Reportage

Quand Anvers invite le Malin

Anvers (Zappa), le 09-01-2020

Vendredi 10 janvier 2020



Atteindre Anvers, en temps voulu et le soir, d’autant plus quand on vient du Hainaut : ça n’a rien du pari gagné d’avance. Et pourtant… cette fois-ci, c’est dans la poche. Après le balai des voitures, des camions et des bouchons, tout devient plus facile. Le Kavka Zappa est situé à l’écart d’Anvers, dans ce qui pourrait s’apparenter à première vue à un espace industriel. Une place de parking tombe sous mes roues, j’avance ensuite vers un premier bâtiment. Ah, non, c’est une piscine. Celui à côté est le bon, je pénètre dans le théâtre des opérations du jour.

A peine le temps de se commander une mousse que les Italiens de Caronte
Caronte


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prennent d’assaut la petite scène anversoise. Le public est encore clairsemé, une cinquantaine de badauds tout au plus. Sur les côtés trônent deux cache-amplis, un noir et un blanc, tous deux frappés de lettres et de symboles que je me contenterai de définir par « ésotériques », par manque de connaissance en la matière. Au milieu de la stage est installé un autel, doté de six bougies et d’un encensoir. À l’arrière repose une effigie d’une déité égyptienne, accompagnée d’hiéroglyphes. À vue de nez, il pourrait s’agir de , Dieu créateur de l’univers. Mais la vue de nez est néanmoins perturbée par une présence de plus en plus consistance de fumigène sur scène. Première nuance de l’occulte en cette soirée de janvier.

Les musiciens de Gênes bénéficieront d’un généreux set de trois quarts d’heure, un temps nécessaire afin de lentement déployer leur doom suave et, au fur et à mesure des morceaux, envoutant. Pas le genre de groupe à ensorceler directement, mais qui s’apprécie au plus les minutes s’égrènent. Les envolées rock’n’rollesques à la guitare confèrent des instants aussi jouissifs que grinçants. Avec Enthroned
Enthroned


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en tête d’affiche, on ne pouvait en toute logique que s’attendre à retrouver en opening acts des formations dont l’engagement spirituel est clairement affirmé et authentique. Il n’est donc pas étonnant de voir le vocaliste s’approcher fréquemment de son autel, affermissant un lien invisible tout au long du show. Un démarrage en douceur, qui a l’avantage d’insuffler une ambiance, certes indicible, mais chargée d’une énergie qui ferait trembler des gambettes les plus calotins.

La soirée monte d’un cran avec l’arrivée des Suisses de Schammasch
Schammasch


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(Dieu du Soleil dans la mythologie babylonienne), poussés par un excellent album Hearts of No Light, sorti à la fin de l’année 2019. Les artistes s'approprient solennellement les lieux, tous habillés d’une magnifique tunique noire et or, ajustée au corps, qu’on croirait tirée d’un sombre rituel. Les visages sont encapuchonnés, teintés de noir pour les deux guitaristes/vocalistes en avant plan. Si la tension était perceptible il y a une heure, elle grimpe à présent à la gorge. La musique de Schammasch
Schammasch


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est hypnotique, martiale tout en étant froidement possédée. Les chants posés et gutturaux ne font qu’accentuer cette impression qu’une énergie pas très nette s’insinue dans l’esprit du public présent, dépassant toute volonté de l’accepter ou non. Les instants mélodiques sont suspendus dans le temps, instiguant le vague à l’âme. Rien ne sert de résister, on ne peut que se faire emporter, envoûter voire malmener par leurs effluves sonores. Plus que de la musique, ce set de Schammasch
Schammasch


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relève davantage de l’expérience. Celle qui s’amuse à brouiller les pistes pour entrer directement en contact avec l’inconscient, dans sa partie la plus calfeutrée dans l’ombre.

C’est un paysage désolé et apocalyptique qui s’offre à présent à la vision du public, en guise de backdrop s’étalant sur l’arrière de la scène. Au milieu, un énorme soleil noir, n’étant pas sans faire référence à Cold Black Suns, le dernier opus d’Enthroned
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, unanimement reconnu par la critique et sorti cet été chez Season of Mist . Avec les fers de lance du black metal en Belgique, on met de côté les artifices et on se concentre sur la prestation en tant que telle. Autant les deux premières formations insufflaient des ambiances possédées, autant Enthroned
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incarne véritablement l’emprise de la Voie de la main gauche.

Après deux heures de montée en puissance graduelle, les musiciens d’Enthroned
Enthroned


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arrivent à point pour faire éclater la pression à coups d’hurlements, de riffs et de blasts. Aussi charismatique qu’envouté, Nornagest emplit la scène de sa haute stature. Tel un guerrier sorti victorieux des limbes, il vocifère sa haine comme si chaque cri était le dernier afin d'amener le chaos sur terre. Ancien étudiant et à présent enseignant l’occultisme (à relire : notre interview de Nornagest du 7 août 2019 – voir bas de page), l’artiste accomplit régulièrement une gestuelle mystique qui ne transformerait pas de l’eau en vin, mais bien de l’eau bénite en acide sulfurique. Blasphémateur assumé, il mime en début de set le Christ sur la croix. Un bras se décroche. Il utilise désormais sa main libérée pour évoquer une vigoureuse masturbation, tout en finissant par une grosse lèche sur la croix inversée pendant à son cou. Ou encore cet instant où il profite d’un espace plus mélodique dans un morceau pour s’agenouiller, tracer sur le sol avec son doigt des inscriptions autour de lui, se retrouvant encerclé d’une énergie invisible dont il se signera quelques minutes après, avec respect. Tout au long du set, Nornagest usitera de mystérieux objets, dont notamment deux os qu’il fera de temps à autre entrechoquer.

Les titres s’enchaînent les uns après les autres. Le public est à présent en nombre, sans que la salle soit néanmoins sold-out. Certains esprits commencent à s’échauffer, pris dans une transe en écho avec la scène. Musicalement parlant, Enthroned
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préfère se focaliser sur ses trois derniers albums, à l’exception de Tellum Scorpionis tiré de Tetra Karcist, sorti 2007. Un album charnière dans l’histoire de la formation, vu qu’il incarnait le passage de Nornagest en tant que guitariste/backing vocals à celui de chanteur principal. Pas de grande surprise donc que les compositions antérieures soient passées sous le tapis, d’autant plus que la formation a depuis lors profondément changé de cap. Quoi qu’il en soit, Enthroned
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a signé ce soir une impressionnante prestation. Après avoir connu quelques tumultes au niveau de son line-up, le groupe semble ici avoir trouvé un équilibre tangiblement efficace. Le passage – enfin ! – chez Season of Mist y est peut-être également pour quelque chose, un label collant particulièrement aux sombres titres de cette formation approchant son trentenaire d’existence.

Une chose est en tout cas sûre : les âmes pieuses et autres jeteurs de sel ont dû avoir une mauvaise nuit. Et la pleine lune n’en était certainement pas la cause.

Setlist : Sepulchred Within Opaque Slumber - Of Shrines and Sovereigns - Silent Redemption - Vapula Omega – Obsidium – Aghoria - Through the Cortex - Smoking Mirror - Tellvm Scorpionis - Of Feathers and Flames - Hosanna Satana

// A relire - Enthroned - Tu dois vivre les codes que tu prêches : http://www.shootmeagain.com/interviews/384_enthroned
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AUTEUR : Sekhorium
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près ...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouve...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musica...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....

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