Reportage

De l'élégance à la folie

Charleroi (Eden), le 25-05-2019

Mardi 28 mai 2019

En cette veille de scrutin électoral et de la percée aussi nauséabonde et fascisante que les urnes allaient révéler le lendemain, c’était à Charleroi que les amateurs et amatrices de décibels s’étaient donné rendez-vous. Et pour cause, l’Eden de Charleroi accueille non pas une, mais deux têtes d’affiche : Brutus
Brutus


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et Raketkanon
Raketkanon


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. Une soirée qui, pour une fois, ne peut arriver que dans le sud du pays. En effet, les deux formations attirent tellement monde en Flandres qu’elles génèrent des sold-out à elles toutes seules. Ne boudons donc pas notre plaisir.

Il est vingt heures pétantes lorsque le trio louvaniste de Brutus
Brutus


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débarque sur scène. Stijn et Peter, guitariste et bassiste de la formation, se placent discrètement sur la droite de la scène. Finalement arrive la chanteuse et batteuse, Stefanie, qui vient littéralement en cheffe d’orchestre siéger derrière son kit de batterie. Alors que cet instrument est généralement relégué en fond de scène, Brutus a pris le pari de le disposer tout à l’avant, tourné latéralement, de telle façon que l’artiste soit face à ses musiciens et que le public puisse voir son jeu. Et quel jeu!



Dès le début avec Fire, titre d’ouverture de leur dernier album sorti il y a peu, Nest, le groupe électrise la salle. Il se passe quelque chose, invisible, mais perceptible, où la scène et la fosse ne font plus qu’un. Les yeux sont rivés sur Stefanie, tantôt martelant ses fûts, tantôt entraînant l’audience dans des rythmes plus hypnotiques. Le tout en ayant la tête tournée vers la gauche, face à un micro posé sur un pied, déversant une voix rauque parfois criée, parfois chantée et touchant les aigus de la pointe des pieds. Pas une fausse note n’en sort. La musicienne est traversée par les compositions, focalisée sur l’exécution des titres. Seuls de timidesthank you ou encore un désolé pour mon mauvais Français viennent ponctuer enchaînement du set. Après Horde II, elle active un gros ventilateur situé derrière elle. Son imposante chevelure vole désormais dans les airs, découpée sur un fond bleu électrique tamisé. Le public reste calme, mais les acclamations entre les morceaux ne trompent pas : tout le monde avait fait le déplacement pour les deux groupes de la soirée. Les pieds martèlent le sol, bon nombre de têtes se balancent. Avec seulement deux albums au compteur, Brutus a démontré ce soir qu’ils étaient aussi performants sur enregistrement qu’en live. Avec cette capacité de créer une ambiance, un univers subtil et émotionnel, où les sentiments s’entremêlent et suscitent en bout d’heure le vague à l’âme. Conscient d’avoir vécu quelque chose de beau, mais incapable de vraiment le définir.



Rien de tel qu’une demi-heure de pause afin de soulager une vessie, qui finira néanmoins par être à nouveau remplie une ou deux bières plus tard. À l’Eden, on se sent comme à la maison. Tout le monde est souriant, les gens s’asseyent et discutent de ce qu’ils viennent de voir. D'autres descendent les escaliers métalliques qui mènent à la brasserie et vont griller une cigarette, pas loin du singe mécanique enfermé dans sa cage de plexi, vestige et rescapé d’une jeunesse à la page tournée. On s’approche des 21 h 30, le temps rejoindre la salle pour la suite des festivités.

Aucune intro de rigueur. Pieter-Paul se plante à l’avant de la scène, face au micro et psalmodie les paroles d’Anna, issu de leur premier album. Ce faisant, il ne cesse de chipoter à la table de mix disposée à côté de lui, jouant sur ses effets vocaux et utilisant sa voix également comme instrument. L’homme ne tient pas en place et lance un premier geste d’impatience aux premiers rangs, difficilement compréhensible. Puis un second vers quelqu’un qui le filmait avec son smartphone. Le musicien finit par s’interrompre et… chasse de manière plutôt rustre et violente les photographes du premier rang. Ne le prenez pas personnellement, mais je ne veux uniquement que de vrais gens devant moi. Ceci explique pourquoi vous n’aurez pas de photos de ce show, malheureusement. Avec ce manque de respect, le ton est donné : ce sera brut de décoffrage et piquant.

