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Quelques réflexions de Nadia Geerts sur des sujets d'actualité...

Interview de Nadia Geerts..


Mardi 23 mars 2010

Elle est secrétaire du cercle républicain, co-initiatrice de R.A.P.P.E.L (Réseau d’actions pour la promotion d’un Etat laïque), licenciée en philosophie, collaboratrice de l'association RésistanceS ( Observatoire de l'extrême droite ). Alors que l'on aime ou pas, Nadia Geerts sait défendre ses idées avec une tenacité déconcertante.
Que ce soit sur des plateaux de télévision ou dans ses livres, elle aborde sans détours des sujets qui fâchent.



1) Mme Geerts, j'aimerais connaitre votre sentiment par rapport à la présence pratiquement imperturbable de l'extrême droite en Flandre?

L'extrême droite flamande a l'avantage d'être relativement charismatique, contrairement à son homologue francophone. Je ne pense pas qu'on puisse expliquer le succès de l'extrême droite flamande par une prédisposition flamande à être plus raciste que les francophones, même si l'approche des phénomènes sociétaux est certainement plus nationaliste, plus identitaire en Flandre qu'en Wallonie. J'ajouterais que l'extrême droite flamande est incarnée par un seul parti, le VB, alors que l'extrême droite francophone est minée par des dissensions internes, des guéguerres de pouvoir, qui font qu'elle se morcelle et se décrédibilise.

2)Pensez vous que l'extrême droite pourrait faire son entrée de façon plus significative en Wallonie ?

Dans l'état actuel des choses, non. Il manque clairement pour cela à l'extrême droite francophone un leader. En revanche, le discours populiste de droite pourrait engranger un certain succès. Sans être clairement xénophobe, ce discours mets l'accent sur la sécurité, sur l'identité nationale, sur la répression, etc. Comme l'extrême droite, il a comme caractéristique de proposer de réponses simples à des questions complexes, dont, hélas, les partis traditionnels n'ont pas toujours le courage de s'emparer.

3)Ne pensez vous pas que l'extrême droite est plus rodée à la communication, par rapport aux années 80, où elle était beaucoup plus marginalisée ?

Je pense que l'extrême droite a été contrainte de peaufiner son discours, notamment depuis que les lois antiracistes punissent toute incitation à la haine raciale. De ce fait, la communication d'extrême droite, aujourd'hui, est plus subtile: on ne parle plus de renvoyer les immigrés "chez eux", mais du danger que constituent "certains jeunes". Ces jeunes ne sont plus ethniquement désignés, mais l'électorat "comprend" qui est visé, sans qu'il soit nécessaire de le dire clairement. De même, l'extrême droite s'attaque désormais à l'"islamisation", et plus aux "étrangers". Le problème de ce type de discours, c'est qu'il peut apparaître au premier abord comme humaniste, et qu'il faut bien connaître les racines idéologiques de l'extrême droite pour décoder un tel discours.

4)Vous êtes une républicaine convaincue, pour quelles raisons ?

Je suis républicaine parce que la république me paraît être l'aboutissement de la démocratie. La monarchie est une institution d'Ancien régime, elle est par essence contraire à l'esprit de la démocratie et aux droits de l'homme, qui stipulent que tout pouvoir émane de la volonté populaire et que tout citoyen doit pouvoir accéder à toutes les fonctions publiques de son pays. Y compris donc celle de chef d'Etat. Ca, c'est pour la théorie. En pratique, le règne de Baudouin, en particulier, a montré à quel point le roi exerçait encore, en Belgique, un pouvoir d'influence considérable.

5)N'est elle pas justement un facteur de stabilité, dans une Belgique très fragile?

Je ne crois pas au roi "ciment de la nation". Ou plutôt, j'estime que si la Belgique a besoin de ce ciment, c'est qu'elle est bien mal en point. En d'autres termes, je pense que soit la Belgique a un avenir, et qu'elle doit penser cet avenir sans se reposer sur le mythe du roi "ciment de la nation", soit elle n'en a pas et devrait avoir l'audace d'affronter cette réalité, au lieu de se réfugier derrière le roi.

6)Quelle est le futur de la Belgique ? Et pour vous quelle serait sa meilleure destinée ?

Il est très difficile de répondre à cette question, car je n'ai pas de boule de cristal. A titre personnel, je n'ai rien contre la Belgique et j'aime assez l'idée d'un pays où l'on puisse vivre ensemble tout en parlant des langues différentes. Mais je pense que la meilleure destinée de la Belgique, ce sera celle que les citoyens auront librement choisie. Vivre ensemble ou se séparer doit être le fruit d'un choix positif et citoyen.

