Interview

COMA CLUSTER VOID

Il y a une grande différence entre la musique que l'on aime et la musique qui « est » réellement soi.


Lundi 19 décembre 2016

Vous l'aurez peut-être remarqué, l'année se termine bientôt. Et 2016 restera, à n'en point douter, une cuvée assez exceptionnelle pour l'univers métal (et au-delà). Il y en eut pour tous les goûts, dans tous les styles, et souvent du très, très bon.
En ce qui me concerne, la plus grosse claque de l'année en métal extrême, la plaque qui m'a durablement secoué les méninges, c'est Mind Cemeteries de Coma Cluster Void
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. Une expérience métal 3.0 : un nouveau groupe, international (avec des membres venant des USA, du Canada et d'Allemagne), et un « brand new sound » qui fera date.
Alors lorsque les membres du groupe acceptent de donner une de leurs premières interviews pour « Shoot Me Again », ça donne ceci...

Bonjour tout le monde ! Avant tout, pourriez-vous nous présenter brièvement le groupe ?

John Strieder : Coma Cluster Void
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c'est Mike DiSalvo et Austin Taylor aux vocaux, Chris Burrows à la batterie, Sylvia Hinz à la basse et moi aux guitares.

Vous êtes impliqués dans d'autres projets musicaux ?

Mike DiSalvo : Moi j'ai un autre projet qui s'appelle Akurion, avec des membres de Neuraxis, Conflux et Cryptopsy
Cryptopsy


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(Rob Milley, Tommy McKinnon et Oli Pinard). Le résultat est très technique, « downtuned » mais tout ça se bagarre dans la grande arène du death-métal classique. C'est vraiment du très bon matos !

John : Je suis compositeur et artiste. A côté de ça, je me consacre entièrement à Coma Cluster Void
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Chris Burrows : Moi je suis l'animal qui fracasse les casseroles et les marmites (rires). Jusque là, personne ne m'a demandé d'arrêter, donc je continuerai à faire ça pendant que les autres s'occupent de la vraie musique... A part ça, je fais aussi des trucs rythmiques pour Thoren, groupe métal de Detroit, et des beats electro pour un groupe pop-r&b qui s'appelle Wonderbox.

Sylvia Hinz : A part être une bête de la basse dans Coma Cluster Void
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, je joue en solo et je dirige mes ensembles XelmYa (impliqué aussi dans Mind Cemeteries) et Umbratono, un projet envoûtant. Je fais aussi de l'improvisation et j'enregistre ma propre musique, comme Windserie. Je travaille enfin dans une logique interdisciplinaire avec d'autres domaines artistiques. En d'autres termes : la domination du monde !

Austin Taylor : Actuellement, j'ai deux autres projets : Dimensionless, du death atmosphérique qui est devenu un groupe studio et un projet « down tempo » qui s'appelle Selfdestructionist.




Comment vous êtes-vous rencontrés pour former CCV ?

John : J'ai toujours été « écartelé » entre la musique classique contemporaine et les formes extrêmes de métal et là, c'était le bon moment pour démarrer ce groupe ! Sylvia et moi avons cherché pendant un moment les bonnes personnes pour le projet : des personnes passionnées, fiables et capables d'enregistrer de chez elles.

Chris : Moi, j'ai connu John par l'intermédiaire d'Anthony Lipari, guitariste de Thoren. Peu de temps après, Sylvia et John m'ont contacté sur Facebook ; résultat, une discussion pleine de memes délirants et, une mission pour créer un chaos discordant et dissonant !

John : Dès le départ, on avait pensé à Mike pour le chant. On n'a pas pu résister à emmener Austin avec...

Mike : Sylvia et John m'ont approché « online », tous les deux en même temps, de manière super chaleureuse, pour me faire entendre leur matos. Évidement, j'ai été scotché par leurs capacités et j'ai plongé dans le bain sans aucune hésitation !