Il est difficile d’exprimer par des termes l’ambiance de cette heure de show. Mais une chose est certaine, ce quatuor de Gand est composé de personnalités pour le moins disjonctées. Un grain de folie latent et permanent, où la moindre étincelle pourrait tout faire exploser. À tout moment. Pieter, avec sa batterie également mise de façon latérale tout comme Brutus
Brutus


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, mais néanmoins en retrait à l’arrière de la scène, frappe comme un sourd, tantôt assis, tantôt debout à côté de son kit. Face à lui, Lode, petite moustache de rigueur et au look tel un acteur qu’on dirait tiré de la fameuse famille du film De Helaasheid der Dingen, secoue son synthé dans tous les sens, manquant à plusieurs reprises de le faire tomber. Sur sa droite, Jef est enfermé sur sa guitare dont la tête et les mécaniques ont été amputées. Pieter-Paul a quant à lui le diable au corps, faisant voler ses jambes dans tous les sens, parfois aux rythmes des titres, parfois pas du tout. Il martyrise son micro et hurle à pleins poumons d’une voix oscillant entre la pathologie et la décadence. Son pied de micro voltige, manquant plus d’une fois d’assommer le premier rang, rattrapé de justesse par un spectateur attentif.

Il n’en faut pas moins pour que ce grain de folie se communique à la fosse. Les corps se bousculent, se repoussent, bougent frénétiquement et en en transe sur ces titres pour le moins inqualifiables de Raketkanon
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. Ce mélange de rock, de noise, d’expérimental, de pop, d’ambiant et de sursauts de metal entraînent bien vite l’audience en zone rouge, cet espace grisant où une ligne de démarcation vient d’être consciemment franchie. Le chanteur tourne le dos à son public et se laisse tomber. Il commence à son tour à propulser son corps sur d’autres. Le tout avec son micro filaire toujours en main, tissant une toile imaginaire entre les personnes. Celles et ceux les plus proches prennent soin de ne pas trébucher et tirent le câble afin que l’artiste puisse avoir du jeu. Il finit vautré par terre, sur le dos, poursuivant ses vociférations.

L’énigmatique logo triangulaire, qu’on pourrait croire fait d’un assemblage de petits néons et comprenant un enchevêtrement de chacune des lettres du nom de groupe, trône à l’arrière de la stage. Tantôt allumé, tantôt éteint, tantôt scintillant de couleurs. Par contraste, il incarne la seule chose immobile sur scène. Vous allez bien…? Oui ou non? Fromage ou bière?, lance le guitariste dans un Français teinté d’accent flamand. Chapeau en tout cas à celui ou celle qui aura compris où le musicien voulait en venir… Si le surréalisme à la belge venait demain à avoir besoin d’ambassadeurs, Raketkanon
Raketkanon


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finirait pour sûr la liste des nominés.

Le vocaliste prévient qu’il ne reste plus qu’un morceau, je pense à un énième troisième degré. Mais il était pourtant sérieux. Une heure est déjà passée et la formation prend congé de son public, dans un rappel qui s’apparentait à davantage un prétexte pour se mettre sur la gueule un dernier coup. C’était court, trop court. Mais je sors de là reconnaissant d’avoir pu participer à cette expérience hors de l’ordinaire, comme s’il était possible de goûter à la folie sans qu’elle ne puisse prendre possession de votre esprit. À vivre, mais de préférence en n’étant pas photographe.

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Merci à Severine pour les photos (à retrouver en intégralité ici : http://www.shootmeagain.com/photos/7324_brutus_charleroi_25-05-2019)
Merci à Fabrice, Nathalie, Carmela et toute l’équipe de l’Eden.
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AUTEUR : Sekhorium
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près ...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouve...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musica...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....

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