Reportage

(A Band Called) E + Delwood pour une dose Indie brisante et stimulante

Bonnevoie (Rotondes), le 20-05-2022

Mardi 24 mai 2022

Il y a comme un parfum de sortie de labeur en ce début de soirée du vendredi aux terrasses des Rotondes. Sans être devin mais connaissant le lieu, ce qui s'y passe et ce qui m'y attire spécifiquement, un coup d'observation confirme mon intuition précédant l'heure de trajet qui me sépare du sol de la ville de Luxembourg: ça ne se bousculera pas au portillon. Il y a pourtant pas mal d'affluence à l'extérieur, mais je sens moins les passionnés du Klub que les habitués de la buvette du parvis de ce lieu de vie culturelle, patrimoine industriel et ferroviaire reconverti en centre culturel, composé de deux édifices circulaires et d'espaces extérieurs accessibles librement, aménagés au gré des envies, besoins et idées qui se matérialisent artistiquement et artisanalement.



Mais ce beau monde connaît-il seulement (A Band Called) E
(A Band Called) E


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? Et vous, connaissez-vous E ? Pour ma part, j'ai découvert très récemment. Précisément depuis un mois et la sortie de leur dernier EP (ou mini album selon votre vision et la relativité des perceptions), courte période lors de laquelle je suis revenu maintes fois à cette lettre E. En faisant varier le plaisir car Any Information, conçu et enregistré comme le plan B d'une annulation de tournée en 2021, est précédé par trois autres albums tout aussi éclatants de la part de ce trio de musicien.ne.s de choix, expérimenté.e.s et influent.e.s de la scène indie/noise rock nord-américaine, rassemblé.e.s en 2013: Thalia Zedek (Come
Come


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, Uzi, Live Skull
Live Skull


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), Jason Sanford (Neptune) et Gavin McCarthy, batteur de Karate
Karate
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que j'identifie comme une formation emblématique parmi les groupes aux portes de mon élargissement musical il y a plus de vingt ans. Allez fouiner sur Bandcamp, mais vous risquez fort de rentrer bredouille si vous ne tapez que le E.

Il n'est pas si courant qu'en découvrant l'existence d'un groupe après avoir flashé sur un album au moment de sa sortie (merci SMA!), vous constatez qu'ils joueront un mois plus tard à une petite centaine de bornes de votre domicile. Qui plus est venant d'un groupe d'outre-Atlantique que vous ne soupçonniez pas. J'avais donc pointé E et c'est une autre surprise qui m'attend lorsque je navigue pour obtenir mon ticket. Delwood
Delwood


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sera la première partie annoncée une semaine avant le jour J. Double contentement puisque je vais découvrir sur scène les Liégeois renouvelant la palette de l'écurie Honest House , interviewés et chroniqués ici-même au moment de la sortie de leur premier album éponyme.


L'affiche minimaliste semble attirer l'œil de Jason Sanford

Nous sommes à peine une trentaine dans la salle, musiciens et staff compris. Nous ne serons pas plus. Delwood entre en scène. Quelques secondes d'un sample, deux coups de baguettes et le ton est donné à travers les deux basses des frères Dubois (Frank Shinobi
Frank Shinobi


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et Taïfun
Taïfun


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). L'énergie et la présence compacte du quatuor fait mouche instantanément pour ne plus lâcher l'assistance visiblement captive de bout en bout. A la sortie du studio, j'avais pu percevoir leur travail de composition et l'élargissement sonore à partir d'éléments plus éloignés de leurs défuntes formations et des ficelles indie-math-rock bien connues chez HH. Ce travail incarné sur scène prend une autre dimension, celle qui permet vraiment d'accéder à Delwood. D'autant plus remarquable qu'il s'agit seulement de la quatrième prestation du groupe, les quelques récents lightly-plugged s'étant déroulés en formule acoustique avec réécriture des morceaux. Cet engagement scénique accroît la personnalité du quatuor qui se balade entre univers noisy, jazzy et expérimental, passant assurément d'une forme de hargne retenue à des retours au calme pour un frisson et quelques envolées. Deux basses élastiques se nouent et dénouent, mais l'on doit également la cohérence et l'équilibre d'ensemble au touché du batteur Alexandre Brüll (Esope) et à l'investissement sonore sans saturation du bidouilleur de sons Vincent Oury, le tout servi par un balancier sonore bien en phase avec la patte d'un groupe déjouant les étiquettes. Plus qu'une lettre à la poste, j'en ressors enveloppé par de remuantes sensations. Vingt minutes plus tard près du van, les quatre affichent une mine radieuse qui reflète en écho.


