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Le Golden Pack, quand le ska/punk wallon contestait en festoyant (ou l’inverse)

Mercredi 11 août 2021

Je vous parle d'un temps que les moins de 35 ans ne peuvent pas connaître. Quand le ska/punk, l'alcool et la fête déferlaient sur la Wallonie (via la Nationale 4) et que le Golden Pack régnait en maître. Par Golden Pack comprenez Mad Men's Team
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, Atomic Leaf
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et Skating Teenagers
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, trois groupes ska/punk wallons qui partageaient la même passion de la musique, les mêmes scènes, le même ingé son et certains musiciens. Une trentaine de concerts entre 2004 et 2008.
Petit flashback sur une époque totalement folle où tout était permis (ou presque) au rythme de la musique revendicative et de la fête. Tant que j’y étais, je me suis aussi demandé ce qu’il restait de cet esprit festif et réactionnaire.




Donc, le Golden Pack. L’idée était de proposer un line-up complet aux organisateurs via un seul contact. Lorsqu'un des trois groupes était contacté par une organisation, il proposait les trois groupes en jouant sur une grosse promo niveau cachet. « C'était bien pratique pour les organisateurs, explique Cédric Bodson, saxophoniste de Skating Teenagers
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, on s'organisait entre nous pour l'ordre de passage, on se prêtait tout le matos pour ne pas déplacer deux batteries ni trop d'ampli. » D'où le Golden Pack comme un six pack canettes en promo. Tout était pensé, l’air de rien, parce que si un groupe se désistait au dernier moment, le Golden Pack s’élargissait à Mambassa Blouz Band ou aux Shaddocks.

Amandine Sepulchre, claviériste de Mad Men’s Team
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précise que cette formule les a amenés à bien bourlinguer. Elle se souvient que, pendant plusieurs années, ils jouaient quasi tous les weekends !
« C'était aussi une grosse aventure de caser tout le matos et les gens dans le moins de caisses possible, précise-t-elle. Le moins de conducteurs pour un max de gens bourrés, histoire d'avoir encore plus d'aventures à raconter. Ou alors, c'était parce qu’on n’avait pas de tunes...va savoir. »

Luc Frippiat, chanteur d’Atomic Leaf
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, récupéré comme rédacteur chez nous, ajoute qu’ils étaient en contact permanent avec les réseaux alternatifs locaux de Ciney, Marche et également Habay, Arlon et Virton où une tradition punk rock était bien ancrée. « Ces terreaux se sont ensuite ligués progressivement à travers le DIY originel, poursuit-il, avec un véritable soutien mutuel. Les organisations devenaient légion dans des salles louées, maisons de jeunes, cafés et autres lieux improbables. Notre dynamique était alimentée par tous ces gens enthousiastes qui se bougeaient pour organiser, pour filer un coup de pouce, la distro, l'ingé son qui pallie à nos limites et notre amateurisme, etc. »

Partage, DIY et camaraderie

Gilles Boka, batteur de Skating Teenagers
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, garde un excellent souvenir du Golden Pack. Un projet avec des potes, une ambiance de feu, beaucoup de public. « L’esprit était vraiment particulier, confie Gilles. Un franche camaraderie où il n’y avait jamais de conflit. On partageait notre matos et on s’entraidait beaucoup. Quand ça s’est terminé, on sentait qu’on avait vécu une époque qu’on ne revivrait sans doute plus jamais. »



Même son de cloche chez Fabian Georges, batteur d’Atomic Leaf
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. Il se souvient avoir joué aux quatre coins de l'Ardenne et du Condroz et regrette cependant de ne pas avoir pu tourner à l'étranger. « Mais bon, ajoute-t-il, ça faisait beaucoup de monde à mobiliser. Je pense qu'on peut remercier aussi Jean-Luc et Félicia de la Grange à Marche qui ont quand même fortement contribué à réunir ce petit monde et cimenter notre petite scène rurale. »

Fabien Pochet, ingénieur du son du Golden Pack, ajoute que le Golden Pack était aussi un moyen d’expression et que les revendications n’étaient pas les mêmes pour toutes et tous. Les textes des groupes abordaient des sujets différents comme le prolétariat, le consumérisme ou l’anarchie. « C’était dans l’esprit de l’époque, on bricolait, on acceptait parfois des concerts dans des conditions qui n’en étaient pas. Souvent, il n’y avait pas de sono ou qu’une sono chant et je râlais (rires). »



La dynamique a également débouché sur la création, de 2005 à 2010, du collectif/label Nationale 4 Records dans lequel on retrouvait, entre autres, les groupes du Golden Pack. « L'idée du collectif N4 était de fédérer les énergies, explique Didier Lorge du collectif/label Nationale 4 Records. On a essayé de sortir un max d'EP/LP pour aider à la distribution des groupes et faire encore plus de concerts (rires). Comme tu dis, cela correspond à une époque où les concerts étaient hyper répandus et où la scène ska, punk, reggae a explosé, jusqu'à pouvoir applaudir Skating Teenagers
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à Dour ou Atomic Leaf
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à Esperanzah!. Ce qui de nos jours serait vachement dur. »


Et puis les années ont passé, les concerts sont devenus plus rares, etc. Atomic Leaf
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s’est éteint ainsi que Mad Men's Team
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. Seul Skating Teenagers
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est toujours debout, en stand-by depuis le covid.


Des idéaux défendus différemment

« On nous demande encore de faire le Golden Pack, explique Gilles, mais ce serait vraiment compliqué à remettre en place. » Parce que tout le monde a pris de l’âge et que certains ont mis la musique de côté. Gilles ajoute que la vision même de la musique n’est plus la même. La vision actuelle est plus locale, plus personnelle, avec moins de tournées et de promo.



