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Piet du Congo, un artiste multifacettes qui dit fuck au capitalisme !

Samedi 3 octobre 2020

Il m’avait proposé une balade dans les bois puis il m’a planté. Pour se faire pardonner, il m’a proposé un diner. On s’est finalement rencontré un après-midi, chez lui, à la Rue du Congo, à Jemelle (Rochefort). Vous aurez compris que son nom d’artiste n’a rien avoir avec le pays africain. Ma tête quand j’ai compris ça !!!
Piet du Congo a 43 ans et est un tatoueur complétement en-dehors du circuit traditionnel. Il est aussi musicien, professeur d’arts plastiques dans une prison, organisateur de concerts, chauffeur de camion, photographe dans les cimetières, etc. Il souhaite un accès à la culture pour toutes et tous via l’art public et populaire. Déranger, se remettre en question, expérimenter. Je vous emmène dans l’univers de Piet du Congo.




Pour te présenter encore un peu plus auprès des lecteur·trices de Shoot Me Again, j’ai envie de te décrire comme un artiste atypique et alternatif. Est-ce que tu te retrouves là-dedans ?

PdC : Je trouve que c’est un peu prétentieux de s’auto définir comme ça. Je vais t’en laisser la responsabilité.

Je suis quand même un peu dans le bon ?

PdC : Ça ne me choque pas en tout cas (rires).

Pourquoi t’être éloigné du circuit du tattoo traditionnel et commercial ?

PdC : J’ai commencé il y a longtemps quand l’esprit du tattoo n’était pas le même que maintenant. C’est devenu un produit commercial de luxe et moins une démarche alternative. Je ne me sentais plus à ma place dans les shops parce que ça devenait des magasins de tatouage, que les prix ont vachement augmentés et ça se coupait d’un art populaire. Je n’avais plus envie de tatouer que des gens qui ont plein de tunes. Du coup, j’ai préféré commencé à travailler dans des plus petits endroits comme des salles de concert, des petites salles d’expo qui promeuvent une culture qui m’intéresse plus que le tattoo actuellement. Quant à donner un pourcentage, je préfère donner à des structures comme ça qui galèrent un peu qu’à des studios de tattoo qui gagnent quatre fois plus de tunes que moi et qui, au final, ne représentent pas du tout ce que moi je veux faire dans le tattoo.



Et c’est quoi que tu veux faire dans le tattoo ?

PdC : Il y a une volonté de ma part de ne pas tomber dans les modes qu’il peut y avoir dans le tattoo. Après, je suis au courant de ce qui se fait, je suis dans le milieu depuis pas mal de temps, mais j’essaie d’être à contre-pied. Je connais les codes des trucs qui marchent mais je préfère les détourner que de rentrer dedans.

« C’est important pour moi que le tattoo reste quelque chose d’un peu dérangeant. Je n’ai jamais essayé de faire des tattoos qui sont beaux. »

Pour moi, c’est un acte un peu radical et de différenciation. À partir du moment où tu suis trop des modes, tu ne te différencies plus.
Je pense que ma forme a un peu changée au fil des années mais dans le fond, je reste un peu dans le même délire d’essayer de me remettre en question, de changer. Heureusement que je ne fais pas la même chose qu’il y a dix ans. C’est important de tout le temps rejeter les dés. Expérimenter c’est remettre les choses en jeu. Une fois que tu commences à trop comprendre ce que tu fais et à avoir des systèmes, il faut essayer de les détruire.

Tu voyages beaucoup en Europe avec le tatouage, non ?

PdC : Avant oui, j’allais beaucoup dans les pays de l’est, maintenant c’est principalement la France et l’Allemagne. Mais, depuis six mois, c’est un peu plus problématique. Comme je ne bosse plus en studio, j’essaye de goupiller les dates de musique avec le tattoo. J’ai beaucoup plus de matériel à prendre, je pars en camion. Parfois, j’ai en plus le matériel de musique et d’expo à embarquer. Je pars en camion pour des voyages de deux, trois semaines. Mélanger le tattoo et la musique me permet de faire une date musique et de ne pas devoir repartir le lendemain avec la tête dans le cul. Je reste alors deux, trois jours pour tatouer puis je repars à un autre endroit et je fais pareil. Souvent, je fais un espèce de petit studio temporaire dans la salle de concert.

