Chronique

KHALIL BOUGHALI
Réflexions sur le black metal

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Autoproduction

145 pages


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Samedi 18 septembre 2021

Réflexions sur le black metal est le premier essai de Khalil Boughali, et a pour but de mettre en pages une analyse de style profonde.
L'auteur parle donc de la base esthétique du black metal et du black metal comme « mode de vie » dans un ouvrage court, facile à  lire et structuré par une table des matières exhaustive (voir plus bas). A défaut d'être un ouvrage pédagogique pour le lecteur déjà  initié, il s'apparente à  une invitation dans les pensées d'un amoureux de la musique extrême.
Je vous en propose un condensé en musique.



L'ouvrage débute par un chapitre divisé en cinq sous titres traitant de La Négativité dans le black metal. Khalil Boughali y aborde donc les thèmes qui y sont proches ; le mal, la violence, les ténèbres, la mort et l'abjection.
Il place la négativité comme point névralgique du BM. C'est avant tout une forme d'art de contre-culture.
Il y mentionne les incendies criminels du début des années 90 comme illustration de la violence et de l'abjection de la société judéo-chrétienne et monothéiste qui caractérise grandement les premiers acteurs de la scène et les met en corrélation avec certaines paroles, notamment celles de Antikrist.
A cette violence s'ajoute une envie de libération transcendantale pour laquelle oeuvre le black metal.
Il relie très intelligemment cette philosophie celle de Nietzsche, qui est le philosophe le plus proche des principes des musiques extrême.
Il cite Nietzsche à la page 17 : « Osez maintenant être des hommes tragiques, car vous serez délivrés » (La Naissance de la Tragédie, 1872). Tout ce chapitre sur la négativité et le rejet pourrait être contenu dans cette phrase seule.

Dans les sous chapitres sur les ténèbres et sur la mort, l'auteur parle de l'esthétique du black metal comme étant une recherche et une illustration des abysses.
On y retrouve évidemment la figure de Satan et le rejet du Dieu unique. Khalil Boughali aborde aussi la culture du dieu intérieur en citant Gorgoroth
Gorgoroth


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, et de la sublimation des ténèbres, accessible par la mort, étant « la porte d'entrée d'un monde inconnu » (p,24).


Le groupe norvégien Gorgoroth
Gorgoroth


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Il aborde ensuite l'« abjection » - donc le rejet - de la morale religieuse, qui est un leit motiv important dans l'intention du black metal. Cette « invasion » religieuse serait littéralement vicieuse et nous éloignerait de l'expérience mystique que l'humain devrait expérimenter. Le black metal offre donc une expérience mystique. Il offre la possibilité de se retirer de ces codes sociétaux en sortant de sa condition humaine à l'aide du corpse paint, - le maquillage facial emblématique du black metal qui change les musiciens en cadavres - de la technique de chant guttural qui se rapproche de cris d'une autre espèce et de l'« esthétique du bruit blanc », développé avec les premiers enregistrements de Mayhem
Mayhem


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avec des moyens très limités, recherchant à illustrer la nature abjecte de leur musique avec des enregistrements de mauvaise qualité.


Corpse paint sur Dead, ancien chanteur du groupe Mayhem
Mayhem


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Khalil Boughali lie quelques concepts philosophiques à l'expérience que propose le black metal. Notamment avec le concept d'«expérience limite » que Foucault lierait à la folie et que Georges Bataille définirait comme étant un « voyage au bout du possible de l'homme » (p.38). Le black metal apporterait effectivement un nouveau mode de pensée transgressif, qui pousserait chacun à  l'introspection ultime.
Dans le chapitre «De la prééminence de Nietzsche dans le Black Metal », l'auteur met en exergue la présence de la pensée nietzschéenne dans le black metal. Le philosophe refuse l'ordre moral religieux et proclame la mort de Dieu pour l'accomplissement du soi, de l'individu propre.

En effet, le black metal prône un individualisme fort et une recherche de profond changement intérieur qui ne pourrait se faire que seul. Ce qui pourrait donc expliquer les nombreux one-man-band du milieu, qui rejettent tout, jusqu'au contact social.

