C'est bien connu, la classe ne s'achète pas. La classe ne s'acquière pas. On l'a ou on ne l'a pas. Parmi les artistes contemporaines, il en est une qui est indéniablement touchée par la classe, c'est la californienne Chelsea Wolfe. A l'écoute de sa discographie, il est même permis de croire qu'elle personnalise une sorte de classe œcuménique voire syncrétique : indie-folk des grands espaces inoccupés avec The Grime And The Glow, en 2010, et Apokalypsis en 2011, goûteuses réappropriations des esthétiques de la papesse PJ Harvey au détour desquelles d'évanescentes langueurs éthérées soulignent déjà de personnelles arcanes (ahh ! Movie Screen) ; néo-folk aérienne avec Pain Is Beauty en 2013, dernière concession de la diaphane jeune femme à un univers musical qui n'a, jusque là, de métal que l'esprit et une certaine image désincarnée. Puis Chelsea Wolfe gonfla ses guitares et Abyss, sorti en 2015, assuma un style doom-folk propre à satisfaire les chevelus à nuque musclée... Une carrière faite d'élégance. D'une irrésistible distinction. La classe quoi !
Et lorsqu'on a la classe, on ne la perd pas du jour au lendemain, quels que soient les chemins empruntés. Ce n'est pas Hiss Spun, nouvel album de la vénus opalescente, qui nous prouvera le contraire. La chanteuse a fait le choix de collaborer pour les parties guitares avec Troy Van Leeuwen (Failure, Queens Of The Stone Age), de laisser une petite place aux vocaux de Aaron Turner (Sumac, Mamiffer) sur Vex et de confier la production de l'album à... Kurt Ballou (dont on pourrait se demander, tant il est omniprésent, s'il ne finira pas par produire le prochain René Binamé). Avec une telle équipe, le choix éditorial est clair pour tout le monde : ça sonnera métal ou ça ne sonnera pas !
Dix secondes d'intro du premier titre, Spun, pour comprendre que les guitares seront épaisses et saturées à souhait ; pour comprendre que la distorsion brute sera un enjeu sonore pour ce nouvel album et que les vocaux de Chelsea Wolfe marqueront, au gré des nombreuses pédales d' « effets voix » utilisées, les contrepoids nécessaires pour replacer un peu de cette sombre douceur au beau milieu des lourdes rythmiques. 16 Psyche, Vex, The Culling ou Particle Flux saturent les guitares quelquefois aux limites du drone originel tandis que les vocaux disent joliment le poids du désespoir, les amours perdues et les manques infinis.
Certains objecteront que Hiss Spun est trop long, que les douze titres proposés sont par trop ressemblants d'un point de vue vocal, que la seconde partie de l'album ne navigue pas au même niveau que la première... Nous leur répondrons qu'ils devraient faire l'effort de l'écouter encore et encore pour en éprouver la douce évidence : Chelsea Wolfe chante comme personne, sur tous les tons et toutes les rythmiques, l'ultime élégance.
La classe...