« J’ai acheté un camion que j’aménage pour travailler dedans et être encore plus autonome. Si je veux tatouer dans les bois, je tatoue dans les bois. »

L’idée était de commencer à faire des tournées comme ça mais tout a été arrêté avec le confinement. Je me retrouve aussi souvent dans des squats, dans des endroits pas très clean, et je peux tatouer dans mon camion. J’ai conçu le camion pour pouvoir dormir, tatouer et faire de la musique dedans. J’ai une petite capsule autonome pour pouvoir aller faire du son et tatouer dans les bois.



C’est génial ! Et du côté de la musique ?

PdC : En solo, sous mon nom, je fais des DJ/VJ set. Donc, ce n’est pas vraiment des compos de moi. Je fais des DJ sets avec le son, l’image et des trucs que je rajoute.
En groupe, il y a Das Pathetick, c’est de l’électro punk avec du son et de la vidéo qui sont interactifs. On ne tourne plus trop pour le moment. Mon collègue a pété son ordi. On a enregistré un album qu’on doit peaufiner quand le pack informatique sera de nouveau actif !

Si on remonte un peu dans le temps, à tes débuts, comment tes activités artistiques se sont-elles mises en place ?

PdC : J’ai fait des études en arts public et environnemental, ce qui ne veut pas dire grand-chose (rires). Quand je suis sorti de mes études, je faisais pas mal de vidéos, de son, je commençais le vjing. Je dessinais, je peignais. Je ne cherchais pas du tout d’exposition et ça me servait un peu à rien parce que je stockais chez moi. Donc, j’ai un peu laissé tomber ça pour me consacrer à tout ce qui est son et vidéo. Au fur et à mesure, les soirées ont commencé à me saouler. Tu fais ça sur des gens dont tu ne connais pas forcément la musique et je suis plus parti sur des collaborations avec des groupes, comme un musicien sauf que je ne gérais que la vidéo. J’ai eu de plus en plus de projets.
Au niveau du dessin, c’est revenu quand j’ai commencé à me faire tatouer. Je trouvais que c’était une technique qui n’était pas mal pour recommencer à dessiner ou je ne devais pas chercher d’expo ou je ne stockais rien car c’est le client qui repart avec le dessin.

« Ça gardait cette dimension, qui est assez importante dans ce que je fais, d’art populaire et public. Qui ne dépend pas de la structure muséale ou des galeries. »

Ce que j’aime bien dans la musique, c’est le rapport direct entre le public et l’artiste. C’est assez populaire. Il y a aussi ça dans le tatouage. Ce n’est pas dans les musées, les gens se promènent avec, c’est dans la vie.

Qu’est-ce qui ne te plait pas dans ce circuit traditionnel ? Contre quoi es-tu révolté ?

PdC : Je n’aime pas les structures capitalistes. Je préfère rester dans des trucs plus de passionnés. C’est une question de goût, ce qui m’intéresse n’a jamais été dans des grands circuits de distribution. À force de trainer dans ce milieu, tu vois que c’est important de faire vivre une scène alternative. Il y a plein de groupes que j’ai fait jouer pour qui c’était le premier concert en Wallonie et qui sont passés sur des plus grosses scènes après.



Quand tu ne fais pas tout ça, j’ai vu sur Facebook, que tu te promenais dans les bois et les cimetières.

PdC : Ca m’arrive, ouais (rires). Je visite les cimetières depuis vingt ans. Pour moi, c’est un art public, environnemental et populaire. Ce sont des musées à ciel ouvert et gratuits. Sur les vieilles tombes, il y a des sculptures assez recherchées. Chaque fois que je vais dans un pays, je visite les cimetières. À force, je vois des choses spécifiques aux endroits. Quand je vais au Mexique, ce n’est pas les mêmes cimetières qu’ici. Dans les pays de l’Est ou en Asie, non plus. Ça m’intéresse vraiment de voir ces spécificités et comment se développe cet art populaire.
Par exemple, au début du siècle, il y avait pas mal de code qu’il fallait respecter. Tu retrouvais tout le temps les mêmes symboliques sur les tombes. Avec les arts numériques qui sont arrivés, on s’éloigne de ça, il y a un renouveau de l’art populaire. C’est une réappropriation des cimetières.