Ce phénomène est d'autant plus vrai car, comme Khalil Boughali le souligne dans le chapitre suivant, cette musique dite extrême se veut élitiste car elle pousse l'humain à une expérience particulière et rejette les codes de la musique dite « mainstreem ». L'impopularité serait donc une condition l'existence de cette musique car elle rejette et nie la morale et les codes établis.



La fameuse notion de catharsis est également abordée. Le côté théâtral des concerts, mêlés au corpse paint et à certaines pratiques scéniques participent à une sorte de catharsis rituelle, qui « nous met au contact de l'horreur afin de nous en libérer » (p. 47).
Le black metal serait donc l'expérience du nouveau romantisme, une expérience transcendantale et spirituelle motivée par l'appréciation de la nature, celle-ci étant un sujet récurrent dans le black metal, car renouer avec la nature serait renouer avec une existence plus authentique.

L'auteur aborde brièvement la figure du satanisme dans le black metal ; les deux étant pour lui étroitement liés. Il cite Julius Evola, qui explique les trois aspects de cette divinité : « créateur, protecteur et destructeur» (p80). Je reste sur ma faim et regrette que le sujet ne soit pas plus poussé car il y aurait énormément à dire. Notamment sur les liens évidents du satanisme avec l'individualité, l'abnégation et le rejet de la morale. Mais cela nécessiterait certainement un livre tout entier

Il finit son essai avec un petit chapitre sur la composition musicale caractéristique du black metal : en y abordant les blasts et les tremolo picking, et il nous invite dans sa discographie par une anthologie sélective qui recensent des groupes plus ou moins connus du milieu, section fort intime.



Réflexions sur le black metal (2021) est un essai intéressant, facile à lire et qui intéressera le novice. Il aborde les thèmes essentiels des origines du black metal sans y aborder les sujets plus controversés qu'il serait important d'effleurer de nos jours. Le tout reste très factuel, mais parfois redondant. Certains sous-chapitres pourrait être regroupés ou mis en liaison direct.
Nous sentons que l'auteur est profondément dévoué à la philosophie de cette musique extrême et cela rend la lecture fluide, comme si nous conversions avec un ami. L'initié pourra passer son chemin, ou s'y plonger pour quelques piqures de rappel et pour étendre ses références.


Merci.


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 9
DE LA NÉGATIVITÉ DU BLACK METAL : LE MAL ... 11
DE LA NÉGATIVITÉ DU BLACK METAL : LA VIOLENCE... 15
DE LA NÉGATIVITÉ DU BLACK METAL : LES TÉNÈBRES ... 19
DE LA NÉGATIVITÉ DU BLACK METAL : LA MORT ... 22
DE LA NÉGATIVITÉ DU BLACK METAL : L’ABJECTION ... 25
DU BLACK METAL COMME EXPÉRIENCE MYSTIQUE... 32
DU BLACK METAL COMME EXPÉRIENCE LIMITE ... 38
CORPSE PAINT : UN MASQUE INNÉ ... 40
DU BLACK METAL COMME PRATIQUE THÉÂTRALE ... 46
DU BLACK METAL COMME NOUVEAU ROMANTISME ... 50
DU BLACK METAL COMME ANTI MUSIQUE POPULAIRE ... 58
TRUE BLACK METAL ... 61
DE LA PRÉÉMINENCE DE NIETZSCHE DANS LE BLACK METAL ... 65
DU BLACK METAL COMME ART ÉLITISTE ... 67
DSBM : UNE MUSIQUE POUR LES CIMES DU DÉSESPOIR ... 73
DE LA NÉGATION À L’AFFIRMATION ... 77
LA VOIE DE LA MAIN GAUCHE ... 79
BLACK METAL VERSUS PUNK... 82
DU BLACK METAL COMME ART DE L’EFFACEMENT ... 84
VOIX ET VERBE DU BLACK METAL... 88
LA BATTERIE ... 90
ANTHOLOGIE SÉLECTIVE... 93
RESSOURCES DOCUMENTAIRES ... 144


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AUTEUR : Reshma Goolamy
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décén...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les con...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...

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