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« Tout le monde peut créer un zine »

Mercredi 23 décembre 2020

Il fut un temps, je n’étais pas encore née, où Shoot Me Again était un zine papier. Une époque qui me semblait révolue, eh bien, pas tant que ça visiblement. J’ai rencontré Nina Zina, 38 ans, de Gand. Elle a dessiné, écrit et produit son premier zine à 18 ans sur le mouvement Riot Grrrl et ne s’est plus jamais arrêtée. Nina sort un millier d’exemplaires par an.
Un concept DIY qu’elle défend pour que tout le monde puisse s’exprimer librement.



Crédit photo : Emilie Foudelman

J’ai une première question un peu directe. En tant que rédactrice pour un webzine, je me demande qui lit des zines en version papier ?
Haha, en fait, il y a de plus en plus de gens qui redécouvrent le monde des zines. Du côté anglophone, ça n’a jamais disparu ! En Belgique, je connais des gens qui en font depuis des années et il y a toujours de nouveaux artistes et écrivain·es. Je pense que cela s’est beaucoup développé ces 5 dernières années. Il y a des festivals de zines, des expos, des groupes Facebook, des bibliothèques et des archives digitales en Belgique et partout dans le monde. Moi aussi, j’échange et je vends beaucoup de zines . Bien sûr pas au même niveau qu’un média mainstream et il y a aussi plus de gens qui lisent ou qui cliquent sur mon blog. Il existe quand-même beaucoup de fans et de lecteur·trices et créateurs·trices de zines en ce temps digital (rires).

Pourquoi utiliser ce canal de communication, alors que la plupart des médias sont passés au numérique ?
Moi, j’utilise les deux. J’aime vraiment bien faire des choses sur papier. Je suis une grande fan des cahiers et j’adore dessiner depuis toute petite. Je pense aussi que c’est agréable de toucher des petits bouquins “hand-made”.

''Dessiner, écrire et imprimer sur du papier donne beaucoup d’autres possibilités que les médias en ligne. Et qui n’aime pas recevoir par la poste un joli courrier fait-mains dans sa boîte aux lettres ?''

Les zines, c’est encore plus chouette que les cartes postales ou les lettres car souvent ils sont accompagnés d’autres éléments, comme des autocollants ou des badges. Cette sorte de “gift culture” et de connexion personnelle n’est pas possible avec les médias digitaux.

Comment construis-tu le contenu de tes zines ?
J’écris sur beaucoup de sujets différents, mais c’est souvent un peu autobiographique. En ce moment, je dessine des BD sur ce qu’il se passe dans ma vie en confinement (qui s’appelle “ConFINEd”). J’écris aussi sur des sujets politiques et activistes comme les luttes contre la violence de la police et Black Lives Matter.
Dans ma série qui s’appelle “Same Heartbeats” je fais des interviews avec des amies qui font des trucs créatifs/activistes ou je raconte des événements féministes ou des voyages auxquels je participe par exemple. Je parle aussi des thèmes féministes, de l’histoire du féminisme, du monde des zines, de musique, de sujets personnels et politiques.
Quelques autres zines ont des titres comme « From Spice Girls to riot grrrls », « Space Invasion » et « CuNt & Paste ». Je fais aussi des tout petits zines, des « one page folded mini-zines » sur des sujets comme le self-care, comment faire ta propre zine, ou comment apprendre à jouer de la guitare. Et avec Lavender Witch on a créé notre propre zine qui accompagne notre CD « Awakening » avec des lyrics, des photos, et un interview.


Crédit photo: Nina
Vous avez vu la petite touche SMA intégrée dans le dessin de Nina ?

Les sujets féministes constituent la majorité de tes écrits, je crois. Pourquoi ?
Surtout oui, mais j’écris et je dessine sur d'autres sujets aussi. Le féminisme m’intéresse beaucoup et il y a un peu cette tradition dans le monde des zines d’écrire sur des sujets féministes et queer. C’est l’une des raisons pour lesquelles je trouve les zines si intéressants. Ils parlent souvent de sujets un peu tabou, d’une manière radicale et honnête qu’on ne retrouve pas dans les média mainstream.

Et au niveau du graphisme, qu’est-ce qui t’inspire ?
J’aime beaucoup les zines avec des collages, très punk, DIY, dada, et beaucoup de texte. C’est cool quand il y a des BD ou des illustrations dans les zines, surtout quand elles sont faites par des gens qui sont un peu craintifs et peu sûrs de leur talent. Faire des zines et avoir des retours positifs, c’est encourageant. Des zines avec juste du texte, ça peut être très intéressants aussi bien sûr. Dans le monde des zines on fait ce qu’on veut comme on veut.


