Interview

LAVENDER WITCH

« Être sur scène est déjà un geste politique, surtout quand on est un groupe de filles, et qu’on partage des paroles comme les nôtres. »


Vendredi 30 octobre 2020

Lavender Witch
Lavender Witch


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, c’est l’histoire de cinq sorcières punk féministes bruxelloises qui ont plein de choses à dire. J’ai beaucoup aimé leur premier album sorti en juillet 2020 et j’ai eu envie d’en savoir plus sur l’univers de ces demoiselles. J’ai donc tapé la causette avec Anne-Sophie Sonnet, la guitariste. Au programme : la nécessité de s’engager, le féminisme, l’antipatriarcat, le DIY, la musique et la vie !




Bonjour Anne-Sophie. Tu es guitariste du groupe Lavender Witch qui vient de sortir son premier album. Peux-tu nous parler de ton rapport à la musique et à ton instrument ?
J’ai commencé la guitare classique et le solfège quand j’étais enfant, puis je suis passée à la guitare électrique vers 16 ans car je commençais à écouter du rock et du metal. J’ai d’abord découvert le metal symphonique et j’adorais le contraste entre l’instrumental lourd et les voix féminines. Sans le savoir, j’étais déjà sur ma lancée vers l’exploration des groupes leadés par des femmes, mais je ne me posais pas encore les questions liées au genre, ni à la sous-représentation des artistes femmes.

« Ce n’est que plus tard, lorsque j’ai découvert la scène Riot Grrrl, les groupes féministes et des artistes comme Patti Smith que j’ai commencé à me rendre compte de la grande inégalité présente dans la scène musicale et culturelle en général. »

Comment as-tu réagi face à cette découverte ?
Il m’a quand même fallu quelques années avant de réagir concrètement face à ce constat. Au début on se dit de manière un peu fataliste : « c’est comme ça, qu’est-ce que je peux y faire ? ». Dans un premier temps, je me suis simplement concentrée sur les artistes femmes et j’ai orienté mes références en ce sens, que ce soit en cinéma ou en musique. Puis, un jour, avec ma meilleure amie, le lendemain d’une grosse soirée mainstream où la musique nous avait carrément dégoutées, on s’est dit « ben merde, on va lancer nos propres soirées et passer la musique qu’on aime ! » et c’est comme ça que Pullet Rocks est née, en 2013 (ndlr : on parle de Pullet Rocks plus bas).

« Je me suis donc dit à cette époque-là que si je voulais voir du changement, il fallait que j’essaie d’y contribuer à ma manière. »

C’est une prise de conscience qui peut prendre du temps car on ne rend pas compte du pouvoir qu’on a ! On se dit qu’on ne va pas révolutionner le monde, mais en fait si, le changement peut venir de nous, même à notre petite échelle ! C’est clairement le mot d’ordre des Riot Grrrls !



Lavender Witch, c’est arrivé comment ?
Nina, que j’avais rencontrée dans le cadre de Pullet Rocks, m’a dit qu’elle cherchait une guitariste pour monter un groupe. Ça m’a tout de suite emballée. Avec les autres membres du groupe, on s’est toutes rencontrées autour d’un verre. En discutant, on sentait déjà qu'on avait les mêmes envies musicales et surtout les mêmes préoccupations : le féminisme, l'antipatriarcat, etc. On a directement su vers quoi on allait. Quelques semaines après la première rencontre, on commençait les répét, dans un local à Saint-Gilles où nous répétons toujours. C’était en 2017.
C’était mon premier groupe, je n’avais pas l’habitude de jouer devant des gens. J’avais toujours eu envie de jouer dans un groupe mais sans trouver l’opportunité. Ici, c’était rassurant de se retrouver entre meufs, de tout commencer ensemble, de partir de zéro et d’évoluer ensemble sans se sentir jugées ni se mettre de pression. On est très solidaires, on a l’esprit de sororité et on évolue en suivant le rythme de chacune.

« Avec Lavender Witch, on est dans un esprit DIY et engagé. On a principalement joué dans des squats, des lieux alternatifs et pour des causes qui nous tiennent à cœur. On veut garder cet esprit libre, sans contrainte et avant tout faire passer nos messages. »

Lavender Witch
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est clairement un groupe féministe qui s’inscrit dans le mouvement Riot Grrrl. Quelles idées fais-tu passer dans la musique ?

On aborde différentes thématiques principalement axées autour de l’anti-patriarcat et du féminisme, mais aussi autour de ressentis plus personnels basés sur des expériences vécues.
Dans « Move Over » par exemple, on parle du manspreading et du fait que les femmes doivent bien souvent forcer les choses pour se faire une place dans l’espace public. C’est un double appel. À la fois aux personnes qui pensent que l’espace public leur est dû et aux autres qui n’osent pas y prendre place.
Dans « blood blood blood blood », on aborde l’absence de solution face à l’endométriose et aux règles douloureuses. La médecine préfère nous bourrer de médocs et d’hormones sans chercher plus loin.
« Strange Girls » relate le fait de grandir dans une petite ville où les esprits sont bien souvent étroits et où les personnes dites « différentes » sont considérées comme « étranges ».
Niveau sonorité, on utilise beaucoup la distorsion et on joue sur les contrastes entre moments calmes et moments plus abrasifs. J’apprécie de temps en temps les dissonances et j’aimerais explorer des moments plus planants pour amener un peu de mystère à notre son.
On accompagne notre album d’une zine comprenant les paroles et des interviews. La création de zine est une pratique typiquement Riot Grrrl qui permet de parler librement de plein de sujets et de créer des petits livrets qui se distribuent facilement.

