Interview

NAPALM DEATH

Barney: ''C'est notre responsabilité en tant que musiciens de faire entendre notre voix''


Jeudi 29 septembre 2016

C'est au Magasin 4, avant un concert démentiel, que nous avons rencontré un Barney détendu et plutôt loquace, malgré la durée plutôt courte de l'interview. Un vrai gentleman, aussi sympathique qu'il est énergique sur scène!

Florent: Salut Barney, comment ça va ?

Mark ''Barney'' Greenway: Très bien, très bien. C'est la fin de tournée, tout se fait un peu dans le rush, désolé donc si cette interview se fait rapidement, j'espère que ça te va...

F: Pas de soucis, on fera ça au plus vite. Tout d'abord, c'est, je pense, la deuxième fois que vous passez ici, au Magasin 4...

B: Oui, la deuxième. Nous étions venus il y a... deux ans, je crois ? (confirmation de ma part) C'était la folie, cet endroit est une vraie bouilloire !

F: Justement, c'est assez évident que Napalm Death
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pourrait remplir des salles plus grandes que celle-ci. Qu'est-ce qui vous pousse à revenir ici, à jouer dans des plus petites salles?


B: Premièrement, le contact. S'il y a une salle où nous avons un bon accueil, un bon staff, un bon son, que tout se passe bien, que les gens sont sympathiques, alors nous allons toujours essayer de revenir aux mêmes endroits. Ca s'était très bien passé la dernière fois, nous sommes donc revenus et c'est ce que nous essayons généralement de faire. Alors oui, nous pourrions évidemment jouer dans de plus grandes salles, mais c'est une forme de sécurité, de confort pour nous également de revenir là où nous savons que tout se passera bien. Un exemple dont nous pouvons nous inspirer, ce sont les Melvins. Regarde les salles où jouent les Melvins
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 : ils reviennent régulièrement aux mêmes endroits depuis 25, 30 ans !



F: Avec chaque album qui passe, Napalm Death
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donne l'impression d'être un peu plus... énervé..


B: Oui, mais énervé de façon constructive. Quel est l'intérêt d'être juste « énervé » ? Nous essayons toujours de proposer quelque chose de constructif, via nos textes, notre positionnement, notre musique. Le but n'est pas juste d'être « énervé ».

F: Bien sûr, mais tu vois ce que je veux dire (il acquiesce). Bien souvent, c'est l'état du monde qui t'inspire au niveau des textes. Au vu de ce qui se passe en ce moment, on peut attendre du prochain album qu'il soit... tout aussi énervé !

B: Oh oui, il le sera ! Mais il sera aussi expérimental. Depuis plusieurs albums maintenant, nous intégrons des éléments expérimentaux à notre musique – Apex Predator/Easy Meat est très expérimental. Il y a évidemment une base de violence et d'agression chez Napalm Death
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, qui est là depuis les débuts et même depuis avant mon arrivée (Barney est au micro depuis le second opus du groupe, nda). Mais nous voulons aussi proposer quelque chose de neuf. Certaines personnes nous demandent pourquoi nous ne refaisons pas un album purement grindcore, 36 chansons d'1m30... Quel serait l'intérêt ? Je veux dire, nous pourrions le faire. Nous pourrions même le faire avec les mains dans le dos, mais pourquoi ? Dans quel but ? Nous aurions l'impression de tricher, et de tricher avec le public, avec la large partie du public qui considère que Napalm Death
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doit évoluer.



F: Le groupe a 30 ans, tu tournes depuis presque autant d'années. N'est-ce pas un peu... épuisant (et je ne parle pas d'épuisement physique, mais plutôt psychologique) de parler depuis tant d'années de ce qui ne tourne pas rond dans le monde chaque mois, chaque jour?

