la photo a pris une plus grande place dans ma vie jusqu'à aujourd’hui où c'est mon principal revenu financier. Mais ce n’est pas encore gagné, c'est compliqué de dégager des revenus fixes et cela crée une certaine tension au quotidien.

Qu’est-ce qui t’inspire en photo ?
J'aime le rap, la nature, le metal, les vide-greniers, les promenades, les animaux, les centres commerciaux, les mangas, les dessins animés, la rue, les rencontres humaines, la différence, les extrêmes, les opposés, la censure. J'ai pas vraiment d’inspiration particulière.
Avec le temps, je me sens plus artiste que photographe, mais l'appareil photo est mon principal médium. Pour moi c'est le moyen le plus simple pour représenter fidèlement ce dont je veux parler. Mon travail photo consiste à parler des choses, à raconter des histoires sans mot. Mes photos prêtent aux rêves, aux fantasmes mais, derrière chacune d’elles, il y a une histoire bien réelle. Il n’y a aucune mise en scène ni idée de départ. On va dire que je traque le hasard.



Pourquoi faire des photos de patchs ?
J’ai fait mes premières photos de patch il y a 6 ans lorsque j'ai eu ma première accréditation pour le Hellfest. A force d'y retourner et d’y faire des photos, j'y ai pris goût et je m'y suis beaucoup intéressé. Cela a été la porte ouverte, un vrai gouffre. J'ai trouvé ça tellement dense, un univers incroyable qui m’a complètement séduit. Je connaissais le metal, car j'en écoute depuis le lycée, mais les patchs c'était nouveau pour moi.
J'aime ce qui est désuet, ce qui est un peu intemporel. Coudre des petits bouts de tissu, en 2016, je trouve ça romantique.

Es-tu toi-même un porteur de patchs ?
Oui, au fil des années, j'ai réalisé 7 vestes. Au début je voulais m'en faire une seule. Puis, avec l'apprentissage de la couture, j'ai trouvé ça super agréable et j’en ai fait plusieurs. C’était pour moi assez logique vu que j'ai beaucoup de patchs qui me plaisent.
Je porte la veste quand je suis en train de la faire. Une fois qu'elle est terminée, je passe à une autre et ce n'est plus le même rapport. Mais oui, j'ai des patchs sur mon sac de couchage, sur mes sacs, etc. Je dois avoir quelque chose comme 600 patchs.

Tu cherches des patchs bien particuliers ou tu prends tout ce que tu trouves?
Au début, j’étais un peu comme un fou. Avec Internet, c'est facile de se procurer les choses si on est tenace et si on aime chercher. A l'époque, c'était galère de trouver du merch de metal. Il fallait passer par des catalogues de correspondance avec des mois d'attente, des ruptures de stock, etc. Ou alors espérer que le groupe passe en concert dans le coin et qu'il lui reste des tee-shirts à vendre. C'était une autre époque bien que l'esprit est toujours là. Maintenant, avec les forums, eBay etc., cela a changé.
Au fil des années, j'ai affiné mon regard, mes goûts en metal. J'ai découvert des trucs aussi via les patchs. C'est comme ça que j’ai découvert des vieux groupes que je connaissais de nom sans y avoir porté intérêt avant. Du coup, j'ai cherché des patchs de plus en plus spécifiques.
J’ai acheté un vieux de Slayer
Slayer


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de leur premier album « Show No Mercy » et celui du morceau « Creeping Death » de Metallica
Metallica


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à 48 dollars pièce, c'est la limite que je m'étais fixée. La passion des patchs n'a pas de limite à part te mettre sur la paille !



Ton livre « Killing Technology », il raconte quoi ?
Il expose un peu plus de 500 patchs scannées et beaucoup d'autres au fil des pages sur les vestes ou en gros plan. J'ai mené le projet au maximum d'où je pouvais aller.
J'ai essayé de faire une sorte de best of des patchs qui m’ont marqué. Mais rien que depuis que l'on a stoppé le projet pour passer dans la phase d'édition, j'ai du acheter 40 ou 50 nouveaux patchs et j'en ai vu des dizaines soit nouveaux soit que je ne connaissais pas et qui sont incroyables.
Le livre est divisé en 3 chapitres, les vestes à patchs sur fond blanc, les vestes prises façon snapshot de dos et la troisième partie est composée d'une sorte de catalogue de patchs ou j'ai mis tout ce que j'avais.
C'est un livre qui est très cher à réaliser. Il pèse 3,5 kilos et fait la taille d'un vinyle, 28m². Sur les 500 pages, il y a quelques feuilles cartonnées et du papier photo qui pèse lourd.
Le livre est sorti le 31 octobre 2016. Pour le moment, je n'ai eu que des bons retours de plusieurs milieux différents. Le livre est disponible sur Internet et dans certaines librairies d'art.

