Reportage

Jethro Tull : Flûte, alors !

Bruxelles (Cirque Royal), le 11-09-2025

Samedi 13 septembre 2025



Tandis que bon nombre de groupes « d’un certain âge » ralentissent la cadence et ronronnent sur leurs vieilles heures de gloire comme des chats bien gras collés à un radiateur tiède, Jethro Tull
Jethro Tull


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ou plutôt Ian Anderson, son gourou flûtiste et capitaine barbu, carbure encore à plein régime, en déversant du bon son au parfum sépia. Et ce soir, au Cirque Royal, c’est bien ce que le public est venu chercher : une plongée dans l’âge d’or du rock pastoral, entre solos de flûte endiablés et riffs à boire du cidre. Et la bande à Ian ? Elle livre la marchandise, sans trembler.


La dernière fois que le Tull avait posé ses flight cases en Belgique c’était à la Roma, il y a tout juste deux ans. Depuis ? Pas de révolution, mais un petit changement dans la marmite : exit Joe Parrish à la guitare, bienvenue à Jack Clark, nouveau venu aux doigts agiles et non d’argile. La suite du line up reste inchangé depuis la résurrection de 2017 : Dave Goodier à la basse, solide comme une poutre en chêne ; John O’Hara aux claviers, aussi subtil comme un orgue au milieu d’un pique-nique, et Scott Hammond à la batterie, qui tape juste, droit et net, comme si Keith Moon avait fait un stage chez les moines trappistes. C’est donc parti pour ce ‘Seven Decades World Tour’ et on embarque pour un trip à travers le temps, le rock, le folk, le prog, la flûte et le bizarre.

La salle est bondée et bien que le rideau rouge soit grand ouvert, une voix résonne : celle de Ian Anderson lui-même, qui nous intime d’éteindre nos téléphones portables jusqu’au rappel. Pourquoi ? Parce que filmer, c’est chiant. Pour lui, pour le voisin, et surtout pour ses neurones qui galèrent déjà à retenir les paroles. Le ton est donné mais comme on n’a pas été scout, et qu’on n’a pas prêté serment, on va légèrement transgresser les règles… Bah oui sinon comment ferions-nous notre live report en vidéo ?

En chef d’orchestre, Ian Anderson, toujours lui, toujours là, toujours flûte au poing comme un druide punk en goguette. Sa voix ? Elle n’a plus les envolées d’antan (faut pas rêver, hein), et les cabrioles scéniques se font plus sages mais l’homme reste une énigme charismatique. Tranchant, pince sans rire, délicieusement british dans sa folie douce. Et si Ian est le totem, la vraie star, c’est toujours la musique. Exigeante, sinueuse, parfois déconcertante, mais toujours vivante.



Le concert s’ouvre sur un morceau des débuts, un de ces titres qu’on n’entend plus partout, mais qui plante immédiatement le décor : Ian débarque seul avec son cordiste pour entamer un duo guitare blues-harmonica amplifié dans une ambiance de club enfumé (mais ici, clair et sans fumée, sauf celle des projecteurs). Effet miroir : derrière lui, sur l’écran, le jeune Ian saute comme un lutin sous LSD, parfaitement calé sur le Ian de 2025, plus sage mais toujours habité. Les souvenirs défilent vite : A Song for Jeffrey, un stand up en mode folk-blues, guitare grinçante et flûte perçante. Le son est nickel, la balance impeccable. Le show se met en route avec quelques surprises : des extraits de « Thick as a Brick » assez détonants, une chanson du récent « RökFlöte » ou du tout frais « The Curious Ruminant » (oui, “le ruminant curieux”...). Ces nouveaux morceaux restent discrets, planqués derrière les classiques, mais rappellent que Jethro Tull
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vit toujours au présent. Ian alterne entre guitare acoustique et flûte traversière et cette dernière devient forcément l’étoile du spectacle. Son mojo, son arme, sa baguette magique. Anderson joue comme un démon, parfois sur une jambe, équilibre impeccable. Respect éternel pour celui qui a choisi un instrument classique à une époque où tout le monde jouait de la guitare, surtout pour un groupe de rock.

On glisse vers les emblématiques Songs from the Wood ou Bourrée in E Minor (hommage à Bach, Jean-Sébastien hein, pas Barbara…) toujours efficace pour titiller les musiciens amateurs dans le public. Pendant ce morceau, les effets lumineux surplombent la scène, un jeu de stroboscopes et d’ombres qui sont autant de touches visuelles modernes qu’on n’aurait pas imaginées en 1970, mais qui aujourd’hui enrichissent ce voyage dans le temps. Ce soir, nous aurons droit en un concert divisé en deux sets, avec entracte, comme à l’opéra mais avec plus de riffs. Ceux qui sont accro à leur téléphone en profitent pour scroller, mais juste avant la reprise, Ian nous trolle gentiment en apparaissant sur l’écran, jumelles à la main genre “je vous vois, bande de filous”.



La reprise du second set après une pause de 15 minutes démarre avec un My God accueilli comme le Messie, c’est le cas de le dire… Le barde en profite pour présenter ses musiciens tous originaires de Bristol, sauf le nouveau venu mancunien avant The Donkey and the Drum. Les vidéos à l’arrière-plan sont omniprésentes : d’une part sur l’enchaînement entre les deux villes chères à leur cœur que sont Budapest et Jerusalem et d’autre part sur Aqualung et cette mise en scène d’un sans-abri errant, rappelant la pochette de l’album concept et éponyme de 1971. Le tout donne une narration visuelle puissante, pas juste des images qui font joli.

Un rappel est bien entendu fortement réclamé avant que les lumières ne s’éteignent une dernière fois… Sur l’écran, la mention “APPAREILS AUTORISÉS” fait dégainer la foule comme des cow-boys du dimanche. Et Locomotive Breath déferle pour de bon en guise de coup de poing final. Batterie en furie, flûte qui s’envole, ovation nourrie. Le train fonce droit sur nous et entre en gare terminus après près de deux heures de show...

On glissera tout de même un petit bémol : encore un concert entièrement assis. Le genre de setup qui donne envie d’applaudir poliment entre les morceaux avec un verre de porto à la main. Mais quand des morceaux comme Locomotive Breath débarquent et commencent à faire taper du pied… eh bien on se sent un peu engoncé dans son siège. Même les morceaux folk donnaient des fourmis dans les jambes ! On aurait aimé pouvoir se lever, se dandiner un peu, ou au moins faire semblant. Mais bon… Quand le public présent se rapproche de l’âge moyen d’un Rolling Stones
Rolling Stones


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, la position assise devient peut-être aussi une question de sécurité publique. On ne voudrait pas finir la soirée avec un enchevêtrement de hanches cassées… Mais au fond, c’est une broutille. Une anecdote. Le genre de détail qu’on oublie vite quand on a passé deux heures en tête-à-tête avec la légende, à se faire souffler dans les tympans par une flûte qui n’a rien perdu de sa verve.



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en 2025, c’est un peu comme ouvrir un vieux grimoire dont les enluminures scintillent encore. L’encre a bavé, oui, mais la magie reste intacte. Anderson ne fait plus ses cabrioles du passé, sa voix a perdu des étages, mais il reste ce professeur Foldingue du prog, délicieusement british. Et le groupe, lui, joue précis, sans routine, avec cette alchimie rare qui fait qu’on croit encore et toujours à son histoire…

Remerciements à Greenhouse Talent

Ce live report est également disponible sous format vidéo via ce lien :




Texte, photos et vidéo : Panda
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AUTEUR : Panda
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, pas...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...

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