Interview

BABY FIRE

Dominique Van Cappellen, une artiste underground discrète, engagée et efficace.


Samedi 3 avril 2021

ll y a 10 ans, Baby Fire
Baby Fire


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, trio bruxellois post punk, sortait son premier album intitulé ''No Fear''. Le cinquième album « Grace » arrivera en 2022. Nous avons rencontré Dominique Van Cappellen, chanteuse, guitariste et fondatrice du groupe.
De la difficulté d’atteindre une certaine reconnaissance à ce que cela implique d’être une musicienne, nous avons aussi parlé de celles et ceux qui ont une grande gueule et de comment cumuler tout ça avec un chemin de vie professionnel et privé épanouissant et respectueux.



Crédit photo: Emilie Foudelman

Bonjour Dominique, tout d'abord, comment vas-tu?
Bonjour! Cela va plutôt bien malgré la morosité ambiante. Le printemps pointe le bout de son nez et avec lui, vient l’espoir de jours plus sereins.

On (chronique de Fred de février 2020) te décrit comme la ''first lady de l'underground bruxellois''. Est-ce une description qui te convient? Pourquoi?
Cette description est très flatteuse et aussi elle met du baume au cœur car il s’agit d’une reconnaissance pour mon travail de musicienne. Je pense que peu de gens me connaissent et pourtant j’ai un beau CV : le projet LAS Vegas
LAS Vegas


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avec Eugene Robinson d’Oxbow
Oxbow


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, l’album Kate No Longer avec le batteur américain Doug Scharin (June of 44, Codeine
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, John Zorn
John Zorn


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…), une discographie de bientôt 5 albums avec Baby Fire
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et de très belles collaborations, notamment avec mes ami.e.s Eve Libertine et Penny Rimbaud (Crass…) et plus récemment avec Laetitia Shériff.
Depuis plus de 20 ans les disques que je sors récoltent d’excellentes chroniques. Hélas, ils restent confidentiels. Je pense que c'est en partie dû au fait qu’étant pour la plupart du temps en auto-production et/ou sur des micro-labels, je manque d’un budget de promotion conséquent. Je crois aussi que le milieu reste majoritairement masculin et qu’étant une personne relativement réservée, cela n’aide pas.

''Il faut l’avouer, le monde musical en général est composé de pas mal de grandes gueules. Au plus tu l’ouvres, au plus tu te fais remarquer alors que l’originalité de la musique n’est pas toujours à la hauteur de l’ouverture de la gueule (rires).''

Récemment je me suis fait la réflexion que la first lady de l’underground bruxellois, c’était Shazzula de Wolvennest
Wolvennest


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(rires)! Serait-ce une coïncidence mais il ne s’agit pas non plus d’une grande gueule. C’est une musicienne qui excelle dans plusieurs disciplines comme la réalisation et la musique, qui a acquis une belle réputation à l’étranger et qui est appréciée par ses pairs mais qui reste peu connue en Belgique.

Ressens-tu de l’amertume par rapport à ce manque de reconnaissance ? Quelle pourrait être la clé du succès et de la reconnaissance ? Avoir du budget et une grande gueule ? Que mets-tu en place par rapport à cela ?
Je ne ressens pas d’amertume, juste une légère tristesse mais elle commence à s’estomper car cela fait quelques années maintenant que je fais un travail pour arriver à davantage de détachement par rapport aux résultats. A deux reprises ces cinq dernières années, je me suis retrouvée proche du burn out. Au point où mon corps m’a dit stop. Je m’obstinais à accomplir une longue série d’objectifs, dont des sessions d’enregistrement d’album et voilà qu’à une semaine du jour J, je me fracturais l’épaule. Cela peut paraître bizarre mais cet arrêt forcé très douloureux est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées. Rien de tel qu’une déconstruction pour ensuite mieux se reconstruire.

