Interview

PEURBLEUE

Des humains perdus dans un monde fantomatique.


Lundi 8 août 2022

Un premier album (« La Ciguë ») et une signature chez les Acteurs de l'Ombre . Je vous présente Peurbleue
Peurbleue


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, du black metal hanté par l’âme de ses créateurs (JCEX et Sakrifiss).
Je me suis complétement laissée happée par cette ambiance où j’ai trouvé une certaine puissance déchirante et poétique.
JCEX et Sakrifiss, qui souhaitent volontairement rester discrets, ont accepté de lever quelques coins du voile de leur projet.



Hello ! Comment ça va ?

Ça va pas trop bien, mais bon, on fait avec. Et surtout il faut savoir relativiser et se rendre compte que ça ira sans doute encore moins bien plus tard. Donc, en y réfléchissant, ça va très bien aujourd’hui par rapport à demain !

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est un jeune projet. Comment est-il né et avec quelle volonté ?


Le groupe, français, est à l’origine celui d’un musicien touche-à-tout : JCEX. Il aime trifouiller les sons depuis de longues années et ce n’était pas nécessairement pour « jouer de la musique » ou pour la partager. C’était plutôt comme un journal intime musical… une manière d’exprimer ses expériences et ses réflexions. Et puis il a eu l’envie à un moment d’ajouter des voix à ses résultats sonores. Il était personnellement plutôt plongé dans le monde de l’ambiant et de la noise, mais avec un orteil ou deux dans le black metal. C’est là qu’il a contacté Sakrifiss, qu’il ne connaissait pas personnellement mais qu’il avait découvert grâce à ses activités comme chroniqueur et passionné de longue date de ce milieu musical. Juste pour lui demander s’il ne pouvait pas lui présenter un chanteur éventuellement touché par les ambiances qu’il créait. Sakrifiss a écouté et il a tellement apprécié qu’il a proposé de les assurer, ces vocaux. Il était justement à ce moment¬-là en plein enregistrement du premier album d’Enterré Vivant. Cette collaboration qui ne devait durer qu’un morceau, puis deux, trois… s’est poursuivie jusqu’au jour où Sakrifiss a supplié JCEX d’être pris comme membre à part entière. Et voilà.


Peut-on en savoir plus sur vous deux ou pouvez-vous expliquer pourquoi vous souhaitez en dire le moins possible?

Alors en fait nous pensons que les personnes qui sont derrière une musique doivent y rester... derrière. Encore plus pour des compositions qui veulent créer des ambiances. JCEX est le plus extrême des deux à ce sujet, et il est même pratiquement absent des réseaux sociaux, non désireux de parler de sa personne. Sakrifiss, quant à lui, est plus présent dans l’univers virtuel. Gros amateur de black depuis les années 90, il est chroniqueur depuis plus de 15 ans, fait des vidéos et écrit des livres. Mais lui aussi pense que cela n’a pas à être pris en compte dans Peurbleue
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. Les morceaux sont créés par le duo, mais pas autour de lui. C’est aussi pour cela que les deux clips qui sont sortis, pour « La fin approche » et « A la gloire », ne le mettent pas en scène mais sont filmés comme s’ils étaient vus par les yeux de l’auditeur. Certes, il y a la photo des membres dans le livret, mais sans qu’ils n’y soient particulièrement reconnaissables, et plutôt dans un esprit fidèle au concept. Des humains perdus dans un monde fantomatique... notre réalité.



C’est quoi du black metal hanté ? Le black metal n’a-t-il pas déjà un côté hanté à la base ?

