Interview

DJINNS

''L'envie et le besoin de créer est très présent à Bruxelles et ce malgré les difficultés''


Mercredi 25 novembre 2020

En ces temps difficiles, quoi de mieux que de se pencher sur le local ? Sur le circuit-court ?
Djinns
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est un duo bruxellois avec Jonathan Michielsen à la guitare et Karim Yannïck Daïf à la batterie.
Il viennent de sortir leur premier EP, intitulé Reunion (2020), qui est une plage expérimentale improvisée scindée en quatre partie.
J'ai pu leur poser quelques questions au sujet de cette sortie.
Bonne lecture !




Hello !

Comment le projet est-il né et comment en êtes-vous arrivés jusque Reunion (2020) ?

Yann : De mon côté, un peu par hasard. J'avais émis l'envie dans mon entourage de faire un projet « métal » et c'est donc via Albin A. Winter (DES YEUX
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) que j'ai fait la rencontre de Jonathan. Nous avions donc pris contact et planifié une première session afin de se jauger et voir ce qui en découlerait.
Trois sessions ont eu lieu et nous avons très vite compris qu'il y avait du potentiel pour faire un projet et il y a eu de même rapidement une alchimie entre nous car lors de ces sessions on est partis sur de l'impro avec donc rien de défini entre nous ou de « patterns » batterie réfléchis et préparés, limite en mode pilote automatique (rires) tellement nous étions à l'écoute de l'autre et complémentaires et ce dès la première session. Et donc tout naturellement un EP a découlé de ces sessions.

Jonathan : Oui, tout c'est enchaîné très naturellement. Je suis déjà dans un duo (Reptile's Reign
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) et vu que c'est cette formule que Yannick cherchait, j'ai trouvé ça intéressant de partir dans une direction différente, plus introspective, lente et expérimentale.
Reunion (2020) est le résultat de nos trois premières sessions ensemble, autour de quelques idées de départ, mais c'est surtout le moment où on s'est trouvés, et où on a trouvé un son qui nous plaisait.
Donc c'est vraiment le résultat spontané de la rencontre entre nos deux propositions, sans trop processus de réflexion derrière.


Avez-vous une méthode productive ? Comment avez-vous adapté votre production à cette crise ?

Jonathan : Depuis le début, vu que Djinns
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est pour nous deux un projet qu'on fait mûrir à distance, l'idée c'est de rassembler des idées en amont : des sons, des idées d'ambiances, pour ensuite se réunir et faire fonctionner ces idées en live. Tout ce qu'on teste, à chaque session, est enregistré , notamment pour essayer de voir ce qui fonctionne. Mais dans ce cas-ci, ça nous servi de matière pour assembler des enregistrements qui nous ont parus suffisamment intéressants pour les proposer.
Dans le cadre actuel, on pourrait dire que la crise nous a certainement aidé à lancer le projet en tout cas, parce qu'on s'est retrouvés avec beaucoup de temps pour y penser, mais qu'elle ne nous facilite pas toujours la vie pour poursuivre. On a certainement pas pu se réunir autant que l'on aurait voulu par exemple.

Yann : Dans le cadre de cet EP, c'est l'improvisation, l'instant présent qui ont rendu ces enregistrements possibles. Nous travaillons actuellement sur du nouveau matériel. Les nouvelles mesures sanitaires ont compliqué grandement notre gestion organisationnel avec le système des bulles et du couvre-feu notamment. Mais la technologie nous aide clairement pour travailler certaines choses à distance afin d'avancer dans les compos et sans être au local. On s'adapte.


Reunion (2020) est un album très méditatif, très planant. Séparé en quatre parties, il semble nous accompagner au travers d’un voyage spirituel assez sombre. Il fleurit beaucoup de beaux projets comme le votre en ce moment. Quelle est l’intention même de cet album ?

Yann : Après avoir pris le temps d'écouter, de digérer et d'analyser les enregistrements de nos sessions passés, nous avons trouvé normal d'officialiser notre projet par une mise en ligne de Reunion (2020) qui a été mixé pour l'occasion dans le but de pouvoir le partager avec les auditeurs et nous faire découvrir auprès du public.

Jonathan : Le mot Réunion a pour moi une signification évidente, c'est vraiment le moment où on s'est réuni pour jouer ensemble, avec nos deux univers, nos expériences. Ce qui en résulte est là, de manière assez pure. C'est un album très spontané, mais qui est tout de même né de l'idée de produire quelque chose de très immersif. Il y a quelque chose de fascinant quand on revient à quelque chose de primordial : une vibration, un rythme, on rentre immédiatement dans un espace qui a une qualité différente. Les éléments prennent une sorte de richesse propre, et qui se situe à un autre niveau que celui de la réflexion habituelle.
Donc s'il y a une intention, c'est que les morceaux parlent d'eux-mêmes et permettent ce transport.