« Il y a plein de thématiques qu’on retrouve dans les symboliques des tombes qu’on retrouve dans le tattoo. Les mains jointes, les christs, les éléments de décorations floraux. »

Beaucoup de choses peuvent se recroiser dans ces deux iconographies.

Tu prends des photos, aussi, pendant tes balades dans les cimetières ?

PdC : Oui. J’en ferai quelque chose un jour. Je commence à avoir énormément de documents.

On m’a dit aussi, et je pense que j’y avais participé une fois quand j’étais jeune, que tu organises des concerts dans les bois. Pourquoi choisir cette configuration ?
PdC : Ça fait dix-sept ans que j’habite à la campagne. C’est un confort de vie. Dans une certaine optique de DIY, être à la campagne dans un studio privé, il y a quand même beaucoup plus de liberté. Ça devient compliqué, avec les lois anti squat, de créer des lieux alternatifs en ville. Il y a moyen de faire des choses
Ça fait dix ans que j’organise des concerts dans le coin. Quand je faisais des concerts dans les bois dans un chalet, on sait qu’on finit quand on veut, on est plus libre. Ce sont des soirées conviviales où tout le monde se connait entre guillemets. C’est plus une soirée privée et je n’ai pas spécialement envie que ça devienne de l’événementiel comme des festivals. Ça me laisse une plus grande marge de liberté. Quand tu proposes ça, les gens sont capables de bouger. Enfin j’espère car on ouvre bientôt un nouveau lieu à Jemelle.

Ah oui ? Raconte-moi.

PdC : C’est un atelier partagé un peu expérimental avec un herboriste, une ASBL de musique électronique, un atelier peinture, un atelier textile, un espace vide pour faire de l’événementiel, des stages ou des expos. Et moi.
Ça fait longtemps que je tourne en Europe et il y a énormément d’ateliers partagés qu’on n’a pas du tout dans le coin. Ça fait un an que je cherche un local pour faire ça. Avant je faisais les concerts ici, chez moi, mais là mes voisins veulent un peu me tuer. Je cherchais un nouveau lieu pour retrouver une facilité et une liberté d’organisation. Et être dans une dynamique collective. Le but premier est de promouvoir une certaine culture.
Courant octobre, on emménage. Il y aura une porte ouverte quand on sera prêt.

Fais-moi signe, Shoot Me Again sera là.
Un petit tour par la case prison avant de terminer. Tu donnes donc des cours de dessin à des détenus à la prison de Marche-en-Famenne. Encore une expérience inhabituelle !


PdC : Ca fait quatre ans que je fais ça. Deux heures et demie par semaine. C’est une expérience, oui. Les gens n’ont pas toujours de prérequis. Les cours sont mixtes. Certains viennent juste pour voir des filles. Il y a beaucoup d’autocensure en prison. Je dois d’abord établir une relation de confiance pour qu’ils puissent se lâcher. Je ne veux pas savoir pourquoi ils sont emprisonnés. Je veux rester neutre. Tout ce que je demande c’est qu’ils se comportent correctement au cours.
Chaque fin d’année, on sort un fanzine avec le travail des détenus. Ce n’est pas spécialement médiatisé donc si certaines personnes sont intéressées, elles peuvent me contacter. On fait aussi des expos à la galerie E²/Sterput à Bruxelles.



On a encore papoté pendant une petite heure à propos de têtes de mort et de tatouage. Tant qu’à faire, j’ai pris un rendez-vous pour la fin octobre (ma maman va encore être fachée…). Rencontrer un gars comme ça, qui se bouge contre le système, qui propose des choses qui font sens, qui vit comme il en a envie, eh ben je trouve ça génial !

https://pietducongo.com
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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