Instantané du Klub saisi par un musicien de Delwood durant le soundcheck de E

Les deux basses sont rangées. Place aux six cordes. Nous sommes définitivement moins d'une trentaine, mais chacun.e. interpellé.e par le longiligne Jason Sanford. Dressé derrière ses planches d’effets customisées, pédales artisanales et autres branchements bricolés, il habite son étrange guitare home-made transparente. Thalia Zedek donne le signal et le concert est lancé avec Caught, titre d'ouverture de leur avant-dernier album Complications, emmené par son chant éraillé et des guitares jouant au chat et à la souris, entre dissonance, mélodie et étincelles. Une entrée en matière qui ravive la flamme d'un rock 90's résolument noisy auquel les membres ont jadis participé. Derrière les fûts, leur ami Ernie Kim s'est substitué à Gavin Mc Carthy qui n'a malheureusement pas pu partir en tournée européenne, contraint par des obligations familiales. Il tirera son épingle du jeu avec le brio nécessaire pour intégrer une formation dont la force réside en la somme de ses trois figures compositrices, chacun.e prenant part à l'écriture et aux parties vocales. Les trois puisent allégrement dans leur discographie, Sunrise me foudroie (re-ge-ne-rate) et le petit dernier Any Information est joué entièrement. L'alchimie fonctionne. Riffs abrasifs et touché sensible chez l'une, hachures et effets de contorsion chez l'autre. Subtil alliage né du choc entre intensité dissonante, obscure froideur et voix hantées, brûlures et mélodies scintillantes. L'espace règne dans la fosse qui permet quelques déplacements d'où naissent les différents points de vue. L'espace domine et rien ne sonne dans le vide. ''A couple more'' chuchote Thalia Zedek. Le trio complète son irruption dans l'étendue avec deux dernières paires de jaillissements entrecoupés d'un second ''A couple more'' qui résonne depuis le public et qui semble une évidence pour (A Band Called) E
(A Band Called) E


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. Public réduit, public conquis. Régénéré par cette percée d'indie rock aussi brisant que stimulant, que reste-t-il alors à faire si ce n'est plonger sur les deux disques qu'il vous manque ?

Lorsque vous éprouvez un profond respect envers les artistes investi.e.s qui après des années d'influence respirent l'intégrité sans se gonfler d'une quelconque notoriété, une fois la porte extérieure franchie et ainsi remis en route, il faut alors voir les symboles superficiels de ce monde en déperdition qui vous traverse. Un monde qui vous laisse dubitatif lorsque vous enfourchez votre quatre roues et abreuvez le réservoir avant de passer la frontière belge. Dès celle-ci franchie, passé minuit, ce même monde qui vous amène à transporter l'auto-stoppeuse terminant son service à la plonge car elle doit survivre. Et qui vous dit que son fils fait de la musique. Croit-il au rêve américain ? Vous mesurez alors la chance qui vous colle d'être toujours en mesure d'approcher quelques instants de pureté musicale pour un coût sept sept fois moindre qu'un plein de gazole (sans compter le trajet). Le lendemain, Delwood
Delwood


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jouait au Muziekodroom à Hasselt, E au Magasin 4. (A Band Called)E
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sera à Liège le 12 juin. La Zone n'a pas de parvis. Y aura-t-il un peu de monde au portillon ?
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