Chronique

KOSMOVOID
Crisalida - Escapismo

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Dissenso Records

22
Sorti le 20-11-2020


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Jeudi 19 novembre 2020



Kosmovoid
Kosmovoid


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est un groupe d'expérimental brésilien qui vogue entre drone, psychédélique, space-rock et indus.
Il sortiront très prochainement leur double album ; Crisalida (2020) et Escapismo (2020). Parmi leurs influences, ils citent Mogwaï
Mogwaï


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, Dead Can Dance
Dead Can Dance


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et Sigur Ros
Sigur Ros


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.
C'est originellement un trio, mais ils s'entourent d'autres musiciens sur certains tracks de ce double album. J'ai eu la chance de pouvoir voyager au travers de leurs expérimentations. En voici un condensé.

Crisalida (2020) est le premier volet du double album et sortira le 20 novembre sur Dissenso Records






Crisalida (2020) se présente comme le premier chapitre, la chrysalide, le stade préparatoire.
Le premier track est Uroboros. En orthographe française, Ouroboros est le serpent qui se mord la queue. Il symbolise entre autre le cycle du temps. C'est un mythe très commun dans différentes cultures, et peut porter différentes significations. Dès le départ, nous sentons une influence post-rock. Le synthé pose une base répétitive, ce qui donne une plage instrumentale prenante. Je pense à Alcest
Alcest


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Ephialtes prend ensuite le pas. Ephialtes est, dans la mythologie, un géant, fils de Gaïa ; enfant de la Terre et du Ciel, ou des Enfers (le Tartare). Il peut également être le fils de Poséidon. Le voyage dans les différents mythologies continue. Nous sentons que rien n'est laissé au hasard, et que le groupe est passionné de mythologie et de religions anciennes. Le synthé et la basse prennent le lead et nous posent un thème net, défini, dansant, flottant. La batterie imite un géant qui avance dans la jungle. Comme dans beaucoup de leur morceaux sur ce double album, celui-ci peut être scindé en plusieurs « actes », où la transition (ou la non-transition) se fait de manière affirmée. Il y a donc, dans Ephialtes, une pause, puis une reprise douce, sur une couleur différente. Cette fois-ci, nous expérimentons un voyage dans le temps, dans l'espace ; entre le ciel et la Terre grâce aux nappes électroniques subtiles. Pour le troisième acte, nous entendons le vent, le vide. Puis, la batterie de s'introduit de nouveau pour annoncer quelque chose, un suspens. La méthode expérimentale du groupe est très intéressante, comme des pensées brutes.

Conquistador commence par des vagues drone au synthé, douces, qui montent exponentiellement, jusqu'à  nous envahir. Pour retomber. Les cordes s'immiscent doucement, pour dessiner le thème de la conquête. La basse est simple et primitive. La guitare plus légère. Puis la batterie annonce un univers post-rock et une fin tribale. Nous retrouvons encore une fois leur signature : plusieurs actes courts en une chanson ; Kosmovoid
Kosmovoid


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a trouvé sa texture.
S'ensuit Jesuit Satanist qui est le premier morceau à  jouer sur l'expérimentation des bruits, des sons. La batterie est très expérimentale et les sons électroniques sont très hauts perchés, comme s'ils sortaient d'un Micro-Korg, le tout prend le temps de bien s'implanter. Ensuite, le duo basse-batterie commence en force pour former un thème quasi rituel. La basse vogue sur les gammes de manière envoûtante, et cela me permet de me rendre compte que, globalement, le mix, réalisé par Muriel Curi, est excellent. L'énergie part ensuite en space-rock et en transe rituelle par répétition. Dans la musique rituelle et transcendantale, la répétition est de mise pour atteindre le but escompté. Kosmovoid
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l'a bien compris et l'exécute à  la perfection. Le son du synthé fait très film d'horreur, il est presque mesquin. Nous avons l'impression d'assister à une messe noire. Je salue la performance de batterie, ainsi que le jeu de question-réponse des musiciens. Il y a une belle harmonie entre eux. La fin prend une touche indus qui me fait penser à Godflesh
Godflesh


