Interview

WYATT E.

Lundi 1 décembre 2025

De passage à la MCFA de Marche-en-Famenne ce samedi, Sébastien, fondateur de Wyatt E.
Wyatt E.


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, a répondu à quelques questions sur l'histoire du groupe et les obstacles rencontrés depuis sa création en 2015.

La naissance de votre groupe remonte à 10 ans déjà. Peux-tu revenir sur la genèse du projet ?

Sébastien (compositeur): A la base, c'est un projet qu'on a créé avec Stéphane Rondia, guitariste originel, et ça date même de bien avant 2015. On a fait notre premier concert en 2011 ! Le délire, c'était d'empiler un maximum d'amplis et de faire du drône, simplement. Un truc du genre de Sunn O)))
Sunn O)))


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. On s'est retrouvés plusieurs fois à jouer dans des maisons de jeunes mais on avait pas de matos, on prenait la skoda du papa de Stéphane et sa remorque. Le projet avait pas vraiment d'avenir, c'était pas structuré, puis on a rencontré Romain, qui allait devenir notre premier batteur. Le style a fort évolué avec lui, pour devenir ce qu'il est devenu aujourd'hui. Ca a donné notre premier EP en 2015 mais on n'a pas beaucoup joué après ça. En fait, on n'avait pas vocation à faire du live. On voulait rester dans notre sphère DIY et faire deux, trois concerts de temps en temps, puis on a évolué.

Vous aviez déjà le nom ''Wyatt E.'' à l'époque ?

Sébastien : Oui. Déjà pour la première mouture du groupe, à deux guitares, on voulait faire référence à une bande originale pour un western post-apocalyptique et Wyatt Earp est une figure importante de l'histoire du western. Moi je suis un gros fan de western des années 50, 60. Alors on a voulu trouvé un nom qui soit pas trop connoté mais qui fasse référence à ça. On a voulu changé de nom en tombant dans la scène post-rock puis doom stoner, où beaucoup s'appelaient Wizard quelque chose, Acid quelque chose... etc. Puis, on s'est dit qu'on allait pas changer pour fitter un genre.

Vous décrivez votre musique comme ''Antiquity Doom / Music for Gods of the Ancient World / Exile to Babylon'', aux sonorités orientales.

Sébastien :
C'est plus compliqué que ça en fait. Tout cela arrive à un moment où je fais des recherches sur mon arrière grand-père qui était violoniste à l'opéra et qui est juif. Mon grand-père a perdu énormément d'histoire de la famille car son père est parti très tôt, donc j'essaie de récupérer un maximum d'informations et je vois donc une branche juive de l'est, et éventuellement en Syrie. Que faire avec ça ? Moi j'étais déjà passionné par l'héritage culturel juif non religieux, séculaire en Europe. Celui qui est le mien et qui m'intéresse depuis toujours sans m'être vraiment renseigné avant ça. Plutôt que d'en faire un truc ultra personnel, on a voulu faire quelque chose qui puisse parler à tout le monde. On a donc repris l'épisode biblique où le roi de Babylone Nabuchodonosor II arrive à Jérusalem, fait le siège de la ville, le remporte et détruit le premier temple. C'est la musique de cet exil du peuple de Jérusalem à Babylon, le croisement des deux cultures, etc. Très tôt dans le process, en 2018 en fait, on a perfectionné cette dimension en collaborant avec Tomer Damsky, israélienne, qui chante en araméen et ensuite avec Nina Saeidi, iranienne, qui chante en akkadien.



Justement, j'avais une question par rapport à vos guests. Vous êtes un groupe instrumental, quelle plus-value avez-vous décelé dans le fait d'avoir des guests vocaux ?