Le black metal est-il hanté habituellement ? Il ne me semble pas que ce soit un adjectif souvent utilisé pour le décrire, mais c’est comme toujours une question de vision personnelle. Est-ce que Mayhem
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, Darkthrone
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ou encore Emperor
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pourraient voir le terme « hanté » représenter leur musique ou leur esprit ? Pourquoi pas bien entendu, mais une étiquette a pour objectif premier de définir une ambiance. L’ambiance principale d’un album. Lorsque l’on parle de « black metal mélodique », on ne signifie pas que les autres sous-branches ne contiennent pas de mélodies, mais que l’accent est mis sur elles plus fortement. Et c’est valable pour les autres appellations, dont la nôtre.
Pour décrire le style qui domine sur nos dix morceaux, le terme de « black metal hanté » s’est imposé de lui-même. Il était évident pour présenter les ambiances et concepts qui s’en échappaient.

« L’album est hanté par l’âme de ses concepteurs, par l’âme de ceux que nous ne voyons pas mais qui survivent dans ce qu’ils ont construit et qui nous entourent, par l’âme de ceux qui vivent sans ne plus en avoir conscience. »

Mais nous ne nous braquerons pas si certains préfèrent nous présenter autrement.


Votre premier album « La Ciguë » vient de sortir. Que pouvez-vous nous en dire ?

JCEX a composé la totalité des morceaux, puis il a joué tous les instruments et il a mixé l’ensemble. Sakrifiss a écrit les paroles et il les a chantés, déclamés, marmonnés ou hurlés, voire même sifflés. Des sons et des samples ont ensuite été ajoutés, pour créer ou renforcer les atmosphères.
Lorsque JCEX a créé sa musique, il suivait son instinct, sans tout de suite se rendre compte de ce que son cerveau et son âme lui dictaient. C’est en cours de route, après avoir déjà écrit plusieurs titres, qu’il a constaté qu’un concept se tissait de lui-même, celui de la vie et de ses affres. Dix morceaux ont ainsi été finalisés et ils retracent un parcours, de la fécondation d’un être à sa mort.
Il a envoyé à Sakrifiss les morceaux en leur donnant préalablement un nom, afin de lui proposer un point de départ. « Caniveau », « Ressac », « Vision de mort », etc.

« Le résultat saura sans aucun doute trouver une résonnance chez certains : les espoirs mis à mal, la déchéance qui veut s’imposer, la vieillesse qui est inéluctable, la mort qui peut sembler une option, etc. »

Pour donner un exemple, voici un passage de « Caniveau » :

« Beauté va faner
Force temporaire
Bonheur évident
Pureté de pucelle
Vite abandonné
Il faudra se taire…
Devenu décadent
Eloigné du ciel
Ne plus pavaner
Un pied en enfer…
Et finir dans le caniveau.
Finir comme ça a commencé. »


Être dans l’écurie des Acteurs de l'Ombre, ça fout la pression ?

Être chez eux, c’est surtout être au bon endroit. Pas nécessairement pour la taille de l’écurie, mais pour sa ligne directrice. Nous avons un style qui est plutôt particulier, qui ne se classe dans le black metal qu’après réflexion, qu’après ce doute que beaucoup d’auditeurs ont ressenti. Et il est important qu’un groupe soit sur un label qui lui ressemble. C’est bénéfique pour tous, et pour le public aussi. Quand tu vas suivre les sorties de LADLO, tu t’attends à être remué. Oui, tu peux aussi y trouver des groupes plus classiques, plus proches du black metal à l’ancienne, mais même dans ces cas-là tu trouveras une identité personnelle. Tu reconnais tout de suite Pensée Nocturne, Les Chants de Nihil, Borgne, Aorlhac ou Sordide. C’est Sakrifiss qui a pensé à eux tout de suite, sans être sûr bien entendu qu’ils seraient réceptibles. Les musiciens ne savent jamais si ce qu’ils créent plaira aux autres… Nous avons eu la chance de convaincre.
Alors comme la démarche vient de nous, ce n’est pas vraiment de la pression mais plutôt un sentiment de responsabilité qui nous anime.

« C’est une belle étape d’avoir un label, mais maintenant c’est un public qu’on espère toucher pour satisfaire la confiance qui a été mise en nous. »

Quand tu sors ton album en autoproduction, ça marche, ça marche pas, cela ne te concerne que toi et toi seul. Là, il y a le travail de toute une équipe qui est en jeu.

