Interview

DES YEUX

« Le public joue un rôle important dans nos concerts. Sans lui, j’ai l’impression de faire du playback. »


Vendredi 13 novembre 2020

On vous en parlait, vendredi dernier, le trio bruxellois Des Yeux
Des Yeux


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vient de sortir un nouvel EP intitulé « Vide ». Il s’agit d’un morceau de 26 minutes improvisé à partir d’un riff de guitare répété en boucle. Le titre fait référence à l’agenda des concerts du groupe, vide depuis le début de l’année. L’occasion de discuter avec Albin, chanteur et guitariste, d’improvisation, de musique au temps du covid, de générosité et des futures sorties.




Tout d’abord, vous allez bien ? Comment va la vie ?
Jusqu’ici tout va bien. On n’a pas été entièrement épargné par le Covid. Mais personne dans le groupe ou notre entourage n’a développé de forme sévère. On passe entre les gouttes.

En avril, vous sortiez un EP « Drone to the Bone ». Sept mois plus tard, vous proposez un autre EP intitulé « Vide ». C’est assez court comme délai entre deux sorties. Le confinement alimenterait-il votre productivité/créativité ?
Disons surtout que le confinement permet d’avancer sur des projets qu’on n’aurait pas eu le temps de finaliser dans le monde d’avant. Les deux sorties sont quand même très différentes. « Drone To The Bone » est une compilation d’improvisations qu’on avait enregistrées bien avant le confinement, dans l’idée de les sortir un jour. Quand on s’est retrouvé confiné en mars, on en a profité pour avancer sur ce projet-là.
« Vide » est une improvisation qu’on a enregistrée en septembre, alors qu’on venait d’annuler notre dernier concert de l’année et qu’on avait pas mal de frustration à évacuer.

« Vu qu’il n’y a plus trop de perspectives de concerts pour le moment, on prend le temps de travailler un peu sur des sorties en auto-prod. C’est aussi une manière d’entretenir la flamme. »

L’EP comprend un seul morceau de 26 minutes improvisé et enregistré dans les conditions du live dans votre studio de répétition. Concrètement, comment cela se met en place ? Vous êtes quand même d’accord sur certains points avant de vous lancer dans l’impro, non ?
Dans le cas de « Vide », c’est vraiment une pure improvisation. C’est parti d’un riff de guitare répété en boucle. Si l’idée de départ plait à tout le monde, on appuie sur REC et on part en roue libre sans trop savoir où ça va nous mener. Neuf fois sur dix, ça ne donne rien du tout et ça finit au bac. Et puis, de temps en temps, il se passe quelque chose et c’est cette spontanéité-là qui nous plait dans la démarche.
On se connait bien, on sait que parfois, il suffit d’être attentif à nos mouvements, notre gestuelle ou un échange de regards pour que tout le monde comprenne comment le morceau va évoluer. Dans le cas de « Vide », je pense que cet effondrement brutal qui survient en plein milieu du morceau reflète assez bien notre état d’esprit du moment. Mais rien n’était prémédité. Ça se passe sur le moment.

« On a parfois essayé de ré-enregistrer d’anciennes improvisations, parce qu’on s’était perdu à un moment, mais ça ne marche jamais. Si on calcule, bizarrement, ça ne passe plus. »

Le titre de l’EP « Vide » fait référence à quoi ?
Nos titres sont souvent le reflet de notre état d’esprit au moment de l’enregistrement. « Vide » fait référence à cet agenda de concerts qui est resté vierge toute l’année pour nous. Quelques semaines avant sa sortie, notre dernier concert de l’année a été remplacé par une résidence sans public. Jouer dans une salle vide reste une expérience assez troublante, pas forcément très plaisante d’ailleurs.

« A titre personnel, je me rends compte que le public joue un rôle important dans nos concerts. Sans public, j’ai l’impression de faire du playback, la mayonnaise ne monte pas. »

Et puis, c’est aussi ce constat qu’on posait à chaque fois qu’on allait répéter avant le deuxième confinement : la plupart des locaux sont vides. On en parlait justement avec les membres de Frau Blücher and The Drünken Horses
Frau Blücher and The Drünken Horses


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qui répètent dans le local juste à côté du nôtre : c’est fou comme le bâtiment s’est vidé en quelques mois. C’est un sentiment très particulier
Là, depuis le deuxième confinement, on ne répète de nouveau plus. On bosse à distance sur les futurs EP.