Pourquoi utiliser la musique et pas te lancer en politique ou rejoindre les Femen? Les gens comprennent-ils vos paroles ?
Pour être politicienne, il faut la personnalité qui va avec et ce n’est pas vraiment mon cas. Du moins, pas dans le sens où on l’entend. Disons que je suis assez discrète et j’ai rarement envie de me lancer dans des débats interminables. En fait, je n’ai pas envie de convaincre qui que ce soit. Je préfère exposer mes ressentis et mes pensées via une création artistique. C’est nettement plus fun de faire passer des messages sur scène lors d’une soirée où les gens sont là pour passer du bon temps. Les gens prennent ce qu’ils entendent comme ils le veulent, je ne veux pas leur bourrer le crâne et s’ils ne sont pas enclins à entendre ce qu’on a à dire, tant pis. Si cela éveille chez certains un petit déclic, une petite prise de conscience, c’est tant mieux !

« Être sur scène est déjà quelque part un geste politique, surtout quand on est un groupe de cinq filles, et qu’on partage des paroles comme les nôtres. »

Je pense qu’on essaie que nos paroles soient accessibles à tout le monde, on n’hésite pas à les publier et à accompagner notre CD d’un livret qui les reprend. Le chant est clair, on a des morceaux courts et des paroles plutôt efficaces. Certains vont s’y retrouver car on aborde des thématiques assez larges et d’autres vont simplement apprécier le son et la musique, et c’est déjà bien !



En tant que musicienne, est-ce que tu ressens du machisme, des inégalités, des injustices à ton égard ?
Perso, ça ne m’est pas encore arrivé de me retrouver dans une situation machiste en tant que musicienne. Je n’ai pas eu d’expérience désobligeante lors de concerts. J’ai de la chance, car ce n’est pas le cas de tout le monde. Cela dit, je dirais qu’il y a tout de même une sorte de paternalisme ambiant, surtout quand on est une musicienne et qu’on débute. Les hommes vont avoir tendance à nous aider ou à nous conseiller, et ça peut être mal interprété.
Par contre en tant que spectatrice, oui ! Simplement par le fait de devoir reculer pour laisser les mecs pogoter à l’avant de la scène. C’est ça aussi qui m’a donné envie de créer mon asso Pullet Rocks en prônant le slogan des Riot Grrrl « Girls to the front ! » qui appelle les filles à venir à l’avant de la scène.

Pullet Rock, justement, je voulais t’en parler. J’ai lu que c’est un concept de soirées qui promotionne les artistes femmes. L’égalité est un sujet qui, visiblement, te tient vraiment à cœur. Exclure les mecs de la programmation de Pullet Rock, est-ce la solution ?
Pullet Rocks n’est pas dans une démarche d’exclusion mais de visibilisation. Évidemment, quand on choisit de visibiliser une partie de la population, on en cache une autre. Mais c’est un peu ce qui se passe à l’inverse depuis toujours dans l’art, dans la culture et dans l’histoire ! Les femmes sont tout simplement effacées de l’histoire et de la scène. Avec Pullet Rocks, on a voulu offrir une scène aux femmes mais on reste dans la mixité, la plupart des groupes invités sont mixtes, nous voulons simplement que la voix soit féminine.

« C’est une solution pour dire aux filles et aux personnes qui s’identifient comme femme, de prendre la place et qu’une scène existe pour les accueillir. C’est aussi un moyen de motiver les femmes débutantes dans l’art, ou les plus jeunes, et de les aider à se montrer, tout simplement. »

On voulait créer un lieu safe où le public féminin se sent en sécurité. Pas comme dans la plupart des concerts de musiques lourdes où les filles se sentent obligées de reculer pour éviter les pogos à l’avant. C’est pénible car on a juste envie de profiter de la musique.

Des projets, envies pour le futur ?
J’ai aussi envie d’évoluer dans ma pratique musicale via un projet doom et post-metal où je retrouverai les sons qui me font le plus vibrer. Ce n’est qu’une envie pour l’instant, à voir si cela se concrétisera un jour. Affaire à suivre :)

Es-tu plutôt :
Magasin 4 ou Forest National ? M4 ! C’est le lieu idéal pour les musiques alternatives.
Yoga ou crossfit ? Yoga, je préfère ne pas trop me faire souffrir !
Cinéma ou Netflix ? Cinéma ! Netflix c’est du fast food !
Idéaliste ou réaliste ? Réaliste avec une touche d’idéalisme, histoire de garder un peu d’espoir.
Photo ou vidéo ? Vidéo et j’en ai fait mon métier.
Tatouage ou piercing ? J’étais plutôt piercing à une époque, maintenant je me laisserais plus tenter par le tattoo.
Couleur ou noir et blanc ? Couleurs. La nature les a créées, il faut en profiter.
Bouddha bowl ou hamburger ? Bouddha bowl, j’ai abandonné la viande depuis longtemps !
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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