Le public, la scène, est-ce important pour vous ? Pourquoi ?

C’est important d’avoir un public tout d’abord pour que le label qui nous soutient voit son implication récompensée.

« Mais la musique que nous faisons n’est pas destinée à être jouée sur scène. Elle est assez égoïste, et se dévoile lorsqu’elle est écoutée sous certaines conditions. Pour se retrouver pleinement imprégné de nos ambiances, il faut être seul, il faut être le soir, il faut avoir trop chaud ou au contraire trop froid. »

Les thématiques de Peurbleue
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sont trop éloignées de ce qu’impliquent des lives. Il serait difficile pour l’instant de recréer quelque chose de fidèle à ce que nous sommes. Ou alors il faudrait faire des concerts privés destinés à un spectateur unique.


Comment souhaitez-vous voir l’avenir de Peurbleue
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?


L’avenir est en fait déjà là puisque nous avons du matériel de prêt. Nous sortirons vers la fin de l’année un split, dont nous ne pouvons pas encore donner de détails, puis nous avons aussi commencé la suite de La Ciguë. Pas que nous allions vite, mais le premier album était prêt depuis déjà plusieurs mois. C’est juste que cela a pris du temps pour que le label puisse le sortir. Il a un emploi du temps chargé, avec un calendrier de sorties déjà planifié. Nous avons donc poursuivi la création de morceaux depuis que ceux de l’album sont terminés. Et ensuite, tout ce que nous souhaitons, c’est de continuer à faire des morceaux qui nous plaisent, influencés et enfantés par notre vécu…



Faut-il être dépressif ou à tendance dépressive pour faire du black metal, parler de la déchéance de l’humanité, de souffrance, de la mort, etc. ?

Pour faire ce style (ou un autre également peut-être, mais parlons de ce que nous connaissons), il y a effectivement deux cas de figure.
Le premier est celui dont tu viens de parler : « le cas de l’expérimenté ». Celui qui retransmet en musique ce que son existence lui a fait subir. Recracher sa réalité lui offre généralement une catharsis salvatrice. Les personnes qui n’y comprennent rien aiment bien d’ailleurs s’en moquer : « Il fait du DSBM depuis dix ans. Toujours pas suicidé le pauvre chaton ? ». Non, toujours pas suicidé parce que la musique est son exutoire... S’il n’avait pas fait de musique, là il serait peut-être bien parti pour de bon...
Le second est « l’observateur ». Lui, il a un don pour voir, et surtout pour ressentir et raconter le monde qui l’entoure. Ce profil est généralement plus présent dans la littérature, milieu dans lequel il ne passe pas pour un arnaqueur. Sakrifiss est plutôt à classer dans cette catégorie. Il n’est pas encore rattrapé par la dépression, mais il sait qu’il peut y glisser à tout moment parce qu’il est submergé par une sorte d’empathie négative. Il voit flotter les effluves de misères et malheurs des humains. Il se fait donc juste le peintre de ces inspirations extérieures.
Ensuite, ce n’est pas nécessairement la déprime qui est un moteur pour faire du black metal. Ce style est extrêmement varié, avec des branches qui demandent un intérêt pour telle ou telle passion. Pour certains groupes, c’est l’occultisme, pour d’autres c’est une période de l’histoire, c’est Tolkien, ce sont les guerres, c’est la nature... Pour faire du black metal, il suffit simplement de choisir ce moyen d’expression pour libérer la passion qui nous dévore.


Si vous avez des choses à annoncer, c’est le moment :-)

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est une expérience qui ne touchera pas tout le monde, mais nous sommes fiers d’avoir forgé ce premier album. Il saura pénétrer le moi intérieur de certains et accompagner leurs soirées sans issues. Merci à toi pour l’intérêt que tu nous as manifesté, et comme dit toujours JCEX : « La peur est là ! vive la peur ! »
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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