Reportage

Sunn O))) et Caspar Brötzmann ; le drone nu

Courtrai (De Kreun), le 29-01-2020

Lundi 3 février 2020

 





Le 29 Janvier, De Kreun (Courtrai) fût visité par une pointure du drone. Une date attendue par beaucoup. En tournée européenne, Sunn O)))
Sunn O)))


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s'est arrêté en Belgique, accompagné de Caspar Brötzmann pour nous offrir une soirée renversante.


Le groupe tourne pour leur dernier album, Pyroclasts (2019).
Enregistré lors des mêmes sessions que Life Metal (2019) par le légendaire et talentueux Steve Albini (Shellac
Shellac


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), Pyroclasts (2019) se place comme sa continuité logique. Le 9ème album studio de Sunn O)))
Sunn O)))


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est un retour aux basiques, un exercice de drone prenant, entre improvisation et écriture automatique. Le groupe commençait et terminait chaque jour d'enregistrement de Life Metal (2019) par une plage d'une dizaine de minutes sur une fondamentale choisie. Un moyen efficace de connecter leurs énergies. L'artwork réalisé par l'artiste-peintre Samantha Keely Smith ( https://samanthakeelysmith.com/ ) illustre avec brio le positivisme que nous emmènent Life Metal et Pyroclasts, ainsi que ce retour au drone pur, sans voix.

Nous partons de Bruxelles vers 18h20, le cœur excité. Après une heure et demi serrée dans une Twingo, je déboule, la fesse droite engourdie, devant De Kreun. Impatiente. Prête à (re)vivre une expérience drone.




La salle est pleine, le stand de merchandising est déjà pris d'assaut (je m'inquiète un peu de ce côté trop mercantile et des prix qui ne font qu'augmenter).
Nous errons une dizaine de minutes puis entrons au cœur de l’événement. Au moment où je pose mon pied (le gauche, je crois) dans la salle, Caspar Brötzmann frappe ses premières notes.
La synchronisation est parfaite. Je me fraye un chemin devant la scène pour admirer le spectacle.




Pour cette formule, le fils de l'excellent saxophoniste et clarinettiste free jazz Peter Brötzmann (Brötzmann Clarinet Project), abandonne son power trio Caspar Brötzmann Massaker pour une configuration drone en solo. Il joue seul avec une basse, des amplis et quelques pédales.
Le démarrage est sec et efficace. Nous voilà directement plongés dans un drone cru et nu.
L'emphase est sur le son, l'accroche, l'instinct et le ressenti. Il nous raconte une histoire d'apocalypse. Nous assistons à une performance viscérale.
Caspar Brötzmann caresse tantôt sa basse pour nous inviter à le suivre, puis nous prend aux tripes en l'attaquant sèchement sur tout son manche. Il siffle, il chante (parfois dans le micro, parfois dans son instrument), et se retourne pour faire du corps à corps avec son ampli.
Nous laissons les basses nous faire vibrer et les larsens nous retourner.
Le côté très impulsif et primitif peut paraître pour certains brouillon, mais je suis séduite.
Capar Brötzmann s'essaye au drone et c'est réussi. Je ne pouvais pas rêver mieux pour la première partie de Sunn O)))
Sunn O)))


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Le drone, est, par définition, le son continu, le bourdonnement, la nappe musicale d'une musique, qui permet soit un chant, dans la musique indienne, par exemple, soit une expérience introspective et physique très immersive, dans la musique drone occidentale. Elle est donc caractérisé par un son continu dans lequel sont insérées des variations lentes, le tout sans silence. La talentueuse Eliane Radigue a, durant toute sa carrière, réussi cet exercice avec brio.
Le drone de Sunn O)))
Sunn O)))


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est le maximalisme dans le minimalisme. La rencontre d'antithèse.
Le projet se base sur une esthétique drone à fort volume (originellement 125 décibels) avec un light-show coloré rendu très immersif par la forte utilisation de machines à fumée. Nous sommes donc plongés dans une ambiance nébuleuse.
Sachant que Stephen O' Malley (SOMA) est souvent inspiré d'artistes manipulant l'immersion totale, nous pouvons imaginer des influences artistiques comme celles de James Turrell ( http://jamesturrell.com/ ), qui met en place des installations lumineuses très ouvertes.