Austin : Quand Dimensionless et Wolcott Falls ont entrepris un EP collaboration entièrement par internet, John a été très motivé pour le produire. C'est à ce moment qu'il m'a demandé de rejoindre Coma Cluster Void
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Qui compose et écrit les morceaux ?

Chris : John est le premier à composer. C'est un peu le maître d’œuvre. Parfois, je tombe sur une bonne idée rythmique ou une phrase de batterie intéressante et ça peut devenir la base d'un nouveau riff.

John : Généralement c'est moi qui écris un titre, enregistre les guitares et programme les drums. Après j'envoie le résultat brut à tous les membres, et chacun commence à écrire ce qui le concerne, sa partie. C'est devenu une méthode de travail très efficace !

Sylvia : Oui, franchement on utilise tous massivement internet – on échange des idées, on réinvente des trucs et on en discute. Au commencement, à la fin, et au milieu aussi, c'est John qui prend les décisions (rires).

Je devine à quel point cela a dû être difficile d'enregistrer « Mind Cemeteries » depuis des endroits aussi éloignés. Techniquement, comment vous êtes-vous organisés pour la production... ?

John : En fait, on travaille par e-mail et Facebook messenger, et les gros fichiers font des allers-retours. Depuis que chacun joue ses parties lui(elle)-même, on n'a plus besoin de tout retranscrire, on mémorise simplement. Seul Chris préfère retranscrire ses parties de drums dans « Guitar Pro ». Il est aussi le seul à utiliser un métronome ; quand on y pense, ça a du sens : il est véritablement la pulsation de Coma Cluster Void
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et on accorde les guitares et les basses sur ses enregistrements pour créer une étroite unité sur son groove naturel. Néanmoins, avoir les choses un peu « ouvertes » jusqu'au dernier moment laisse une énorme place à la spontanéité. Je trouve que c'est quelque chose qui manque dans beaucoup d'albums de nos jours...
Après, je compile toutes les prises finales, je les arrange, je les mixe et je m'occupe du mastering. Mixer et produire étant vital pour moi, j'ai, par conséquent, développer des capacités dans ces domaines. C'était donc naturel pour moi de créer les sons moi-même.

Chris : J'ai toujours été intéressé par l'ingénierie et la prod. Je travaille là-dedans depuis bientôt dix ans. John m'a énormément apporté dans ces domaines et je suis très heureux de pouvoir continuer à progresser et à travailler sur les aspects techniques des sons avec lui...

Sylvia : Moi je balance des bizarres lignes de basse dès que je peux !

Mike : Planqué dans ma cave pour enregistrer... loin des enfants !

Austin : Dans mon salon, je hurle dans le micro et j'envoie les fichiers à John !

John : lol

Je ne sais pas qui a réalisé l'artwork de l'album. J'y vois une belle allégorie d'une « Eve future » qui se relève et marche à travers les ruines d'un monde désolé. Une cover quelque part entre le THX 1138 de Lucas et les derniers plans du Gravity de Cuaron. La survivante du futur ?

Austin : C'est John...

Sylvia : Oui, John l'a dessiné.

John : Haha, oui. C'est mentionné dans le livret. L'artwork évoque l' « Iron Empress », qui est chantée dans le premier titre du même nom et dont on entend la voix dans le prologue, l'interlude et l'épilogue. Cette « Iron Empress » s'exprime également à travers l'enregistreur de la double basse de Sylvia où elle chante et joue en même temps.
Mais sur Mind Cemeteries, on ne dévoile qu'une seule face de cette impératrice de fer. Ses origines et sa vraie nature seront les thèmes de notre EP à venir, Thoughts From A Stone.



Vous avez, sans l'ombre d'un doute, créé, avec Mind Cemeteries, un son nouveau. Quelle est, parmi toutes vos influences, celle qui vous a le plus aidé à développer ces innovations sonores ?