''Quant au succès, il n’y a pas de recette absolue mais c’est sûr qu’avoir du budget pour s’offrir les services d’un.e attaché.e de presse qui travaillerait sur plusieurs territoires et ce à chaque sortie d’album peut faire la différence.''

Et si, en plus, on fait partie d’une agence de booking qui trouve de bonnes dates et de belles tournées, alors on peut même se passer d’avoir une grande gueule (sourire).
Quant à ce que je mets en place par rapport à ça, d’une part, j’ai réservé un budget pour la promo. D’autre part, il y a quelques jours je lisais un livre de Deepak Chopra évoquant la Loi du Moindre Effort. Cette loi se fonde sur le fait que l'intelligence de la nature fonctionne sans aucun effort, dans une insouciance pleine d'abandon. Je crois que c’est surtout sur ce principe de non-résistance que je dois parvenir à appliquer.


Crédit photo: Emilie Foudelman

Que représente la musique dans ta vie?
Lorsque je m’immerge dans la musique pour en créer, je sens que je sors du temps, je touche à une autre dimension. J’en ressors toujours soit joyeuse, soit apaisée. Même si la reconnaissance serait bienvenue, outre la créativité, il s’agit avant tout pour moi d’une aventure humaine très riche, même s’il est arrivé au fil des ans que l’une ou l’autre personne ne me parle plus. Cela reste une source fabuleuse d’apprentissage et d’enrichissement inestimable.

En tant qu'artiste, que souhaites-tu véhiculer comme émotions, messages ?
J’apporte beaucoup de soin à mes textes mais il me serait impossible de décider de ce que je souhaite transmettre. Je ne peux parler que de ce que j’ai appris dans mon parcours personnel, et cela sans espérer avoir un impact sur les autres. Si dans par exemple Perhaps the Hardest Lesson - qui apparait sur l’EP Searching for Grace - je chante « all you can do is love and expect nothing », je ne parle que pour moi.

Es-tu une musicienne enragée et/ou engagée?
Je me sens avant tout engagée, mais de façon discrète. En matière de féminisme par exemple, je prends très peu souvent la parole. Par contre dès que j’ai la possibilité d’encourager une autre musicienne, je le fais, soit sous la forme d’un co-plateau, soit sous la forme d'un soutien moral. Politiquement, j’ai déjà agi de façon concrète mais je ne souhaite pas en dire davantage. N'est-ce pas limite obscène quand des personnalités publiques s‘épanchent sur leurs actions ou le montant de leurs dons?

Comment a débuté l'histoire de Baby Fire
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Fin 2008 sortait à peine le premier album de mon groupe de post-metal appelé Doctor and Nurse que nous avons dû nous séparer car un.e des musicien.nes avait des soucis de santé. Cela m’a causé une grande tristesse. Dans les semaines qui ont suivi, je me suis ruée sur ma guitare et étrangement, alors que je n’avais jamais composé que quelques ébauches de morceaux, les compositions se sont succédées à une vitesse folle, comme si j’avais opéré un transfert de créativité. Deux ans plus tard l’album « No Fear » sortait. Deux ans après nous étions en studio pour enregistrer « The Red Robe ».

Il y a 10 ans sortait l'album ''No Fear''. Quelle place prend cet album dans l'histoire de Baby Fire
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On dit souvent que son premier livre ou son premier disque, c’est toute sa vie que l’on passe à l’écrire et je crois que c’était le cas pour « No Fear ». J’ai récemment ré-écouté deux titres. Comme c’était passionné et à fleur de peau!



Est-ce que l'évolution de Baby Fire
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aurait été différente si vous étiez 3 mecs?

Probablement que oui. A moins que Baby Fire
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ait été composé de 3 mecs aussi réservés que mon meilleur ami et complice de toujours, Raphaël Rastelli (guitariste de von Stroheim
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, producteur de deux albums de Baby Fire
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…). Avec lui nous serions encore dans notre cave (rires). Blague à part, son humilité est tout à son honneur. Mais c’est sûr que les hommes et les femmes ne sont pas éduqué.es de la même façon. J’ai été élevée par une femme douce et réservée. Comme beaucoup de petites filles, j’ai appris à être polie, à ne pas interrompre, à ne pas parler fort.