Vous aimez toujours changer d’instrument ?
Oui mais pour l’instant, on le fait moins. C’est surtout Jean et Bertrand qui permutent la basse et la batterie. Du coup, ils se désinfectent les mains à chaque fois maintenant.



Un groupe peut-il survivre à cette mutation actuelle où tout se fait en ligne (concert, sortie d’album, etc.) et sans contact avec le public ?
Franchement, non. Pour l’instant, je le vois surtout comme une parenthèse, mais je me raccroche à l’espoir qu’un jour, on reprendra les concerts comme avant. On maintient la flamme avec des petites sorties en autoproduction, mais ça reste du bricolage. A terme, on préférerait passer quelques jours en studio, sortie un beau vinyle, faire quelque chose de propre. Mais on vend nos disques uniquement pendant les concerts.

''Les ventes en ligne, pour nous, c’est trois fois rien. Donc aller en studio maintenant, ce serait simplement jeter du fric par les fenêtres pour presser des disques qu’on ne vendrait pas. On prend notre mal en patience.''

Pourquoi verser les bénéfices des ventes à une association (CDJ Anderlecht pour fournir du matériel informatique décent aux jeunes du quartier de Cureghem afin de les aider à suivre les cours à distance) ? Ça paraît un peu contradictoire avec les revendications actuelles des artistes qui n’ont plus de revenu, non ?
Depuis le début de Des Yeux, on a toujours été clair : le groupe ne sera pas notre gagne-pain. C’était un choix dès le départ. Donc on a tous des jobs à côté et, pour être tout à fait honnête, faire de la musique est pour nous un hobby qui nous coûte plus qu’il ne nous rapporte. Le confinement n’y a rien changé, nos frigos ne sont pas moins remplis parce qu’on n’a pas de concerts. Il y a beaucoup de groupes pour qui c’est plus problématique, mais on a la chance de ne pas dépendre de la musique pour vivre.

''Nous sommes des privilégiés, on en est bien conscient. On voulait utiliser le peu de notoriété qu’on a pour faire un geste, aider une association qui bosse le terrain pour des gamins qui ont moins de chance que les nôtres.''

On en a parlé avec notre amie Yasmina qui connait très bien les associations sur le terrain. Elle nous a suggéré de nous mettre en contact avec le CDJ Anderlecht. Le courant est immédiatement passé. Au final, on a pu récolter un peu plus de 200 euros pour le projet de Solidarité Numérique, ce n’est pas énorme mais c’est toujours ça de pris. D’ici la fin de l’année, on sortira un autre projet pour soutenir un projet d’artisanat local.

En décembre 2019, vous étiez sélectionnés par un jury dans le cadre du Loud pour bénéficier d’un accompagnement et d’une promotion. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
Le Loud nous a permis d’accélérer la cadence. On a eu plus rapidement accès à des contacts chez les programmateurs ou les labels. Tout le travail qui a été fait en résidence avec Grégoire de Thot
Thot


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nous a aussi donné un coup de boost : il nous a forcés à porter un autre regard sur notre musique, à nous remettre en question. On en a retiré un meilleur contrôle sur notre musique.



Le mot de la fin ?
On va continuer à travailler sur des sorties en attendant la reprise de la « vie normale ». On vient d’enregistrer toute une résidence live grâce à Eristic Fuel et MJ Music. Ils ont fait un boulot de dingues pour qu’on puisse avoir une captation vidéo de qualité pro et un album live. On publiera tout ça d’ici la fin de l’année. On aura encore quelques sorties prévues dans les prochains mois, dont une version physique de « Drone to the Bone » dans un packaging un peu spécial. On avait aussi un gros projet d’EP en cours pour lequel on avait déjà pas mal de pistes enregistrées. Mais il nous a manqué une semaine pour pouvoir enregistrer les batteries avant le deuxième confinement. Donc il faudra encore patienter un peu pour celui-là…

Pour acheter l'album numérique à prix libre c'est ici: https://desyeux.bandcamp.com/album/vide
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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