La salle est prête. Chaude, quasi-transpirante. Nous attendons, devant la scène à droite, juste à côté du foyer d'une de ces fameuses machines à fumée, pendant une petite demi-heure. Mon corps est déjà flaque. Tout le monde se prépare pour près de deux heures d'expérience drone.

Les machines à fumée s'activent, les lumières se colorent ; Stephen O'Malley et Greg Anderson, fondateurs du groupe, entrent en scène vêtus de leur habituelles capes spectrales. Ils sont entourés d'un mur d'amplis, dressés comme des monolithes. Le show commence, fort et lourd.
Comme pour la tournée de Life Metal (2019), Attila ne partage pas la scène.



La portée religieuse est déjà présente.
Le son nous transperce directement. Je suis placée juste devant Stephen O'Malley. Si près que je l'entends parfois attaquer ses cordes.
Comment retranscrire cette expérience aussi bien physique que musicale ? Les mots sont-ils suffisants ?
J'entends souvent dire autour ce moi à ce sujet ; « il faut le vivre , il faut être là ». C'est en partie vrai.
La performance Sunn O)))
Sunn O)))


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fût une intrusion dans mes entrailles, dans mes pensées, dans mes pores.
Je sentais mes habits vibrer sur ma peau, mes cheveux vibrer sur mon crâne et mes pensées vibrer dans mes souvenirs.
Je suis tantôt méditation, tantôt acceptation, tantôt inconfortable.
Très au courant de mon corps. C'est un état de pleine conscience.



La notion du temps, si présente, est très relative. Le multi-instrumentaliste Steve Moore qui a collaboré avec le groupe dans Kannon (2015), monte pour se mettre au synthé et au trombone.
L'expérience se fait onirique. Je cherche un point d'appui. Les basses me massent les entrailles et je ressens le besoin de m'allonger. Ce que je ne fais pas.
Les morceaux s'enchaînent, la posture des musiciens est quasi-divine. Leurs gestes sont lents. Comme à leur habitude, ils tendent leurs bras vers le ciel pour nous inviter à accepter leur musique. Ils tendent leurs instruments vers le ciel, objets holistiques.
SOMA se place très près de nous pendant un long moment. Nous pouvons observer ses traits paisibles. Lorsqu'il ouvre les yeux, son regard est fort, imprégné de sa musique. Il devient allégorie.
Durant toute la performance, le public est silencieux, respectueux, en transe. Après une heure et quarante-cinq minutes de ce rituel, tout s'arrête presque subitement. La salle passe d'un remplissage sonore à un vide. Je sens la dépressurisation dans mon propre corps. Je ne peux qu'applaudir, ma voix prend quelque secondes à s'exprimer.
Je me sens vidée d'un coup. Je me retrouve d'un coup sans vibrations drone ni énergie.
Mais je suis aux anges. Sunn O)))
Sunn O)))


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parvient encore et toujours à nous faire vivre une expérience inimitable, éreintante, marquante.




Je finirai par une citation de SOMA , résumant parfaitement cette expérience : « J'ai enfin trouvé le courage d'admettre que Sunn O)))
Sunn O)))


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est très vivant et essentiel et constitue une expérience positive dans ma vie, plutôt que d'avoir à affronter les concepts de morbidité, de dépression, et de violence ».

La musique fait encore écho en moi.

Merci.



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AUTEUR : Reshma Goolamy
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décén...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les con...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...
Française arrivée sur Bruxelles depuis 2015, Reshma écume la scène Doom/Drone/Sludge/Métal et Black Métal avec passion depuis plus d'une décénnie. Littéraire dans l'âme, elle use une plume immersive pour ses live-reports, pour une expérience amplifiée. Vous la croiserez souvent au Magasin 4, au Botanique, à l'AB et à tous les concerts des scènes citées en Belgique. ...

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