B: Oui et non. Je ne trouve pas ça... épuisant, parce que... (il réfléchit). Je suis le gars chanceux, moi, dans tout ça. Celui qui ne vit pas ce qu'il décrit. J'ai la chance de pouvoir monter sur scène et parler de tout ça, sans avoir la moindre idée, sur le plan pratique, de ce que sont ces horreurs dont je parle. Je ne suis pas... je ne suis pas cet ouvrier, cette victime du « slave labor », pour reprendre un concept important du dernier album, qui est exploité par des industries textiles pseudo-éthiques pour créer des vêtements à destination des Occidentaux. Moi, je suis juste musicien, je monte sur scène, j'ai cette vraie chance. Alors, oui, c'est épuisant, mais non, ça ne l'est pas parce que je suis conscient que les personnes épuisées, ce sont ces gens-là. Et si en montant sur scène, je peux influencer cette situation ne serait-ce qu'un tout petit peu... alors je n'arrêterai jamais de le faire.

F: Comme avec cette chanson inédite publiée récemment au profit du Népal...

B: Voilà. C'est notre responsabilité, pas seulement en tant que musiciens mais en tant qu'êtres humains, d'essayer de profiter au maximum de la voix que nous avons pour avoir de l'influence. Tu sais, j'en reviens à ce que tu disais, l'état du monde, ce qui se passe... Quand tu regardes la situation actuelle, bon, il y a évidemment cette possibilité incroyable que Donald Trump soit président des USA... Il y a ce qui se passe en Syrie, au Moyen-Orient, au Soudan, il y a cette possibilité de nouveaux conflits dans les pays de l'Est... Partout. Cette Europe qui est scindée, ces partis d'extrême droite qui prennent de l'ampleur... Mais, tu sais quoi ? Quand tu me parles de cette situation, en disant qu'elle va influencer l'album suivant... Moi, je te réponds que ça a toujours été la merde. Toujours. Ce sera peut-être pire sous Trump, par exemple, mais ça a toujours été la merde, parce que l'homme a une incroyable capacité à faire souffrir l'autre. Via la politique ET dans les interactions individuelles.


F: J'imagine que tu ne te vois pas jouer du porngrind ou du « party thrash metal » un jour, donc...

B: Mais je ne jugerai jamais les gens le faisant !

F: Bien sûr, mais ce n'est pas ton truc.

B: Non, clairement, ce n'est pas pour moi.

F: Maintenant, j'ai parlé de fatigue psychologique. Mais niveau physique, tu as désormais 47 ans...

B: (il fait mine de réfléchir)... Ouais, ouais, 47 ans, c'est bien ça...

F: Jusqu'à quand te vois-tu faire ça ? Je veux dire, beaucoup d'artistes heavy metal sont en route jusque leurs 70 ans, mais en jouant du grindcore...

B: Je ne veux pas proposer une version ralentie ou adoucie de Napalm Death
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. Et je ne crois pas que c'est ce que nous faisons (petit rire). Tu sais, je n'adhère pas à cette vision de la société qui veut qu'on... balaie les vieux. C'est typique de notre société. Les politiques, quand tu les écoutes, ils veulent te faire croire qu'ils cherchent à donner un rôle aux personnes âgées... Putain, mais absolument pas, vous les planquez sous le tapis! Je ne suis pas pour tout ça. Donc... voilà, pour moi, l'âge n'a aucune importance. Je te le dis avec honnêteté, à 100% : je me sens comme si j'avais 25 ans. Vraiment, je ne ressens aucune différence. Et tant que je ne suis pas malade ou physiquement affaibli, je serai sur scène avec la même énergie et la même volonté.



F: Après près de 30 ans à jouer du grind, tu en écoutes encore une fois hors de scène, ou tu as besoin de quelque chose d'un peu plus calme ?

B: Bien sûr que j'en écoute, j'aime ça. Mais je suis un amoureux de musique, donc ça élargit mes possibilités !

F: Oui, je sais par exemple que tu aimes le metal progressif.

B: Oui, j'adore ça. Je ne me vois pas en jouer, mais j'aime ça, j'aime énormément de styles différents, des choses plus calmes et des choses plus... sales. Je regrette d'ailleurs aujourd'hui que tant de groupes soient des copies carbone de ce qui se faisait avant eux. Il n'y a plus aucune originalité... et même pour nous, c'est valable, les gens nous disent « oh, vous êtes originaux ! », mais non ! Nous faisons ce que faisaient des dizaines de groupes bien crades avant nous (rires).

F: Une dernière question maintenant, un peu polémique...

B: Oh, pas de soucis, vas-y !