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Transmusation est la suite logique, au vu du nom de l'album. Il commence par une instru enveloppante, réconfortante, la batterie introduit son rythme simple et répétitif, ponctuel et bien choisi, la révèrbe omniprésente nous envoie dans l'espace. Au tiers du morceau, il y a un bref trou noir qui nous avale. Les temps s'étirent, la transmutation se fait, nous sommes transportés dans l'espace. Les synthés nous laissent flottants, méditatifs, puis la batterie vient nous sortir de cet état. Une légère disto vient ponctuer le rythme, et nous avons l'impression d'avoir effectivement été transmutés. Le tout retombe sur la mélodie de départ ; la boucle est bouclée, le serpent se mord la queue.
Nous continuons le voyage mythologique avec Temple of Jupiter. Jupiter est dieu de la Terre et du Ciel dans la mythologie romaine. Nous trouvons une accointance avec le choix du nom ce cette chanson et de Ephialtes. Je pense également à la ruine du temple de Jupiter à Rome. Etonnamment, le track prend des couleurs de musique indienne : les percussions s'apparentent à des tablas et les synthés bourdonnent comme un tempura. Nous retrouvons ce côté très tribal rituel, réconfortant, en même temps très sombre.
L'instru s'accélère ensuite pour nous signifier une sorte d'urgence, de montée de la transe. Puis, subtilement, l'arrivée d'un thème chanté au vocoder. Le structure est assez intéressante, tout cela très bien emmené.
Pariah s'habille de voix berbères, et de sons très orientaux, nous voyageons parmi toutes les cultures où l'on exploite la transe rituelle. C'est une utilisation fascinante de la musique chamanique. La mélodie est très désertique ; nous avons l'impression d'être dans une médina.

Varuna, qui est le titre du morceau qui suit, est également celui du dieu du Ciel en védisme, une religion indienne. Le thème céleste est encore exploité et je suis agréablement surprise de voir les fils se tisser tout au long de l'album, pour ne donner qu'un ensemble indissociable. L'introduction de Varuna se fait plus sévère, avec la batterie affirmée. L'instru environnante imite les voix sur-aïgues du chant carnatique et les percussions s'inspirent une nouvelle fois des tablas et dessinent un pattern rythmique indien. Le morceau est très méditatif. Seul bémol: les voix enregistrées par dessus, comme de vieux enregistrements TV collés sur le mix.
Cortège est certainement le morceau le plus joyeux et le plus dansant de l'album ; il pourrait être la bande son d'un jeu vidéo de conquête. Il y a une harmonie des élèments rythmiques. Le synthé et les cordes font cortège.
Arkane nous plonge dans un monde fantastique, dans une jungle psychédélique aux mille couleurs et spécimens. Il n'y a pas de percussions, juste une exploration du synthé. C'est comme si nous sortions de notre cocon, après une transformation, pour découvrir le monde. Le morceau est très lumineux. Très calme, apaisant, et surtout très expérimental.



L'album de finit ainsi, et laisse place au second volet ; Escapismo (2020) qui sortira le 27 novembre, toujours sur Dissenso Records




Escapismo (2020), qui serait donc le papillon sortant de sa chrysalide.
L'album débute avec Tengu, qui est le nom d'une créature légendaire japonaise, prenant la forme d'un chien ou d'un rapace, et All Dear Things Slip Away. Ces deux morceaux introduisent une atmosphère nébuleuse. L'influence post-rock est palpable. Le tout sonne presque comme une éventuelle chanson d'un live dans un bar perdu de Twin Peaks. L'univers est très lynchien. Nous comprenons dès le début comment la musique est construite : la basse et la batterie dialoguent et les guitares et synthés gravitent autour.
Upon The Shadow of a Dystopian Universe suit ces deux morceaux comme élément perturbateur : scindé en deux, ce morceau regroupe plusieurs univers en moins de quatre minutes. Nous expérimentons pour la première fois de l'album le changement soudain de couleur mélodique, très bien exécuté. La basse est répétitive et le synthé oppressant. Le morceau porte bien son nom ; ces effets de style en font une litanie très dystopique.

Kosmovoid
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continue avec une petite histoire intitulée The Sorrow Of Oribici Tribal :
Oribici est le nom d'une femme d'un mythe brésilien. Ayant perdu face à sa concurrente au tir à l'arc afin de gagner le coeur de son bien-aimé, elle sera changée en arbre, puis en uirapuru; un oiseau mythique au chant enveloppant. The Sorrow Of Oribici Tribal veut donc nous raconter son histoire.
Dans la première partie de ce morceau de dix minutes, la batterie se fait omniprésente, sauvage. L'accalmie au milieu ne sert qu'à repartir de plus belle, la basse plante un riff dansant, et nous voilà face à Oribici. La batterie nous offre un jeu déconstruit, et les autres couches instrumentales tournent autour de manière fluide.
The Succubus veut nous illustrer le mythe qui n'est plus à présenter (mais que je vais faire quand même). Les Succubes sont des démons mythologiques obéissant à Lilith prenant la forme d'une femme, venant charmer ou abuser les hommes en pleine nuit, ils ont leur équivalent masculin dans les incubes. Ce track commence par un chant qui s'apparente à une invocation démoniaques mêlé percussions tribales. L'instru se fait plus indus. S'ensuit l'arrivée des Succubes traduite par des cris de femmes, des grognements masculins ainsi qu'une voix démoniaque.