Pourquoi quatre différentes parties ?

Yann : Lors du mixage de cet EP, il nous a paru intéressant de déployer cela sous forme de voyage avec des étapes, des paliers à atteindre. De même, Il faut dire que nous avons tendance à laisser parler nos instruments et nos morceaux instrus sont souvent long, ce qui nous a amené à l'idée de concocter des passages entre, afin de pouvoir emmener l'auditeur vers ce que nous souhaitons lors du processus d'écoute.

Jonathan : On a pas mal réfléchi à la question de la durée, à une forme d'équilibre, et ça nous a paru fonctionner comme ça. Peut-être que ça résonne avec l'idée qu'on est deux, et avec l'idée de réunir deux choses qui ont été séparées, encore une fois. Deux parties réunies en une piste, deux pistes réunies en un album. Le chiffre deux, qui lui-même peut se dédoubler, peut faire référence à la dualité, aux mondes miroirs. La réunion de deux mondes en un projet : sensible et intelligible, terrestre et spirituel.

Vous parlez d’improvisation dans Reunion (2020) ? Pouvez-vous expliquer ? Avez-vous tout de même une structure fondamentale ?

Yann : En effet, ce projet est né de l'impro et nous aimerions en partie garder cela dans notre son et nos futures compos ; garder quelque chose d'instinctif et d'unique, spécialement pour nos futurs concerts ; donner à chaque fois à un public différent, une version différente de notre set.
Mais nous voulons tout de même avoir des lignes directrices derrières dans le cadre de nos compos par soucis de cohérence et de logique de structure.

Jonathan : Ici il s'agit vraiment de sessions qui on été assemblées pour donner un tout cohérent, mais certaines parties sont tout de même des débuts de morceaux écrits, des tentatives de trouver une forme de régularité. Et finalement je trouve que c'est ça qui fonctionne le mieux, ce mélange de parties amenées consciemment, et ces moments de lâcher-prise.
La régularité est importante, mais l'improvisation ouvre un espace où ce qui se passe est plus dangereux, donc plus vivant et intime.

Étant un duo guitare-batterie avec beaucoup de couche d’effets, passez-vous beaucoup de temps en post-prod ?

Yann : La post-prod, nous n'y sommes pas encore. Reunion (2020) est un EP brut enregistré et mixé dans des conditions sommaires. Notre but actuel est de composer de nouvelles choses, faire évoluer notre son et une fois satisfait, aller en studio dans de bonnes conditions d'enregistrement afin d'avoir de la matière à proposer pour notre plus grand plaisir à l'auditeur.

Jonathan : Les effets ont tous été générés en live. Il y a des interludes qui lient les parties ensembles et qui ont été ajoutés après, mais qui ne se superposent jamais à nos enregistrements initiaux. Le son de ma guitare passe par plusieurs amplis en parallèle, puis il y a tout une gamme de pédales d'effets qui donne cette impression de multiplication des voix et des textures. Des octavers, des réverbérations évolutives. C'est assez intense de jouer une note et d'avoir l'impression que tout un monde spacieux et vaste se déroule de lui-même.

Où vous situez-vous dans la scène bruxelloise ?

Yann : Bruxelles a toujours eu une scène alternative très riche, prolifique et varié. Je pense que Djinns
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fait partie, avec d'autres projets émergents, d'une nouvelle vague. Et il y en aura d'autres car l'envie et le besoin de créer est très présent à Bruxelles et ce malgré les difficultés de financement, de diffusion et de visibilité pour ces groupes. Nous faisons déjà partie de l’underground Bruxellois d'une certaine manière mais nous espérons à long terme gagner en notoriété chez nous à Bruxelles et en Belgique, mais aussi à nous exporter en Europe en l’occurrence par le biais de tournées entre autre et ce dans un premier temps.

Jonathan : C'est une bonne question. Je pense que ça fait un moment que je joue, et je ne me suis jamais autant senti proche de ce qui se fait pour l'instant à Bruxelles. Des Yeux
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, Neptunian Maximalism
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et Wolvennest
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par exemple, qui sont des projets qui m'inspirent, et qui font des choses que je trouve vraiment pertinentes.




Vous parlez de musique chamanique ? Comment la percevez-vous ? Et comment l’avez-vous rendue dans cet album ?

Yann : Lorsque nous avions terminer le mixage de Reunion (2020), nous avons trouvé qu'il y avait un côté rituel, un voyage initiatique, une sorte d'odyssée sous acide, émanant de notre musique involontairement voir accidentellement psychédélique et progressif. Le plus drôle c'est qu'avant de jouer ensemble, Jonathan et moi étions partis dans l'optique d'un style volontairement Doom et Drone mais d'autres choses ont pris forment durant les sessions et ont fait ce que nous sommes aujourd'hui, rires.