John : Je dirais Arnold Schoenberg et les compositeurs de la seconde école viennoise en général. Leur philosophie, tant dans leurs compositions que dans leurs écrits ou leurs correspondances, m'a profondément influencé. Pour eux, la musique était une expression de « soi-même ». Schoenberg disait : « L'art est l'indignation de ceux qui expérimentent le destin de l'humanité. Ceux qui ne l'acceptent pas mais l'examinent de près. Ceux qui n'activent pas aveuglément les machines des « forces du mal », mais se projettent eux-mêmes dans leurs rouages pour en comprendre la construction. »
En les étudiant, j'ai appris sur ma propre façon de m'exprimer. Il y a une grande différence entre la musique que l'on aime et la musique qui « est » réellement soi. Il n'y a pas de « pourquoi » en art, seulement des « parce que ». Parfois des « parce que je t'emmerde ! » (rires)

Austin : Les sons bruts et dissonants que le reste du groupe avait déjà développés ont été une grande inspiration pour moi. Mike et John m'ont poussé dans différentes directions : sections de « spoken words », sollicitations au niveau des tonalités, correspondances avec les sections de Mike... Vers la fin de l'album, je n'étais plus le même chanteur !
C'est devenu, à un même niveau, un projet de libération émotionnelle et d'exigence technique.

Mike : Idem pour moi ! Chacun dans ce groupe vous pousse à être meilleur. A sortir de votre zone de confort. C'est comme cela que nous progressons et c'est pourquoi ce projet fonctionne à tant de niveaux.

Chris : Citer une influence est une tâche presqu'impossible et pourtant un challenge intéressant... Je dirais quand même Virgil Donati. Il est passé maître dans l'utilisation des polyrythmies à un point tel que chaque ligne rythmique est une voix en elle-même ; en tant que telle. Bien que j'utilise les concepts mathématiques pour qualifier la musique, j'ai toujours pensé qu'il est important de s'appuyer sur les bases et de donner à chaque riff une sensation de « pour lui-même ».

Sylvia : Et, bien entendu... la vie elle-même et toutes les expériences sonores !

Bien entendu, vous êtes techniquement au top ; John joue de sa 10 cordes comme personne. Mais j'ai pourtant l'impression que la batterie de Chris est le nouveau paradigme de ce « nouveau son ». Juste une impression ?

Chris : Bon, ok, je ne vais pas te dire que je ne suis pas flatté par ta conclusion ! Mais je pense que ce « nouveau son » est dû à John et j'ai la même approche, genre « tous les coups sont permis », en ce qui concerne la rythmique comme paysage horizontal. Généralement, je cale mes drums sur les riffs que John a composés, même s'il y a quelques endroits où c'est renversé, ce qui conduit à des motifs complètement uniques ! Hollow Gaze est l'exemple génial du titre où toutes les idées qu'on a en tête vont dans tous les sens !
J'ai aussi une précieuse expérience des rudiments de la batterie qui m'aide à utiliser mon kit pour trouver des séries de combinaisons, de dynamiques, plutôt que de bêtement essayer de trouver l'intensité dans la vitesse seule. Je crois que c'est payant quand on écoute les parties de guitare de John sur Petrified Tears : les switchs permanents entre les subdivisions donnent à ce titre une impression de compression-dilatation que je ne pense pas avoir entendu souvent.

John : Oui... c'est un concept que j'ai appelé « agogiques notées». Une agogique est un terme qui signifie qu'on change de tempo pour donner de l'emphase à l'expression musicale. La musique classique est une histoire de théorisation et de notation de choses qui, des siècles avant, étaient seulement une histoire orale. J'ai fait la même chose à propos des agogiques et, avec Mind Cemeteries, nous avons amené ce concept dans l'univers du métal.

Austin : Bon... Chris est en avance sur son temps, hein. Son raz-de-marée tonitruant de chaos calculé est compris par très peu de Dieux et encore moins de mortels ! (rires)

Sylvia : ... et c'est bon de savoir qu'il vit sur un autre continent !



La contribution de XelmYa sur cet album est simplement géniale : prologue, interlude et épilogue. Est-ce qu'on peut imaginer que le futur de CCV sera plus une fusion entre les deux entités ?