6bis) On dit de vous, que vous n'avez pas votre langue de votre poche, est ce facile en Belgique d'affirmer des opinions aussi tranchées que les vôtres ?

Non, pas toujours ! La Belgique est un pays de consensus. On y privilégie souvent le pragmatisme, plutôt que les principes. Or, moi, j'ai tendance à défendre des idées, des principes. Je pense que la tradition française, par exemple, s'inscrit plus dans cette logique du débat d'idées. Cela dit, je pense qu'il est utile que des voix comme la mienne s'expriment. Ce n'est pas toujours facile, mais j'ai le sentiment que cela répond aussi à un besoin urgent. Justement, et je reviens ici à l'extrême droite, parce qu'un discours fondé sur des principes et sur la complexité peut contrecarrer le simplisme de l'approche extrémiste, de quelque bord que ce soit.

7)Je sais que vous êtes contre touts signes distinctifs à l'école, mais ne serait il pas préférable de justement ne rien interdire, puisque l'on m'a toujours dit que la différence est une richesse ?

La différence est une richesse, c'est vrai. Mais en même temps, je pense qu'il y a des lieux au sein desquels il faut privilégier ce qui nous rassemble, et pas ce qui nous divise. Mon but n'est pas d'évacuer les convictions, mais de construire une société dans laquelle on accepte d'être, à certains moments de sa vie, citoyen avant d'être croyant; ce qui n'empêche pas d'être à d'autres moments croyant avant d'être citoyen. Si on ne promeut pas cela, on risque de construire une société très communautarisée, dans laquelle les différences sont survalorisées et enferment les individus dans leur supposée communauté. C'est le modèle anglo-saxon. Personnellement, je ne vois pas où est la richesse de vivre ensemble, mais séparés, sans rien partager .

7bis)Personnellement j'ai toujours rêvé d'un monde où tout le monde peut vivre avec ses différences, pensez vous finalement que c'est une utopie ?

Je pense que le terme "différences" est trop vague et source de malentendus. Les gens sont noirs, blancs, métissés, croyants ou athées, de gauche ou de droite, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, etc. Les problèmes ne naissent pas de la différence, mais de l'exacerbation des différences, qui oppose les uns aux autres. C'est peut-être ça, la vraie question qui se pose aujourd'hui aux sociétés multiculturelles: donner sa juste place à la différence, sans la nier ni la survaloriser. Parce qu'au fond, avant d'être différents, nous sommes tous des êtres humains. L'utopie, c'est de croire qu'on peut vivre ensemble harmonieusement si chacun s'arroge le droit d'afficher en permanence sa différence. C'est aussi de penser que toute différence est respectable. Moi, autant je pense qu'afficher un brassard nazi en rue, c'est une provocation qui ne contribue pas au vivre ensemble, autant je pense que se promener en burqa ou en niqab, c'est afficher une différence qui sape les fondements du vivre ensemble.

8) Quels sont vos coups de gueule en 2010 ?

Les laïques relativistes, en premier lieu ! Ceux qui estiment que l'anticléricalisme, c'était très bien quand il s'agissait de bouffer du curé, mais que quand il s'agit d'imams, c'est "total respect".
Les politiques qui, par naïveté ou électoralisme, s'engouffrent dans cette voie.
De manière générale, ceux qui se voilent la face devant certains problèmes liés à la recrudescence d'un islam radical, d'une part, et de l'autre ceux qui, à l'instar d'un Geert Wilders aux Pays-Bas ou de Riposte laïque en France, refusent de distinguer entre islam et islamisme.

8bis) Qu'est ce qui vous touche particulièrement en 2010 ?

Le combat de ces femmes qui, partout dans le monde, se battent pour être considérées comme des hommes comme les autres, pour vivre libres, pour avoir le droit de s'exprimer librement, de poser des choix, et qui, trop souvent, ne sont pas suffisamment soutenues chez nous.

9) Madame Geerts, Shoot Me Again est un site basé exclusivement sur la musique, alors dites nous celle que vous aimez ??

J'ai toujours été très axée chanson française. Je conserve de mon adolescence une tendresse particulière pour Renaud, qui a "bercé" ma jeunesse. C'est grâce à lui que j'ai découvert Brassens, un monument. Et puis d'autres vieux classiques, comme Souchon, Le Forestier, Gainsbourg, Sanson, Sheller, Ferrat, ... Un faible particulier pour Claude Semal aussi, et puis dans les plus jeunes, Bénabar, Delerm, Grand Corps Malade, Tichot, etc.




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