Comment as-tu sélectionné les patchs présents dans ton livre ?
J'ai essayé d'être vaste mais précis. J'ai bossé en solo 4 ans sur le projet. Au fil des années j'ai accumulé des images, j'ai essayé d'améliorer les idées, la réalisation.
J’ai passé des centaines d'heures sur l'ordi pour trouver les patchs. J'en ai acheté dans différents festivals, aux groupes directement, sur Internet, à des enchères ou sur des forums. J’adore faire des recherches.
Les beaux patchs sont souvent les originaux essentiellement datant de la fin des années 80 et du début des années 90. J'ai aussi inclus les rééditions, des bootlegs ou des copies. Par exemple, la pochette de l'album « Leprosy » de Death
Death


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a été réalisée plusieurs fois en patch, parfois à des décennies d'écart et le résultat varie en fonction de la technique, de la qualité du tissage ou du mode d'impression.

Comment fait-on pour sortir un bouquin sur un sujet aussi précis ?
Un jour, j'ai montré quelques maquettes de livres que j'avais réalisé à Pedro Winter (producteur de musique et DJ français, ancien manager de Daft Punk, créateur du label Ed Banger Records et de la maison d'éditions Headbangers) que je connaissais depuis quelques temps. Il a cru au projet et a décidé de me faire confiance. C'est un univers qu'il affectionne autant musicalement qu'esthétiquement et c'est grâce à son soutien que ce projet s’est concrétisé en un bouquin de 500 pages. La conclusion logique de ce projet était de faire un livre. Cela pose le travail, tu peux le présenter, le montrer et il peut voyager sans toi.
Je suis content d'avoir réussi ! Il n'y avait rien d'écrit, ce projet a démarré de la manière la plus amatrice qu’il soit. Il a été porté à bout de bras, à la débrouille et cela se finit en beauté !



Comment réagissent tes « cibles » quand elles te voient arriver avec ton appareil photo ?
Très bien. J'ai un bon contact avec les gens. Au début on parle patch et rapidement on parle d'autres choses. Il y a un bon état d'esprit dans le metal.
J'ai rencontré des gens qui avaient hérité de la veste de leur père et du coup cela donnait un mélange de patchs intergénérationnels. Les vieux Black Sabbath
Black Sabbath


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et Kiss
Kiss


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du papa et le gamin plus fan de death metal.
Certains metalleux sont attachés à leur veste car ils y ont investi du temps, de la patience et de la passion. Pour d'autres, c'est fait comme ça à la va-vite, plus par mimétisme. Les metalleux sont attachés à leurs vestes comme on peut être attaché aux affaires qu’on aime.

Quel message veux-tu faire passer via ton livre ?
Killing Technology, c'est une sorte de cri de guerre contre le progrès trop rapide. Se poser au calme et souffler un peu. On est dans le monde du numérique. J'appartiens à une génération qui a connu l'avant et les débuts d'Internet. Avec le numérique, une certaine forme de romantisme s'est perdue. J'ai moi-même ralenti mon rythme de vie, je l'ai apaisé.

As-tu fait le tour de la question ?
Non ! Je bosse toujours sur le sujet et sur le metal en général et j'espère que ce livre me permettra de continuer à développer ce travail.
J'achète toujours des patchs, des posters, des tee-shirts. Je continue de prendre en photo des tee-shirts de metal, de coudre des patchs. Je vais retourner à des concerts et festivals. J'ai 10 ans de photos sur le metal derrière moi, sur d’autres sujets que les patchs. Je continue de grossir le taff et d'affiner certains trucs. Tant que j'écoute du metal, je continue de bosser dessus et je ne m'en lasse pas. J'adore ça.

D’autres projets pour la suite ?
Plein ! Je viens d'avoir une expo à Berlin nommé Hail&Kill sur le metal. Je continue aussi de bosser sur d'autres choses dont le rap français.
Le rap et le metal sont deux styles musicaux où il y a une culture à part entière, des enjeux sociaux, politiques, économiques et à la fois une part de naïveté. J'écoute du rap depuis que je suis en primaire, tous les jours, et cela a forcement influencé mon taff de photographe.
J'ai été à des concerts, j'ai fait des interviews, des photos, j'ai rencontré du monde. Je viens de la banlieue et j'aime les sapes dans le rap français. Je commence à avoir beaucoup de photos sur le sujet. J'ai commencé en 2010, on arrive en 2017. On verra ou cela mènera !




Crédit des photos: Melchior Tersen
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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