Interview

KNUT

Samedi 16 décembre 2006

1_ Extrêmement attendues, quels ont été les réactions à l’accueil de « TERRAFORMER » ?

Roderic : Très bonnes dans l’ensemble. Forcément, certains ont été déroutés par la quasi absence de chant et la direction un peu plus expérimentale, atmosphérique, voire décousue de l’ensemble. Ceux qui avaient croché sur Knut par l’agressivité et le côté compact de « Challenger » sont peut-être restés sur leur faim mais au bout du compte « Terraformer » semble gagner à être exploré en profondeur, sans idée préconçue. J’aime le fait que nos albums soient un peu difficiles à apprivoiser, mais qu’ils tiennent la distance. Il y a tellement de merdes standardisées faites pour accrocher l’auditeur immédiatement.

2_ Je sais que c’est une question quasi rituelle mais un petit mot d’explication sur l’origine et la signification du nom ?

Dictionnaire ?

Arff, aurais-je trouvé la Marie-Thérèse Porchez du hxc ? Je parlais d’anticonstitutionnellement… Je voulais parler de Knut évidemment…

C’est très simple, ce mot (qui s’écrit aussi « knout ») signifie fouet ou martinet en russe.

3_ Si tu devais définir Knut à quelqu’un qui ne vous connaît pas, que dirais-tu ? et comment définirais-tu l’expérience qui est de voir Knut en concert (et qui pour moi s’apparente a une expérience quasi-mystique je n’ai jamais ressenti un tel sentiment pendant et après un concert) ?

Mystique… merci… c’est peut-être un peu exagéré mais il y a bien une dimension cathartique dans ce bordel qu’on arrive à créer, quand on y arrive. C’est en tout cas comme ça qu’on le vit physiquement et mentalement. C’est assez particulier par rapport à la vie de tous les jours, de passer une heure avec tes quatre meilleurs amis sur une scène en état de synchronisation, de symbiose, en face d’un public que tu n’as jamais vu et qui vient participer à ça.

4_ Plusieurs années se sont écoulées depuis la sortie du dernier album « Challenger » (2002), que s’est-il passé entre-temps ?

Pas mal de choses entre les tournées, l’écriture, le lancement du projet de remixes (qui est finalement sorti ce printemps) et puis une phase de recul pour trouver l’inspiration et l’envie, qui n’a duré qu’un an, un an et demi tout au plus.

5_ Xieme album (difficile à dire) avec « Terraformer », quel regard portez-vous sur le travail accompli ?

Troisième ou quatrième album studio, ça dépend si tu considères le 7 titres « Leftovers » comme un album, nous oui. En tout cas on ne s’attendait pas à être encore là 12 ans après ce premier 45t enregistré dans ma cave! On a joué avec des groupes incroyables (Zeni Geva, Neurosis, Botch, Converge, Keelhaul, Ananda, Tantrum, etc), on a même partagé la scène avec Motörhead et Celtic Frost, que demander de plus? On reste conscient que tout ça a demandé pas mal de patience, de persévérance et de sacrifices. C’est tellement plus cool d’aller se balader ou de s’envoyer des DVD plutôt que de prendre le bus sous la pluie pour aller répéter, faire des plannings/budgets de tournée, des demandes de subventions, répondre à des interviews interminables (hem) Mais bon on est tombé dedans, rien à faire.

6_ Troisième ou quatrième album donc, mais comment « Terraformer » a-t-il été conçu sachant que beaucoup de monde attendait votre retour ?

Déjà on ne s’est mis aucune pression parce qu’on est ni Tool, ni Iron Maiden alors on fait ça d’abord pour nous, pour se surprendre et se faire plaisir. C’est sûr que le son n’égale pas celui de « Challenger » mais bon, ce n’est qu’un disque et il nous plaît comme ça. La musique qui est dessus représente une évolution importante, un pas vers la suite.

Didier (chant) : On a fait ça sans arrière-pensée et avec zéro intention précise... Pendant la période de calme qui a suivi les tournées de « Challenger », tout le monde a continué à bricoler des trucs dans son coin ou par groupes de deux, entre fin 2003 et 2004. Et on s’est rendu compte peu après le concert qu’on a fait avec Pelican en été 2004 qu’on avait assez de matériel pour un album. On pensait faire une démo avec Jérôme Mumakil/ex-Nostromo avant d’enregistrer l’album proprement en studio, mais le résultat d’un week-end pendant lequel on a posé les pistes instrumentales de base nous a tellement plu qu’on a fini le tout à la fraîche...