Crédit photo : Emilie Foudelman


Quelle est la quantité imprimée et le circuit de distribution ?
Je ne sais pas exactement car je fais souvent des nouvelles copies mais je pense être environ à 100-200 exemplaires par zine. Je sors environ 2 à 7 zines par an ainsi que des mini-zines.
Je les vends dans les festivals de zines, les foires de livres anarchistes et lors d’événements féministes. Il y a des distros et des librairies en Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre, aux Etats Unis et en Allemagne qui les vendent pour moi. Il y a aussi des exemplaires de mes zines dans beaucoup de bibliothèques de ces pays-là. Bien sûr, les gens peuvent aussi me contacter directement pour en commander. C’est cool car dans le monde des zines, au lieu de simplement les vendre, on fait beaucoup d’échanges entre nous. De cette manière, j’ai reçu beaucoup de zines intéressants provenant du monde entier.

J’ai lu sur ton blog que tu encourageais tout un chacun à créer des zines afin de contribuer à la culture féministe DIY mondiale. Tu peux développer ?

Oui, c'était mon rêve qui est devenu réalité parce que beaucoup de mes amies ont commencé à faire leurs propres zines.

''Le plus grand compliment que je puisse recevoir, c’est quand quelqu’un·e qui a lu l’un de mes zines veut en créer un à son tour. C’est ça qui est beau dans le concept DIY : tout le monde peut le faire.''

Ce n’est pas seulement réservé aux artistes ou aux journalistes professionnels.

Qu'est-ce qui te plaît dans la culture alternative/underground ?
Pour moi, le DIY, c’est ce qui est le plus important dans la culture alternative/underground/punk. Ca encourage tout le monde à participer. Ça veut dire que le tout le monde peut être artiste aussi et vice versa. Voilà pourquoi pour moi, c’est normal de publier des zines, de faire des illustrations professionnelles et de jouer de la guitare dans un groupe. Je pense que l’atmosphère de la culture alternative est très sympa en général et j’aime bien en faire partie. C’est vraiment un communauté dans laquelle les gens se soutiennent les un.e.s les autres.

''Je trouve aussi que les créations de cette culture alternative sont souvent beaucoup plus intéressants que les créations plus mainstreams ou commerciales parce qu’il y a plus de liberté pour expérimenter et pour faire ce qu’on veut.''


Crédit photo: Nina

En tant qu’artiste féminine, trouves-tu ta place ? Cette place te convient-elle ?
Je trouve ma place surtout dans les scènes DIY et féministes/queer et j’aime bien en faire partie car justement, la question du genre n’est pas au centre de table.

C'est un problème pour toi quand la question du genre est au centre de la table? Pourquoi?
Non, c’est juste que parfois on souhaite parler d’autres choses que du genre de l’artiste. Depuis que je suis ado, je cherche des artistes et des musiciennes parce que j’ai besoin d’exemples et de modèles. Aujourd’hui encore je suis toujours contente de découvrir des femmes ou des personnes queers ou trans qui créent de l’art, des Bds ou de la musique très cool. Alors, je comprends que c’est aussi important de mentionner le genre. Mais c’est encore plus important de parler des autres choses, de discuter du contenu du travail des artistes femmes, de leurs réalisations, des aspects techniques de leur créations, etc. Bien sûr, dans les scènes féministes on parle beaucoup du genre mais c’est de manière différente que dans la société mainstream je pense. Pour moi, c’est plus de l’empowerment.

Quels sont tes projets ?
En ce moment, je continue ma série de zines BD de “ConFINEd”. Je suis aussi en train de créer un “split zine” avec un.e ami.e qui habite au Canada. On va faire chacun un côté du zine et on va aussi écrire un peu sur des sujets autour du covid, des lieux qu’on espère qui ne vont pas disparaître et des idées qui peuvent aider à combattre le stress et l’angoisse causé par covid.
Avec un autre ami, on a commencé à faire des zines depuis le confinement sur “community care” et des autres thèmes activistes. J’ai juste fini un mini-zine avec des tips pour le self-care pendant la période de Noël et aussi quelques cartes postales. J’ai aussi commencé à faire quelques ateliers de zines online et je suis en train d’écrire et d’enregistrer à la maison (très DIY et lo-fi) quelques chansons pour Lavender Witch
Lavender Witch


Clique pour voir la fiche du groupe
et pour un petit projet solo qui s’appelle Lost Luna. Et j’ai encore beaucoup d’idées et de plans (rires). Créer des zines et d'autres trucs créatifs est vraiment quelque chose de chouette à faire maintenant, avec des ami·es ou seul·e!

Merci beaucoup, Nina. Bonne continuation !

https://echopublishing.wordpress.com

https://www.facebook.com/EchoPublishingArt
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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