''Alors si je me trouve dans un contexte de réseautage dans un milieu musical très majoritairement masculin, je ne vais pas la ramener et jouer des coudes, contrairement à beaucoup d’homologues masculins. Et puis aussi, je bois peu d’alcool. Beaucoup de réseautage se joue au bar, où on parle fort en buvant pas mal.''

Dans le milieu francophone on entend encore peu parler de Boy’s Club mais c’est bel et bien une réalité. Heureusement il existe depuis peu des organisations comme SCIVIAS qui œuvrent à donner une meilleure visibilité aux musiciennes. Mais le chemin à parcourir reste immense, en particulier dans le milieu du rock dur. En 2019, j'ai eu l'occasion d'être membre du jury du LOUD et parmi les 71 groupes inscrits, je n'ai répertorié que 5 musiciennes. Parmi la scène musicale rock anglo-saxonne par contre, il y a heureusement davantage de musiciennes. Il va donc en falloir du temps pour que l'inclusivité des musiciennes rock évolue positivement dans nos contrées.

La sortie de ''Grace'', le cinquième album de Baby Fire
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, est prévue pour le printemps 2022. Que peut-on déjà en savoir?

Il se prépare un bel évènement en partenariat avec le BRASS, le centre culturel de Forest. Le concert de release aura lieu le 18 mars 2022. Du 18 au 20 mars il y aura une exposition d’artistes sur la thématique de la grâce, dans des disciplines aussi diverses que la peinture, les collage, le dessin, le travail sur textiles ou la photo.
Durant ce week end il y aura des concerts intimistes de Seesayle (la batteuse et violoniste de Baby Fire
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) et de Lux Montes (la claviériste et guitariste), un live painting, et des rencontres avec les artistes… Parmi les personnes qui exposeront, il y aura notamment Séverine Bailleux, qui est bien connue de vos services (rire), Alice Smith (l’illustratrice anglaise avec qui je collabore pour l’artwork de mes albums depuis 2013), ainsi que la peintre américaine Nicole Boitos, qui a notamment créé des pochettes pour le groupe Swans.


Crédit photo: Emilie Foudelman

Pour l'occasion tu as conçu une exposition qui traite de la place des femmes dans la culture. Tout n'a t-il pas déjà été dit sur le sujet?
Il ne s’agira pas tant que de parler de la place de femmes dans la culture mais plutôt de mettre en avant de nombreuses artistes très talentueuses qui n’ont pas toutes l’occasion d’exposer leurs œuvres. Trop souvent encore les femmes sont sous-représentées, que ce soit en arts plastiques, en cinéma, en musique, etc.
Cela dit récemment il m’est venu la réflexion que si j’invitais uniquement des femmes, je risquais de tomber dans le stéréotype qui dit qu’il n’y a que les femmes qui sont capables d’exprimer la grâce. Du coup, j’ai aussi invité un ami artiste, Jérôme Prugue de l’asso Chocs et Ennui. Sa fantaisie, son sens de l’éthique et son approche DIY sont extrêmement rafraichissants.

Que peut-on souhaiter à Baby Fire
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pour les années à venir ?

Une belle vie à l’album Grace, un line up stable, et aussi de rejoindre une agence de booking. Cela me permettrait de consacrer davantage de temps à la création.

Que peut-on souhaiter à Dominique Van Cappellen pour les années à venir ?
De poursuivre mon chemin personnel vers la lumière car Searching for Grace et Grace, ce sont plus que de simples titres d’albums, il s’agit d’une réelle aspiration à une vie plus empreinte de spiritualité. Ce qui ne m’empêche pas, en parallèle, d’avoir envie de collaborer avec Déhà
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sur un projet de post-metal qui déchire (rires)!
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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