Fabien pense aussi que cela serait difficile, à l’heure d’aujourd’hui, de retrouver le feu et l’esprit qui animaient le Golden Pack. Les courants musicaux sont moins marqués, les concerts 100% ska/punk n’existent quasi plus. Le ska/punk a évolué.

Luc ajoute que beaucoup d'entre eux sont toujours là, autrement, plus nécessairement en tant que musiciens. « Je pense que beaucoup ont gardé un regard politique sur les choses, dit-il, et s'activent à leur niveau, là où ils sont, en contribuant à faire vivre les alternatives artistiques, culturelles, ou d'autres combats sociaux et écologiques. »

« Nous passerons dans vos vies en coup de vent
Rafraîchir vos idées ou vous en donner ça dépend
Si les paroles s'envolent ou s'échouent dans l'inconscient
Celle lestées de ras-le-bol nous survivront longtemps... »

Atomic Leaf – « Smokey Noise »



Fabian trouve lui qu’il n’y a pas véritablement d’idéologie derrière le ska-punk. « On dira que la ligne conductrice était la fête et que notre propos était altermondialiste, donc engagé à gauche ! A ma connaissance, poursuit-il, aucun membre du groupe n'a renié ces idéaux, même si j'imagine qu'ils sont désormais défendus différemment par chacun. »

Pour Amandine, les choses sont claires : elle restera toujours réactionnaire et punk. « On se rassemblait à une petite centaine pour refaire le monde et les injustices, conclut-elle. Aujourd'hui, les jeunes se rassemblent via les réseaux sociaux par milliers mais se cachent derrière des filtres et donnent leurs commentaires à coup de pouce bleu ou d'emoji en suivant la masse. Cela dit, il reste encore des punks, qui ont des enfants... Ils sont nés avec le point levé ! Les punks seront comme le phœnix. »

Quelques anecdotes pour le plaisir

Didier : « Que des bons souvenirs, la bande étant des joyeux lurons et le fait de partager chacun une partie des musicos faisait que tout d'un coup il pouvait voir dix personnes sur scène en train de chanter, jouer, pogoter, stage-diver ou faire les célèbres 3e cordes (rires). »

Démonstration ci-dessous d’une 3e corde particulièrement bien réussie (la plupart du temps, le maintien des superpositions était quasi inexistant).


Crédit photo : collection privée.

Fabien : « Je me souviens d’un festival en plein air en province de Namur, à Morialmé. Benja annonce au micro qu’il va foutre le feu. Il enlève sa chemise à fleurs et commence à faire la danse du ventre. Sa chemise a atterri sur un sport posé au sol et sa chemise à littéralement pris feu ! »

Gilles : « L’ambiance était folle. Je pense que c’était à Ciney, on était 600 dans une salle qui pouvait accueillir 400 personnes. Les barrières Nadar qui étaient devant la scène ont été pliées. L’énergie était incroyable, on sentait la scène et le public qui bougeaient. Ça prend vraiment aux tripes. Et tout cela, sans aucun blessé !
Lors d’un autre concert à Waimes (Malmédy), il commençait à neiger quand on est arrivé. A la fin du concert, il était tombé 35 centimètres de neige ! Une bonne partie du Golden Pack a décidé de dormir sur place et on a picolé toute la nuit. On a quand même dû déneiger, le lendemain matin, dans un état pas possible. »


Luc : « Avec Atomic Leaf, nous allions jouer à un éliminatoire du Concours Circuit à Mouscron. Je ne sais plus qui au sein du Golden Pack avait lancé l'idée de remplir ''le bus de la fête'' pour y aller. Jean-Luc avait pris les choses en mains et Jef (Les Slugs et La Smala et Moi) avait dégotté un vieux bus scabreux mais assez grand et qui roulait toujours. Il y avait plus de volume en casiers qu'en amplis dans la soute (rires). Des voitures remplies suivaient et on est arrivé en masse dans une petite salle à la MJ La Ruche. Fort heureusement, on a joué parmi les premiers, on tenait encore debout. Le trajet retour fut absolument épique! C'est immortalisé sur une VHS. »



Amandine : « Je me souviens que je passais ma soirée à essayer de rassembler les gens pour ranger le matos, et pire, rattraper tout le monde pour repartir. Ils (tous les mecs, pas difficile, j'étais la seule fille) étaient tous sauvages et moi, beaucoup trop sage. Ce n'est pas tant mon statut de fille qui me mettait des bâtons dans les roues, mais plutôt le côté festif. Je n'ai réussi à draguer l'alcool que tard et la bière n'a jamais voulu de moi. Certains membres de Mad Men’s Team m'appelaient ''maman''. »

Je dois bien vous avouer que, malgré avoir assisté à des dizaines de concerts du Golden Pack, je n’ai pas beaucoup de souvenirs concrets de cette glorieuse époque. Contrairement à Amandine, j’ai très bien réussi à draguer l’alcool (nous avons divorcé depuis) et j’assumais plus ou moins bien le côté festif de la chose.
Avec le recul et la maturité due à mon grand âge actuel, je me dis que le monde part de plus en plus en couille et que les raisons de se rebeller et de ne pas se soumettre sont encore plus nombreuses qu’il y a 15 ans. Dire fuck au capitalisme en avalant des canettes de bière… ouais, peut mieux faire au niveau crédibilité. Mais les idées contestataires étaient là et chacun a concrétisé ce qu’il pouvait en devenant végétarien, en continuant à évoluer dans des groupes alternatifs, en s’investissant dans différents combats sociaux, en habitant dans des lieux partagés, en développant différentes initiatives citoyennes, communes, culturelles, etc.
La philosophie du Golden Pack continue de couler dans les veines et c’est plutôt une bonne chose.
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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