Reportage

Bodega : Le cynisme maîtrisé !

Bruxelles (Botanique), le 12-02-2019

Jeudi 14 février 2019



On connaît New-York pour le talent de ses pionniers en matière d'art rock tels que Sonic Youth
Sonic Youth


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, The Velvet Underground ou encore Talking Heads. Ce mardi soir, le Botanique accueillait l'un des nouveaux groupes phares de Big Apple bien décidé à montrer que la relève est plus qu'assurée en 2019 : Bodega
Bodega


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! Salué comme étant ''le groupe le plus excitant de New-York'' par le NME, il était évident que notre curiosité allait être piquée en plein cœur et c'est donc tout naturellement que nous nous sommes rendus dans l'antre de la Rotonde afin de découvrir cet étrange phénomène dont on nous dit le plus grand bien. Oscillant entre satire et indignation pour une société avide de nouvelles technologies, Bodega
Bodega


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joue la carte d'un rock incisif teinté de protopunk avec riffs de guitare entraînants, percussions minimalistes et paroles au sarcasme assumé, maniant habilement ironie et commentaires acerbes.


Mais tout d'abord place à un premier opening act avec Gong Gong Gong III
Gong Gong Gong III


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nous arrivant tout droit de l'Empire du Milieu et de Pékin plus précisément. Projet artistique fondé par Tom Ng et Joshua Frank, le duo propose une musique produite avec un minimum de moyens : une guitare et une basse uniquement ainsi que des riffs et rythmiques imbriqués pour créer des grooves monotones mais puissants malgré l'absence de batterie. Le concept, bien que minimaliste, trouve son originalité artistique et toute la poésie raffinée qui en découle dans les paroles scandées en cantonais sous ce son viscéral composé de drone, de rock et de blues. Habillés de t-shirts ornés de sinogrammes identiques, les deux compères se lancent des regards complices, l'un produisant accords rythmiques avec persistance, l'autre frappant sa basse avec douceur ou ardeur quand il s'agit de produire des sons plus saturés. Ils explorent ainsi toutes les facettes de leurs instruments, immergeant leurs auditeurs dans un paysage sonore étrange et les emportant au cœur d'une expérience allant bien au-delà des frontières culturelles grâce à la beauté des onomatopées déclamées et des sonorités issues de la folk africaine et sud-asiatique. Caressant de près des structures psychédéliques et intégrant des éléments de krautrock comme ont pu le faire le grand Velvet ou Neu!
Neu!


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avant eux, le duo aura pu démontrer toute la pureté d'un instrument tel que la guitare en revenant à ses fondamentaux et rappeler ainsi toute son importance artistique et poétique. Tout ceci sous les yeux des membres de Bodega
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venus les encourager dans le public.



Initialement prévu au Witloof Bar, le groupe Ohmme
Ohmme


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est l'invité de dernière minute à la programmation de ce soir. Et ce ne sera pas du tout un mauvais choix ! Même si on se trouve dans un tout autre univers que les deux autres groupes initialement prévus. On a affaire ici à un doux rock indé composé de deux guitaristes chanteuses (Sima Cunningham et Macie Stewart) soutenues par un batteur (Matt Carroll). De la pop légère pouvant s'immiscer de temps à autre dans des brèches beaucoup plus complexes et dissonantes. On est fasciné par les harmonies vocales décalées produites par les deux belles demoiselles créant ainsi un effet céleste et angélique à leurs compositions. Celles-ci reflètent autant le noisy-indie des années 90 (on peut penser à The Breeders
The Breeders


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) que la première vague punk rock style Wire
Wire


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. Quelque chose de perspicace, de pénétrant et de déséquilibré. Parfois, les guitares improvisent, s'apaisent mutuellement avant de partir dans de grandes envolées luxuriantes et ainsi brouiller les pistes. Le percussionniste Matt Carroll accomplit un joli travail tout en finesse aux arrières postes. On retiendra l'énergique Icon, une reprise survitaminée de The B-52's (Give Me Back My Man) ou encore le voyage sonique Water et ses aquarelles vocales. De quoi nous donner envie de nous pencher un petit plus sur leur premier album (« Parts ») sorti l'été dernier. La rencontre saisissante entre The Roches et Courtney Barnett a donc accouché d'une belle petite découverte qui permet de souffler avant l'arrivée du tourbillon new-yorkais.



Si les boys & girls de Bodega
Bodega


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étaient déjà passés par la case ‘noir-jaune-rouge’ lors d’un concert en première partie de Moaning
Moaning


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à l’Ancienne Belgique l’an passé, voici venu, pour notre part, le moment d’enfin les rencontrer. Devant un backdrop minimaliste, les cinq protagonistes du joyeux bazar qui s’annonce prennent enfin place sur le coup de 22h. Avec en première ligne, la chanteuse possédée Nikki Belfiglio (talons aiguilles et lunettes de prof de maths) qui s’acharnera à marteler une cymbale et sera chargée d’envoyer quelques samples de voix robotisées ainsi que le guitariste chanteur Ben Hozie (coiffure de ruskoff et pantalon déchiré) qui se tient à sa droite. Légèrement en retrait, la bassiste Heather Elle au look de garçon manqué ne laisse transparaître aucune émotion. Le guitariste principal Madison Velding-Vandam, sorte de grande asperge, ne manquera pas de faire de l’ombre à John Cleese et ses silly walks en reproduisant de spectaculaires pas de danse tout en jouant avec frénésie tandis que derrière lui, l’inquiétante percussionniste au crâne rasé Tai Lee se chargera de martyriser ses deux toms comme si sa vie en dépendait. Le décor est planté, les acteurs sont parés, le show peut alors commencer… « We Are Bodega And We Come In Peace ». Avec un premier album sorti l’an dernier intitulé « Endless Scroll », les Amerloques tiennent à célébrer sur scène une certaine idée qu’ils se font du rock, alliant la noirceur de la bande à Lou Reed avec l’énergie de LCD Soundsystem
LCD Soundsystem


