Reportage

L'esthétique de la retenue

Charleroi (Eden), le 23-10-2020

Samedi 24 octobre 2020



C’était une intense journée. Le matin, le gouvernement fédéral annonçait une série de mesures visant à freiner la propagation de ce fameux virus, dont on taira le nom pour éviter que nos oreilles l’entendent une fois de plus, une fois de trop. Le soir même, pendant le show, une nouvelle salve d’indications viendront un peu plus resserrer l’écrou, jetant un épais nuage d’incertitude sur les manifestations culturelles prévues dans les prochaines semaines. Mais quoi qu’il en soit, ce soir, en terres carolos, c’est maintenu. Même si les organisateurs et organisatrices nous avouent avoir craint jusqu’au bout une annulation par les autorités. Cette étrange sensation que de se sentir privilégié de pouvoir encore assister à un concert.

Il y a un mois, souvenez-vous, on s’était donné rendez-vous au théâtre de Courtrai, afin d’apprécier la même prestation que ce soir. Ou plutôt : à une prestation similaire. Car deux concerts d’Amenra ne sont jamais les mêmes. On change ici de décor et on rejoint l’Eden, le centre culturel de Charleroi. Malgré l’ambiance bien plus pesante que d’habitude et les masques de rigueur, c’est toujours dans la bonne humeur que nous sommes accueillis dans cet espace culturel bouillonnant de la région du Centre. Une dose de gel hydroalcoolique atterrit dans les mains dès l’arrivée, on joue la carte essentielle de la sécurité. Discrètement, on ne manque pas non plus de nous rappeler les distances physiques, «si vous voulez pouvoir continuer à aller en concert». C’est légitime.

Après avoir été placé par bulles, séparées chacune par deux sièges ainsi qu’une rangée vide devant et derrière soi, il nous reste un peu de temps pour examiner la scène. On retrouve les chaises prie-Dieu, symboliques de la configuration acoustique d’Amenra
Amenra


Clique pour voir la fiche du groupe
. On avait oublié de vous en parler la dernière fois, mais un détail avait attiré notre attention : alors qu’à première vue les 6 chaises semblent similaires, deux d’entre elles possèdent un symbole avec une croix dans le dossier. Ces deux mêmes chaises sont celles occupées par Colin H. Van Eeckhout et Mathieu Vandekerckhove, fondateurs du groupe. À Courtrai, des sièges entouraient de toutes parts l’espace scénique. Ce soir, c’est plus conventionnel : le public se retrouve face au groupe. Une double potence haute de plusieurs mètres — icône de la formation — trône sur la gauche de la scène.



Toujours aussi ponctuels, les musiciens pénètrent sobrement dans l'espace, les uns après les autres, et rejoignent leur chaise respective. Les guitares sont soumises à un dernier accordage avant que la prestation ne débute avec Aorte. On ne le répétera jamais assez : la qualité acoustique de la salle de l’Eden est particulièrement remarquable. Les doigts qui glissent sur les cordes, les balais qui effleurent les cymbales, l’archet qui se pose sur le violon : une multitude de détails sonores qu’on prend plaisir à savourer au fur et à mesure qu’ils éclosent. Tous les gestes sont en retenue, exécutés avec une infinie délicatesse. Chaque mouvement compte et émet une empreinte dans l’air. Un ensemble de traces, visibles et invisibles, qui entourent petit à petit les 80 personnes présentes dans l’audience.

Au niveau des titres joués, ils restent les mêmes que ceux du mois précédent (à l’exception près de deux morceaux intervertis). On retrouve une grande partie des morceaux issus de l’album Alive, auxquels viennent s’additionner des interprétations acoustiques tirées Mass VI, telles que Diaken, A Solitary Reign ou Plus Près de Toi (qui devient ici Les Lieux Solitaires).

La différence la plus notable par rapport à la prestation courtraisienne se situe au niveau des éclairages et des projections. Ces dernières n’étaient pas possibles au théâtre de Courtrai, ce qui ajoute pourtant une couche encore plus immersive dans la musique. Des images abstraites d’arbres ballotés au gré du vent, un énorme corbeau en gros plan, une avance mystérieuse d’une silhouette féminine au milieu de ruines ou encore une ouverture progressive sur un paysage désolé. Que ce soit dans la configuration électrique ou acoustique, les projections d’Amenra
Amenra


Clique pour voir la fiche du groupe
pendant leurs shows sont dotées d’une esthétique fine, sombre et subjective. Un moyen habile afin de détourner la raison et laisser les sentiments nus, à vifs.



Quant à l’ambiance, il est toujours curieux de remarquer que le public wallon n’a visiblement pas encore compris qu’il est de bon temps de ne pas applaudir entre les chansons. Une attitude qui, lorsqu’elle est respectée, permet pourtant d’arriver à une symbiose particulièrement forte entre le groupe et son public. Une bulle suspendue dans l’air, mais dont les parois se sont amincies à chaque claquement des mains (sans parler d’un ou deux bienheureux qui se croient malins de gueuler entre deux morceaux). Mais cela n’a pour autant pas empêché de vivre une soirée intense, dotée d’une touchante délicatesse et d’une avalanche d’émotions intérieures, situées au confluent de la joie, de la tristesse, du spleen, de l’espoir et de sérénité. Autrement dit : de se sentir vivant. Et on en a bien besoin.

Setlist : Aorte – Razoreater – Les Lieux Solitaires – Parabol – Diaken – The Dying of Light – Wear My Crown – Kathleen – Ritual – Ehre – Het Dorp – A Solitary Reign – To Go On And Live With Out – The Longest Night - Deemoed

Merci à Nathalie, à Carmela et à Fabrice pour l’accueil.
Merci à Grégory pour les photos.

TU AS AIME ? PARTAGE !
Google +
Twitter
Facebook
Whatsapp
E-mail
E-mail
Google +
Twitter
Facebook
AUTEUR : Sekhorium
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près ...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouve...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musica...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....

► COMMENTAIRES

Tu dois être connecté pour pouvoir commenter !

Soit en deux clics via Facebook :

image

Soit via l'inscription classique (mais efficace) :

image

► A VOIR ENSUITE