Jonathan : Je pourrais partir des heures dans ce sujet que je trouve très riche. Mais je pense aussi qu'il faut faire attention avec le terme chamanisme, c'est plutôt une référence à aborder avec beaucoup de respect. Pour moi le chamanisme traditionnel, qu'on ne pratique pas, implique une certaine formation, un système de pensée et des rituels précis à maîtriser, et il est important de ne pas prétendre à quelque chose qu'on est pas. Dans ce sens, notre musique s'inspire de ces procédés mais ne tente pas de s'y substituer.
Mais sinon, le personnage du Shaman reste quelque chose de fascinant pour moi, puisque c'est un élément de la société que la modernité a choisi d'abandonner. Il représente de fait une partie de notre psyché qui s'exprime la moins dans notre actualité, et qui reste à totalement réinventer. Dans ce sens-là, notre musique, je pense, essaye de participer à cette réinvention, en évoquant un chemin possible.

Selon vous, quel est le rôle de votre musique ? Et de la musique en règle générale ? De la musique chamanique ?

Jonathan : Je ne sais pas trop. Je pense que s'il y a autant de forme de musique, et depuis toujours, c'est qu'il doit y avoir quelque chose de fondamental dans le son qui fascine l'être humain. Dans ce sens là, toutes musique prend source dans la transe, volontairement ou pas.
Le chamanisme c'est aussi la communication avec un autre monde invisible, donc la musique ouvre à quelque chose auquel on est pas capable d'accéder autrement. Une vérité plus intime, un autre dimension, une entité. La liste est infinie parce que les expérimentations possibles le sont aussi. En tout cas pour Djinns
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la musique est clairement une expérimentation pour découvrir des nouvelles manière de ressentir nos moyens d'existences.

Yann: Outre notre besoin vital de jouer et composer ensemble, nous prenons un grand plaisir à ramener un univers, des couleurs et de pouvoir faire voyager l'auditeur au gré de notre musique. Le fait de prendre le temps de faire évoluer un morceau, de lui insufflé la vie c'est une expérience sans cesse jouissive. Je ne saurais dire comment nous en sommes arrivés à notre style mais il y a une spiritualité qui nous anime clairement au sein de ce projet.

Envisagez-vous une formule live ? Une évolution avec plus de musiciens ?

Jonathan : Faire du Live à toujours été une ambition dès la création du projet. On peut dire que Reunion (2020) existe pour proposer et montrer ce qu'on a envie de faire en live. Bien sûr c'est un objet à part entière et avec sa propre raison d'être, mais on est impatient de montrer toutes nos autres variations autours de ces idées-là et de les proposer face à un publique.

Yann : il est très tentant d'évoluer à plusieurs au sein d'un projet, de gagner en puissance, en harmonies, en rythmique. Mais je pense pour ma part qu'il est d'autant plus compliqué de composer à plusieurs. Donc je privilégie plus le power duo que nous sommes pour communiquer. Mais avec Jonathan nous pensons faire appel à des guests dans le cadre de notre future EP et sur scène ainsi que faire d’éventuels collaborations avec des projets qui correspondent au niveau de l'univers musical de Djinns
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Comment la scène (bruxelloise) peut-elle continuer d’exister en ces temps selon vous ?

Yann : Je pense qu'il faut avant tout sauver les lieux de la scène alternative Bruxelloise avant toute chose car ce sont eux qui donnent la chance à des nouveaux projets locaux de jouer et faire leurs preuves. Trop d'endroits ont été fermés ou risquent de l'être avec la gentrification et le manque de soutien du monde politique au niveau régional. Les décisions du gouvernement face au Covid n'ont bien entendu rien arrangé dans la sphère culturelle.
Et donc il faudrait à mon avis plus d'aides des acteurs et auxiliaires culturels mais pas que, pour une meilleur visibilité des groupes locaux ainsi qu'une politique durable pour ces derniers et la scène alternative Bruxelloise afin de garder un underground sans cesse évolutif et ne plus à voir des projets mourir dans l’œuf faute de manque d'aides extérieures. De même il faudrait mieux diffuser et promouvoir les groupes locaux, notamment sur les ondes radios et web radios. Tout cela en sachant que le seul moyen principal pour un groupe de se faire une fan-base, de rester visible et de tenter de rentrer dans ses frais lié au projet sont les tournées, les concerts qui dois-je le rappeler, sont inexistants à l'heure actuelle.

Merci.

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AUTEUR : Reshma Goolamy
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décén...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les con...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...

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