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. Un post-punk dansant à la Parquet Courts
Parquet Courts


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bien loin des allégories rock’n’roll préconçues que sont les blousons de cuir ou encore les chansons qui causent de surf ou de burgers. D’entrée de jeu, de courts morceaux groovy comme Bookmarks ou Bodega Birth sont lancés en pâture au public et déjà, Nikki, toute en verve, répond au phrasé urbain de son guitariste chanteur, qui est également son petit-copain dans le civil. On assiste assez rapidement à un premier moment marquant : le morceau How Did This Happen!? aux paroles on ne peut plus explicites et criantes de vérité hurlées par Ben : « Ta playlist te connaît mieux, que ton plus fidèle amoureux ». La basse proéminente mène une danse où viennent s’emberlificoter de cinglantes guitares funky. Leurs morceaux font en grande partie référence aux questions que se pose le groupe concernant la dépendance indéfectible du monde moderne à Internet, le climat politique controversé, le coût de la vie incroyablement coûteux à New York et l'absurdité de nouveaux sous-genres donnés au rock.



Nos agitateurs farfelus ralentissent la cadence avec Treasures of The Ancient World avant de reprendre de plus bel sur Jack In Titanic qu’ils dédient sympathiquement à leur opening act Gong Gong Gong III
Gong Gong Gong III


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. Entre les morceaux, Nikki Belfiglio déclenche des voix robotiques (« I Use My Computer For Everything ») qui témoignent de la dépendance de la société envers la technologie. Ce qui est particulièrement étonnant, c’est leur sens de l'humour délicieusement drôle et potache, qui constitue le contrepoids parfait à leur cynisme et à leur esprit incroyablement cultivé. Ils embrassent la prétention tout en la modelant à leur façon. Et l’on sent que l’improvisation tient une grande place dans leur prestation. Même s’il reste généralement derrière son micro, il arrive à Ben Hozie de l’empoigner fermement avant de venir faire un petit tour à l’avant-scène et se rapprocher de son public, donnant ainsi une énergie supplémentaire au show comme sur Name Escape. Et que dire de notre guitariste endiablé qui ne manque pas une seule fois de se casser la figure malgré des gestes de plus en plus démesurés. Gesticulant sauvagement, dansant, chantant et frappant aussi frénétiquement que possible son charley et son tambourin, Nikki prend le leadership vocal sur Gyrate, taclant au passage tout tabou concernant la masturbation féminine avant que le groupe ne revienne à des airs plus graves et introspectifs sur Williamsburg Bridge. Le show touche doucement à sa fin et c’est le moment choisi par le band new yorkais de montrer tout son potentiel avec une chanson épique à souhait (Truth Is Not Punishment) qui va faire durer le plaisir pendant une bonne dizaine de minutes permettant au public de participer en se bousculant avec le sourire. Commençant tel un bon vieux punk des familles, le morceau finit par dérailler dans un ensemble bruitiste dirigé par des accords de guitares chaotiques. Contagieux, fascinant et tellement intense que la batteuse Tai, exténuée de tenir la cadence, nous lâchera un énorme « fuck » sorti du cœur avant de s’en aller rejoindre les coulisses en compagnie de toute la clique.



Un rappel nourri et mérité plus tard, les voici de retour sur scène pour nous interpréter la déchirante et émouvante Charlie, mélodique, mélancolique et brillante ode à un ami décédé après une noyade et laissant ainsi présager de profondes émotions. Ils enchaînent ensuite avec le dansant Can’t Knock the Hustle, énième satyre envers le système capitaliste avant de mettre un point final à ce show par une furieuse chanson punk.

Ce soir, le groupe a prouvé qu’ils n’étaient pas que de simples imitateurs d’un genre rendu célèbre par Pavement, Devo
Devo


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ou encore Siouxsie and the Banshees
Siouxsie and the Banshees
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. Le son de Bodega
Bodega


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est certes un amalgame de nombreuses références reconnaissables à l’oreille nue mais où chaque membre a pu y ajouter son propre cocktail détonnant. A la manière d’un Mark E Smith au sommet de son art, le combo allie humour sardonique, autodérision et moquerie délibérément assumée afin de nous faire réfléchir aux absurdités et insanités de la vie moderne dans un monde où les algorithmes ont fait de nous les esclaves isolés de notre propre mode de vie. Sortant des sentiers battus avec éloquence et énergie, Bodega
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fait partie de ces groupes qui vous donnent envie de tout remettre en question. Le regretté leader de The Fall aurait été fier…



Remerciements au Botanique
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AUTEUR : Panda
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, pas...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...

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