Sébastien :
D'abord, on avait envie de mettre en avant des figures féminines dans une scène qui leur fait pas toujours honneur, même si ça peut être pire ailleurs. Avoir quelqu'un d'autre avec soi, qui plus est une femme, c'est enrichissant. Ensuite, au-delà de ça, on est masqués, on vit dans un certain anonymat, même s'il est relatif. Ca permet donc de mettre une voix, un visage au groupe. Puis, finalement, ça permet aussi de proposer des formats plus courts. Les premiers disques de Wyatt E., ce sont des monolithes de 20 minutes, très niche. C'est pas évident de se taper une brique comme ça à chaque fois ! Les gens peuvent s'immerger là-dedans mais on a tenu à proposer un format plus lisble et accessible aussi.

Parlant de disques, vous en avez justement sorti un en 2025, Zam?ru ultu qereb ziqquratu Part 1, premier chapitre d'un album conceptuel dans lequel le groupe approfondit l'exploration de Babylon, etc. Comment la sortie s'est passée ? ça a répondu à vos attentes ?

Sébastien :
On avait très très peur. On a eu un premier album sorti en disques, qu'on a pu ressortir en vinyls grâce à de généreux donateurs. Puis, un deuxième, sur un label israélien et totalement DIY, puis un troisième, Stolen body, sur un label anglais qui nous a sorti un peu de l'anonymat. Mais cette fois-ci, c'est la première fois qu'on a un label avec une diffusion mondiale. On avait donc beaucoup d'attentes, on a investi beaucoup de temps et d'argent. Le disque sort le 10 janvier et on n'a pas de concerts avant mars. On a donc passé deux mois où littéralement, on est morts de peur ! Mes économies sont passées dedans donc on prie pour que le pressage soit sold-out en un an pour s'en sortir. Pour couronner le tout, Wyatt E. n'est pas un groupe qui fonctionne super bien en Belgique. Marche-en-Famenne, c'est la seule date en Wallonie sur 70 cette année. On a eu deux dates à Bruxelles et deux en Flandres par ailleurs. On ne se facilite pas la tâche, mais ça n'intéresse pas assez de monde ici pour dire d'avoir un concert à la maison qui rassemble. On fait cinq dates dans le sud-balkan, puis on revient en France et en Flandre, et on se rend compte que ça se passe bien, donc on est vraiment soulagés. On est partis en tournée avec beaucoup d'appréhension.

Le morceau où Nina chante, The Diviner's Prayer to the Gods of the Night, est inspiré d'un poème akkadien. ça incarne le désir de l'humanité de d'entrevoir l'avenir pour surmonter un présent sombre. Est-ce-que c'est pas un peu symptomatique de la période actuelle ?

Sébastien : Y a quand même toujours l'actu en fond mais on ne savait pas ce qui allait se passer exactement ensuite. Je ne vais pas trop parler à la place de Nina, mais c'est quelqu'un qui est née en exil, en Angleterre, et qui souffre de ne pas pouvoir rentrer ''chez elle'', quelque part. C'est important pour elle d'inscrire ça dans le contexte du disque, qui résonne évidemment avec l'actualité. On a d'autres projets avec elle et Tomer, des projets qui sont nés au moment où les bombardements d'Israël en Iran ont commencé. Tous les trois, c'est compliqué comme relation : on s'entend très bien et on essaie de partager cela au delà de la simple réaction à la réalité. On est dans une sorte d'apaisement, de réconfort permanent entre nous. On est en contact régulièrement, on échange beaucoup mais c'est compliqué. On travaille sur un projet connexe, Atonia, sur lequel on n'a pas encore communiqué. C'est quand même à noter qu'il est possible de collaborer malgré des réalités très différentes. Certains nous font des reproches pour ça, en pensant dénoncer une injustice. Nous, on cherche un degré d'entente et de solutions.



Vous annoncé une deuxième partie à cet album. A quoi peut-on s'attendre ? Et comment ?