7_ Procédez-vous de manière précise, réglé comme une horloge (mouarf, elle est facile) ? Comment les tâches sont-elles réparties au sein du groupe ?

Didier : On ne procède pas de manière hyper précise, mais on se donne les moyens humains et pratiques pour faire les choses comme il faut. Quant au partage des tâches, on a plusieurs postes comme le central communication agency & special debugging qui est tenu par Roderic, je gère le dept of technical advisory & poetic propaganda, tout le monde bosse à la riff factory et les postes de logistique, transports et marchandises sont tenus par des proches...

Roderic : De fait, je reste le principal compositeur parce que je passe des heures à riffer chez moi et que comme batteur, j’ai déjà les rythmes en tête, ce qui rend les choses plus faciles. Mais l’informatique rend pas mal de choses possibles, c’est un domaine où je suis assez nul mais par contre Didier (chant), bricole depuis longtemps et ça lui permet désormais de rajouter pas mal de sons, de textures et même aujourd’hui de créer entièrement un morceau comme « Solarflare ». Nos horizons ne cessent de s’élargir et c’est ce qui nous donne envie de continuer.

8_ Est-il possible d’avoir un petit mot d’explication sur les titres des morceaux, leur signification ? Y a-t-il un rapport avec les G8/G7 ?

Didier : Assez simplement, il s’agit d’une une mise en parallèle des grands projets intergalactiques de conquête et colonisation de l’univers avec un état du monde terrestre actuel un peu plus inquiétant et nettement moins prometteur que ce soit au niveau social, économique, écologique et spirituel...

9_ Comment décrirais-tu le son de Knut ?

Metal + noise + h/c + experimental + sludgedoom made by people who dig a lot of different good shit...

10_ Pour en arriver à un style musical aussi poussé (malade diront les mauvaises langues), qu’elles ont été les premières musiques que vous ayez appréciées ?

Roderic : Les premières ne sont peut-être pas celles qui expliquent le mieux la démarche de Knut, encore que... Personnellement (je ne peux parler que pour moi), j’ai été élevé avec la folk music de ma mère qui a grandi aux Etats-Unis avec Dylan, Joan Baez, Donovan,... mais aussi beaucoup de classique et d’opéra du côté de mon père, ainsi que Stevie Wonder et tout un tas d’autres choses de l’époque (Supertramp, Pink Floyd, ELO). Pas très punk tout ça. Ensuite, j’ai découvert la musique progressive avec mon frère lui-même batteur ...là on touche quelque chose, Genesis, Rush, Yes, King Crimson et j’en passe... Plus tard j’ai découvert le punk, le metal, l’industriel, la noise, les musiques expérimentales et si tu mixes tout ça, tu obtiens mes influences, et rien que les miennes alors qu’on est 4 ou 5 dans le groupe.

Didier : Au niveau scénique, je dirai les Young Gods, et puis tous ces bons groupes qu’on a pu voir à Genève que ce soit à l’Usine ou dans les squats emblématiques comme l’Ilôt 13, la Cave 12, la Tour, le Garage, le Goulet qui ont malheureusement pour la plupart disparu... On a des backgrounds assez variés mais dès le début certains groupes ont fait l’unanimité et nous ont servi de point de départ: Neurosis, Melvins, Today is the Day, Godflesh, Swans, Eisenvater, Zeni Geva, Napalm Death, Helmet, Unsane, Eyehategod, Entombed, Don Caballero et un tas d’autres... et bien sûr d’autres découvertes comme Meshuggah, Breach, Converge, Coalesce, Bloodlet, Botch, Keelhaul, des trucs devenus indispensables...

11_ A l’époque de la sortie de « Challenger », vous présentiez votre ingé son comme membre à part entière du groupe. On pouvait donc logiquement s’attendre à retrouver Serge Moratel aux manettes, mais étrangement c’est un ancien Nostromo que l’on retrouve au son, un petit mot d’explication ?

Roderic : C’est vrai, mais comme je l’ai dit on ne pensait faire qu’une démo chez Jérôme Pellegrini et aller chez Serge après. On a juste changé notre fusil d’épaule au vu du résultat. Ce qui est sûr c’est qu’on retournera chez Serge un jour.