F: Récemment, Napalm Death
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a annulé un concert, le Blastfest 2017 qui aura lieu en Norvège. Une annulation qui a fait suite à la programmation de Peste Noire
Peste Noire
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. Tu peux nous en parler un peu ?


B: Oui, bien sûr. J'en ai déjà parlé mais ça ne me dérange pas d'expliquer un peu tout ça... Premièrement, je tiens à souligner que nous n'avons absolument pas fait pression sur le festival pour qu'ils suppriment ce groupe. Nous avons laissé le choix à l'organisation : s'ils programment ce groupe, nous ne jouons pas. C'est tout. C 'était leur responsabilité, et ils ont assumé. Ensuite, sur le pourquoi...
Tu sais, je ne suis pas du genre à pointer quelqu'un du doigt en disant « c'est un fasciste ! ». Non, ce n'est pas mon genre, ce serait nier la complexité des individualités et des modes de pensée. Tu peux être un nationaliste convaincu, un nationaliste « extrême », sans être pour autant un fasciste ou un nazi. Il y a énormément de nationalistes profonds qui n'adhèrent pas à l'idéologie fasciste. Et le chanteur de ce groupe, Peste Noire
Peste Noire
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, je sais qu'il est nationaliste, très nationaliste, mais je ne peux pas dire que c'est un fasciste. Je n'en sais rien. Je sais juste que je ne suis pas à l'aise avec ses idées et avec les idées nationalistes en général. Je suis internationaliste, contre la notion de frontières, contre toutes ces conneries. Et je sais aussi que je ne veux pas donner l'impression que j'approuve tout ça, que je suis d'accord avec la présence dans le public des personnes habituellement drainées par leurs concerts. Le groupe peut ne pas être facho, mais le public, parfois... on sait qu'il y a toujours des gars à la limite de la milice, des « chemises brunes » pour ainsi dire. Des mecs qui pour moi ne valent pas mieux que des extrémistes religieux. Je ne veux pas de ce genre d'ambiance à mes concerts ou dans un festival où je joue. C'est tout, c'est la raison pour laquelle nous avons annulé ce show. Et l'organisation, il faut lui laisser ça, a été au bout de sa démarche : ils ne font pas dans le politique, programment qui ils veulent, ont donc laissé Peste Noire
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à l'affiche. Et ont déclaré que si à l'avenir nous étions prêts à jouer chez eux, nous étions toujours les bienvenus. Ok, ça me va, fair enough.

F: Hé bien, merci pour le temps que tu nous as accordé, Barney!

B: Pas de soucis, merci à toi ! A la prochaine.
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AUTEUR : Florent
Chroniqueur depuis ses 16 ans, il a voulu se relancer après un break... et des études de journalisme. Percer dans le journalisme musical quand on é...
Chroniqueur depuis ses 16 ans, il a voulu se relancer après un break... et des études de journalisme. Percer dans le journalisme musical quand on écoute du metal est aussi simple que percer dans le journalisme sportif quand on est fan de cricket, mais l'envie d'écrire et de partager sa passion l'a poussé à rejoindre les rangs de Shoot Me Agai...
Chroniqueur depuis ses 16 ans, il a voulu se relancer après un break... et des études de journalisme. Percer dans le journalisme musical quand on écoute du metal est aussi simple que percer dans le journalisme sportif quand on est fan de cricket, mais l'envie d'écrire et de partager sa passion l'a poussé à rejoindre les rangs de Shoot Me Again!...
Chroniqueur depuis ses 16 ans, il a voulu se relancer après un break... et des études de journalisme. Percer dans le journalisme musical quand on écoute du metal est aussi simple que percer dans le journalisme sportif quand on est fan de cricket, mais l'envie d'écrire et de partager sa passion l'a poussé à rejoindre les rangs de Shoot Me Again!...
Chroniqueur depuis ses 16 ans, il a voulu se relancer après un break... et des études de journalisme. Percer dans le journalisme musical quand on écoute du metal est aussi simple que percer dans le journalisme sportif quand on est fan de cricket, mais l'envie d'écrire et de partager sa passion l'a poussé à rejoindre les rangs de Shoot Me Again!...

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