Sébastien :
On va pouvoir en discuter à Marche ! (rires) Les chansons sont là. Elles sont pas toutes enregistrées, c'est un process lent. Y aura peut-être aussi une partie 3 aussi, tout n'est pas encore arrêté. On a des tiroirs entiers de matière. Il faut simplement qu'on se pose pour y réfléchir et qu'on donne un bon coup de pied à la suite. Il y a encore la question de label. Pour celui-ci, on a d'abord cherché un truc plus ''arti'', dans notre veine, avec un peu moins de suivi mais qui aurait trouvé la personne qui veut nous écouter, mais quand on a eu la proposition de la part de Heavy Psych Sounds Records, on s'est rendu compte que ça allait peut-être changé la vie du groupe. La réalité économique est très différente, on est beaucoup plus suivi et ça fait du bien, malgré qu'on doive bosser énormément.

Vous avez eu une tournée extrêmement longue, 70 dates cette année, mais bien plus encore les années précédentes. Comment vous gérez-ça ?

Sébastien :
Il faut bien se rendre compte: on est personne. On est obligés de tourner, au vu de notre tissu culturel en Belgique. Nous n'avons pas de réseau. On est parti d'une salle dans l'IPES de Waremme. On a du tout construire de A à Z, pour des sommes souvent dérisoires. Pour développer le groupe, c'est le seul moyen. C'est déjà très différent de la Flandre, qui promet des sommes énormes à certains groupes qui pourtant n'ont rien montré, mais qui viennent avec des attentes beaucoup plus hautes. Nous, c'est impossible. On doit ''work hard''. Autre exemple, Amenra tourne énormément aussi, et ils ont construit une communauté ! Ils font cinq AB maintenant, mais c'est un exemple de dévotion et de persévérance. On a par contre une chance : on n'a pas énormément de fans ici, mais on en a partout ! Nos concerts fonctionnent à l'étranger. Et si on veut que ça continue, on doit accepter des cachets adaptés au pays. C'est normal. Ca, certains groupes flamands ne le comprennent pas, donc ils ne s'exportent pas vraiment. On n'est pas du tout sur le même mode.

C'est assez marrant parce qu'au début, tu disais que le groupe n'avait pas été pensé pour le live. Mais en fait, tout prend son sens une fois sur scène. Vous avez une aura non négligeable.

Sébastien :
On était clairement obligés, même si c'est un véritable plaisir, en tout cas pour moi. Le projet prend son sens en live parce qu'on construit le live en fonction des disques. Quand on sort un disque, on ne l'a jamais joué ensemble. On doit donc apprendre à le jouer. La dimension live vient de là. Je vois ça comme du théâtre ou un film, parce qu'on a un scénario, qu'on doit interpréter. Il faut savoir trouver sa scène et son public. Ici à Marche, on fait notre truc sans pression.

Est-ce-que vous avez un rêve en particulier avec Wyatt E. ? Une salle de concerts par exemple ?

Sébastien :
J'ai une wishlist immense de festivals notamment ! J'ai carrément un table ''A faire - Fait'' (rires). Quelques festivals nous sont fermés, on n'a pas encore ce statut d'immanquables, des promesses qui ne se concrétisent pas par exemple. Y a beaucoup d'entre-soi dans le monde de la musique bien sûr. Donc, mon but, à moi, c'est de saisir les opportunités. Quand on a créé le groupe, on voulait absolument joué à Duna Jam, une fête qui s'organise depuis 20 ans sur une plage en Sardaigne avec que des groupes de stoner ou apparentés, rituels, roots etc. C'est un festival secret, tu dois envoyer ton CV, tu dois payer et trouver ton logement ! On y a joué, et j'en suis bien plus content que certaines grosses dates qu'on a fait. J'aime bien les trucs un peu insolites, un festival qui se passe dans la montagne, dans le cirque d'un volcan... ça ça me fait vraiment vibrer. Mais en vrai, tout est question de possibilités. On ne se ferme aucune porte. Le Resurrection, le Copen'hell... Evidemment, ça nous parle.









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