Chronique

WOLVSERPENT
Aporia:Kãla:Ananta

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Relapse Records

1 titre - 40min
Sorti le 04-03-2016


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Lundi 8 août 2016

En philosophie, en sciences ou en musique, le concept de l'extrême est d'une absolue relativité. Si, dans le domaine qui nous occupe ici, nous imaginons une représentation musicale du metal le plus extrême, il est fort à parier, en fonction des affinités des uns et des autres, qu'elle sera le résultat de croisements entre des blast beats supérieurs à 450bpm, des hurlements inaudibles et un tapis sonore harsh noise ultime, sans pause aucune. Or, si une telle représentation est, pour nous, fans de metal, évocatrice, c'est avant tout parce qu'elle peut être opposée à d'autres références musicales qu'il nous sera aisé de juger moins extrême; ainsi le prog-metal, le metal progressif, le power metal... l'électro-pop, la variété... et ainsi de suite, selon les habitudes culturelles de chacun. L'extrême est donc relatif. Seulement voila, à l'opposé de cette représentation musicale extrême que l'on imagine, l'on trouve nécessairement, l'on osera dire ontologiquement, son antithèse. Et cette antithèse doit être identifiée comme un extrême également!
Ainsi John Cage composa-t-il, en 1952, le morceau intitulé 4:33. Trois mouvements de silence absolu. L'autre extrémité du spectre musical en quelque sorte... Le titre le plus extrême de l'histoire de la musique: extrémité par «absorption» dès lors que l'on considère le silence comme la somme négative, absorbée, de toutes les notes, de tous les bruits existants; extrémité par «évocation» enfin si l'on estime que ce silence n'est qu'une invitation à entendre d'autres sons, d'autres accords. Chacun y entend ce qu'il souhaite (en live, ce sont les chuchotements, les éternuements, les raclements de gorge).
Et voici nos deux extrêmes opposés par leur essence, leur nature intrinsèque: le silence d'un côté, la saturation inaudible de l'autre. Mais deux extrêmes qui se rejoignent par leur fonction d'extrême. C'est le serpent qui se mord la queue. L'explication de l'ouroboros dans l'univers de la musique!
Il existe, du côté de Boise, en Idaho, un duo metal qui a non seulement compris cette double complémentarité, mais en a récemment donné une représentation allégorique qui fera date dans l'histoire. Ce groupe, c'est Wolvserpent
Wolvserpent


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. Cette allégorie musicale, c'est Aporia : Kãla : Ananta.
Après avoir partagé l'étendue de leurs inspirations sonores dans l'exceptionnel Perigea Antahkarana, sorti en 2013, Wolvserpent
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nous livre, sous la forme d'un EP, un seul titre de 40 minutes, dont les qualités synthétiques n'ont d'égales que le long (8 ans) travail de maturation nécessaire à sa réalisation.
Brittany McConnell (drums et violons) et Blake Green (guitares et voix) ont en effet réussi un véritable tour de force: unifier, au sein d'une structure musicale incroyable, les styles musicaux ayant influencé Wolvserpent
Wolvserpent


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depuis sa création en 2010.
Et quelle structure ! Une introduction de quasi silence, laissant seulement siffler quelques lointains bruits de vagues ; puis, lentement, la prise de pouvoir d'un violon qui n'est pas sans rappeler le troisième mouvement de la première sonate que Bartok dédia à l'instrument en 1921. Les transitions entre les «mouvements» de Aporia : Kãla : Ananta sont à couper le souffle ; le plein exercice de la partie de violon est discrètement complété par la montée très progressive d'un tapis drone de plus en plus saturé. Le virevoltant violon, jusqu'alors si libre, s'est laissé éteindre, suspendre, après une dizaine de minutes, par ce thème doom-drone qui va clairement puiser ses influences chez Stephen O'Malley : du Black One de Sunn O)))
Sunn O)))


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pour les guitares et les arrières-plans vocaux en passant par Khanate
Khanate


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pour les angoissants samples et Burning Witch
Burning Witch
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pour les drums hyper down-tempo.
Vingt minutes de cette recette infaillible laisseront les plus résistants dans les cordes... La progression est magistrale, la suspension est magique, la descente est douloureuse...
Puis, pour le dernier quart du titre, le violon retrouve place et honneur avant de doucement s'évanouir dans l'écume des douces vagues. Enfin, le silence pour achever le travail. Non pas le travail... le cycle. Car l'on comprend vite que ce long titre de Wolvserpent
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présente une forme d'arc parabolique où l'intro et l'outro sont quasi identiques et silencieux et par conséquent se rejoignent par les extrêmes (nous y voici). La parfaite épanadiplose musicale !
Encore un détail ; à l'instar de Lizst qui, au milieu du XIXème siècle, fut parmi les premiers défenseurs de la « musique à programme », Wolvserpent
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donne toutes les clés de compréhension dans le choix de son titre : Aporia vient du grec ancien et signifie « une contradiction insoluble dans un raisonnement ». Kãla, en sanskrit, se réfère soit au temps (unité de temps qui passe) soit au dieu de la noirceur. Enfin, toujours en sanskrit, Ananta évoque ce qui est éternel ou infini.
Une allégorie de la vie suspendue, noire et lugubre ; un trop court combat douloureux puis la légère espérance de l'infini... du retour. De nombreux groupes s'y sont essayés. Brittany McDonnell et Blake Green ont magistralement transformé un essai que l'on pensait irréalisable : une synthèse ouverte, en un seul titre, entre la forme et le fond. La musique infinie transcendée par la question de l'infini du vivant. Ou l'inverse...

Énorme !


Tags : Drone metal, expérimental, classique
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