Austin : Epilogue : As I Walk Amongst The Sick est le titre le plus lourd de l'album !

Sylvia : Merci beaucoup ! Hehe, on a vraiment adoré cette intense collaboration. Attendons de voir ce que le futur va nous apporter...

John : Oui, on a prévu certains rapprochements sur l'EP à venir. Mais avoir la possibilité et la compétence pour faire quelque chose ne signifie pas nécessairement qu'on va le faire... (rires) On n'aime pas faire l'évident ou l'attendu. Il nous faut une fameuse motivation, ou un fameux justificatif pour faire quelque chose. Stay tuned ! (rires)

Vous semblez, les uns et les autres, avoir un background musicologique intéressant. Pourriez-vous nous expliquer en quoi le concept de « dissonance » (qui, dans la musique du 19ème par exemple, devait trouver sa « résolution »), est souvent obsolète dans la musique métal ?

John : Oui, je n'ai jamais adhéré à ça. Dans la musique de l'Europe de l'ouest, nous avons deux accords consonants qui sont considérés comme le pinacle des réalisations de l'homme. Tout le reste est vu comme une dissonance et comme quelque chose qui peut éventuellement pimenter la musique consonante. Mais nous avons une série illimitée d'autres accords qui peuvent se servir entre-eux de résolutions, augmenter la tension et bien plus encore.
Les autres cultures ne créent pas de musique basée sur ces concepts. Ils les connaissent, mais ça ne les intéresse pas. Par exemple, les musiciens Baganda de l'est de l'Afrique accordent parfaitement leurs instruments à l'octave puis... ils les désaccordent. Ils préfèrent avoir d'autres intervalles à leur disposition. Ils connaissent notre concept. Ils l'entendent, mais ça ne les intéresse pas ! Le monde est rempli d'approches musicales totalement différentes de celles de l'Europe de l'ouest. Aucune n'est moins valable que les autres ! Moi en fait, les conventions d'une culture dans laquelle je suis né accidentellement ne m'intéressent pas. Je décide ce que je veux et ce que je ne veux pas... (rires)

Sylvia : Je n'ai pas tendance à penser en lignes harmoniques et en antiques idées de systèmes d'accords horizontaux. Si la dissonance verticale est concluante, la pièce musicale se développe aussi bien horizontalement. Mais en fait, la réflexion tourne plus autour de l'idée générale du son, quelque chose qui ne doit pas donner une émotion « guimauve ». C'est plus ça que consonance vs dissonance.
Surprendre les auditeurs, les prendre au dépourvu, leur donner des idées concernant l'espoir ou le réconfort, créer une place unique pour l'âme... c'est plutôt ça que nous recherchons. D'un autre côté, étudier de la musique écrite « avant » m'aide à me questionner perpétuellement et à ajuster mes idées.

John : Le meilleur exemple sur Mind Cemeteries est une nouvelle fois la chanson Petrified Tears : on y trouve à la fois les plus douces et les plus dures dissonances de tout l'album. Les dissonances « douces » nous inspirent la tendresse, la nostalgie ou la perte ; puis, au milieu, tout ça culmine vers les plus dures dissonances qui inspirent la colère, l'indignation ou le complet désespoir. Derrière ça, c'est basé sur très peu de motifs que vous pouvez reconnaître, transformés, dans chaque riff.

Avez-vous des projets de tournée ? Avez-vous déjà joué ensemble sur scène ?

Chris : J'adorerais jouer en live avec le groupe. L'énergie et l'atmosphère seraient incroyables dans un contexte « live » ! J'aimerais aussi participer à un « drum clinic » qui inclurait des titres de Coma Cluster Void
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 !

Sylvia : Pas de projet de tournée. Mais qui sait ?

Enfin, projet de nouveau matériel ?

John : On travaille déjà sur la prochaine sortie, qui sera un EP, Thoughts From A Stone. On collecte aussi des tas d'idées pour le prochain LP...

Merci à tous et à très bientôt pour un deuxième chapitre musical qu'on espère tout aussi phénoménal que le premier !




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