Ugatz pourrait être le track électro de l'album. La batterie êlectronique prend le lead pour nous faire danser et regretter une époque où cela était encore autorisé. Le mot « ugatz» pourrait avoir deux significations ; il serait de l'argot italien dérivé de «u casso» ce qui voudrait dire «pénis». C'est également un oiseau. Cette dernière signification serait plus sensée dans le déroulement de l'album.
S'ensuit Oshira-Sama, qui peut être considéré comme un morceau transitoire. Originellement, un Oshira-Sama est une paire de poupées japonaises en bois. Elles sont vénérées dans le folklore spirituel japonais. L'une a la forme d'une femme, l'autre d'un cheval. Ces poupées seraient l'héritage du mythe d'une romance entre un cheval et la fille d'un berger. Ce morceau est un condensé en deux minutes d'une histoire de meurtre, de sacrifice. Le tout est cacophonique, de la bonne manière. Ils explorent la non-transition comme forme de transition, et ça marche. C'est le morceau qui illustre parfaitement la face syncrétique de la musique du groupe.
Avec Azure, Kosmovoid
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exploite le drone ambiant. Nous pensons bien évidemment à la couleur, mais en français, azuré est également le nom d'une famille de papillons de couleur azur. Le synthé imite à la perfection un millier de papillon battant des ailes à l'unisson, sortant en effet de leur chrysalide. Il y a un parfait mélange de le batterie au jeu space-rock et du synthé prenant l'apparence d'un modulaire. La construction musicale est très intéressante.

Dans, Olivers Kosmisches Klangexperiment : nous comprenons l'essence du mot « expérimental ». Klangexperiment veut dire en allemand « expérimentation sonore ». Nous entendons donc des bruits de bébés coiffée d'une musique enfantine, qui pourrait presque sortir d'un jouet sonore pour enfant. Les percussions imitent un enfant tapant aléatoirement sur les objets qui l'entourent. C'est de loin le morceau qui me touche le moins. Il nous ramène à la réalité et brise avec l'expérience sonore planante.
Vient ensuite Umbra, ou l'ombre. Cette plage sonore serait la bande son parfaite du mouvement du soleil, du mouvement céleste. Elle commence par une plage drone de 4 minutes où nous avons l'impression de flotter dans le vide du cosmos (dans le Kosmovoid
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?). Ensuite, le mouvement se crée. La batterie s'efface pour laisser place au drone ambiant. Certains sons ressemblent presque à des barrissements d'éléphants, certaines vocalises s'apparentent à des prières. Le tout dans un décor flottant, sombre.
Nous sommes de retour sur terre, et pourquoi pas en Inde avec White Tiger. La batterie revient folle, sauvage, tribale. Le voyage ne s'arrête pas.
L'album se finit avec Ectoplasm Evening qui se place comme étant la continuité et fin de White Tiger; toujours avec la batterie démente.
Un ectoplasme est une entité non définie qui apparaîtrait dans certains rituels transcendantaux. Il pourrait prendre la forme d'une masse lumineuse, dans laquelle parfois se cacherait une forme humaine. Dans Ectoplasm Evening, le synthé illustrerait l'ectoplasme et la batterie l'activité cérébrale en pleine transe.
La performance est impressionnante et haletante, elle nous prend aux tripes. Les changements de mélodies se font en douceur : il y a un bref retour sur le thème du premier track, comme pour finir le cycle, puis un éclatement cosmique avec un retour aux nébuleuses du drone. Les synthés nous offrent un moment d'apaisement, de recentrage. Dissoudre et coaguler.
Le morceau est extrêmement bien construit. La batterie se réintroduit soudainement mais logiquement, pour signer la fin ascensionnelle, les différentes nappes montent en intensité, comme pour finir de pressuriser nos corps. Puis, le silence.



Avec de double album, Kosmovoid
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nous fait vivre une expérience unique, au travers de leur différentes inspirations. Nous voyageons dans différentes mythologies, différentes recherches sonores, différentes espace-temps. Le tout est extrêmement harmonieux, chaque instrument peut mener et se retirer. La batterie sait nous emmener petit à petit dans différents univers, la recherche de peak sonores aux synthés et aux cordes est intrigante. J'ai fait le tour du monde sans ouvrir les yeux.


Merci.
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AUTEUR : Reshma Goolamy
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décén...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les con...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...

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