12_ Lors de votre passage en Belgique en avril dernier vous étiez accompagné de Tim, ancien guitariste de Prejudice (groupe genevois). Un besoin de sang frais pour relancer la machine Knut ou besoin d’une guitare en plus pour monter encore en puissance et saturation ?

Les deux, mais surtout la deuxième raison. Tim a méchamment assuré en apprenant tous ces morceaux en un temps record.

13_ Le premier semestre a été plutôt chargé en concert et tournées, vous avez été en Angleterre tourner en compagnie de Taint, une autre tournée avec Impure Wilhelmina. Et après la sortie d’ « Alter » au printemps, un passage au Hellfest, pas mal pour un groupe qui ne voulait plus tourner… Tu expliques ça comment ? Vous vous êtes repris au jeu? Et comment s’est passé votre passage au Hellfest, un set en forme d’apothéose de 10 ans de carrière ?

Honnêtement, si on ne voulait plus jouer en live c’est qu’on était au bout de notre relation avec notre ancien guitariste. On se trouvait tout un tas d’excuses, on envisageait même d’enregistrer et de ne plus tourner... On reste très potes et ça nous faisait chier de passer par une mesure douloureuse. Finalement tout s’est bien passé, Philippe est parti vers d’autres choses, Jeremy a repris la guitare (il l’avait déjà fait pendant la composition et l’enregistrement de « Terraformer ») et l’arrivée de Jérôme à la basse, de Tim à la seconde guitare a définitivement remotivé Knut pour la scène.
Quant au Hellfest, je reste un peu sur ma faim. Ce genre de festival, excellent au demeurant, n’est pas l’environnement idéal pour Knut: grosse scène, plein air, plein jour, un set d’une petite demi-heure entre deux groupes de metalcore ou de brutal death... je pense que ceux qui nous ont vu dans de petites salles sur les dernières tournée auront noté la différence, même si les réactions ont été bonnes au Hellfest. Il faut admettre que ce genre de festival te permet aussi de toucher un public plus large, pas forcément exposé à ta musique.

14_ Concernant « Alter », l’idée de cet album est venue de vous, du label ? Comment c’est fait le choix des morceaux et des artistes qui vous ont remixés ?

C’est une idée qu’on avait depuis longtemps et qui a été rendue possible par l’échéance des 10 ans, l’enthousiasme de Hydra Head pour le projet et le fait que certains artistes contactés pouvaient avoir entendu parler de nous après toutes ces années. Il y a eu des réactions intéressantes, par exemple Mick Harris (Scorn, Lull) n’a plus touché de batterie depuis Napalm Death et Painkiller mais il était emballé par nos albums qu’il ne connaissait pas, ou encore Francisco Lopez qui travaille dans le soundscape minimal et qui nous a proposé de collaborer plus concrètement à l’avenir... qui sait ? En tout cas cette expérience nous a permis de mettre en avant les côtés expérimentaux de Knut et le potentiel de retraitement de toute cette matière sonore.

15_ Justin Broadrick (Jesu, ancien Godfelsh) vous a remixé, comment t’es tu retrouvé derrière les fûts à accompagner Jesu en tournée européenne et que garde tu de cette expérience au service de la musique d’un autre ?

Du bonheur et encore du bonheur... Jouer avec Jesu et avec quelqu’un dont la musique (tous projets confondus) m’inspire depuis plus de 15 ans fut une expérience unique. J’espère qu’on aura l’occasion de re-collaborer un jour sous une forme ou une autre. Il est question que Knut enregistre avec lui la version de « Merciless » (Godflesh) qu’on a reprise ensemble sur scène récemment.

16_ J’ai certainement oublié pleins de choses mais bon, si on veut clôturer cette interview avant Noël 2016, il faudra bien en finir, alors bon, j’ai lu que vous étiez déjà en pleine écriture du prochain album et qu’un dvd était en projet également, on peut espérer ça pour quand? Après des années de silence vous voilà hyperactifs (sans parler de Mumakil side-project de votre guitariste), vous carburez à quoi maintenant, coke/héro ?

... à des substances beaucoup plus communes, malheureusement (?) mais les deux projets que tu évoques vont prendre du temps, ce sera pas pour tout de suite. Dans l’immédiat Jeremy s’implique effectivement beaucoup avec Mumakil, on verra les incidences sur l’agenda de Knut...

Encore un énorme merci à Roderic.

Merci à toi pour cette interview hybride, bonne chance pour la rendre cohérente ;)

http://www.hydrahead.com/knut
http://www.myspace.com/unknut
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