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Musica classica vs musica metallum

Mardi 3 novembre 2020

Je n’écoute pas beaucoup de musique classique. Et vous ?
J’en ai écouté un peu quand j’étais ado, sans plus. J’écoutais souvent « La Moldau » de Bedrich Smetana. Sans doute pour écouler mes idées noires de jeune fille soi-disant rebelle. Ça s’est arrêté là. Puis, dernièrement, je suis tombée sur un article du Monde (2016) où Gojira
Gojira


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disait qu’il y avait « un lien très fort entre le metal et la musique classique, par le côté solennel, grave, mais aussi l’attention portée sur des sujets existentialistes, la vie et la mort ». J’avoue avoir été surprise par cette déclaration.
Morgan de Marduk
Marduk


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s’y est mise aussi en tenant ses propos : « Beaucoup de personnes disent que le metal extrême vient du rock’n’roll. Je ne suis pas d'accord. Pour moi, il y a plus de liens avec la musique classique. Le jeu des guitares suit généralement les mêmes directives. Wagner est le père du metal. » [1]
Je n’avais jamais remarqué ça. Ma curiosité étant piquée, autant investiguer.




Opposition au niveau de la philosophie et de l’interprétation

Triagone Loukelele, prof de musique et musicien dans le groupe Triagone
Triagone


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, m’explique que la musique classique était considérée comme une musique savante, celles des nobles et des bourgeois. C’était, dit-il, « une musique écrite, réfléchie, codée, enseignée de manière élitiste. En opposition directe à la musique populaire, issue de la classe ouvrière, enseignée oralement, non écrite, plus paillarde et profane comme le blues, le rock, le hard rock dont descend le metal. En termes d’image et de philosophie, nous sommes bien éloignés et je pense que c’est sur cet aspect-là qu’il peut y avoir une incompréhension sur leur rapprochement. »
Triagone poursuit son explication avec un autre point de discorde. Quand un musicien reprend un morceau de metal, on attend que la partition soit jouée fidèlement sans changement d’arrangement, de rythme, d’intention, etc. A l’inverse, dans un morceau classique, l’enjeu est souvent que le musicien amène de sa personnalité et c’est pour ça que le même morceau sera joué différemment par chaque interprète. « C’est sur ce point que les puristes du classique n’aimeraient pas le metal car il est linéaire, machinal, ajoute-t-il. C’est même je pense un compliment qu’on pourrait faire à beaucoup de musiciens metal, de jouer comme une machine, là où ce serait une insulte pour un musicien classique. »



Une discipline d’enfer

Pour apporter un autre point de vue, j’ai aussi demandé l’avis de Nicolas Bénard, docteur en histoire spécialisé dans la musique metal. Il me précise qu’il y a bien un lien entre le metal et le classique. « On observe un phénomène de syncrétisme musical, une volonté de prolonger la musique classique au travers de pratiques musicales plus modernes, dit-il, ce depuis les prémices du genre. Le développement du metal néoclassique à partir du début des années 1980 enracine durablement l’association musique classique et musique metal. » Nicolas poursuit en ajoutant que, par la suite, au début des années 1990, tous les sous-genres finissent par intégrer des éléments issus du classique. Des thèmes musicaux (tristesse, mélancolie, révolte, colère, pessimisme, etc.) surtout des parties jouées par des instruments ou orchestres classiques (donc non électriques), accompagnées ou non par du chant choral.

Il me cite les exemples de Septicflesh
Septicflesh


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, Stratovarius
Stratovarius


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, Rhapsody
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, Therion
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, Dimmu Borgir
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, Metallica
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, etc. Triagone me parle, lui, de Necrophagist
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, Extreme
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, Children of Bodom
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, Accept
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, Archspire
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où il a clairement entendu un ou des hommages à Bach, Mozart, Prokofiev, Beethoven, etc.

Face à ce constat, Dushan Petrossi (Iron Mask
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, Magic Kingdom) regrette que « plus une musique est savante et développée moins elle attire des gens. Quand je vois le désastre musical des rappeurs, slameurs, etc. qui jouent devant des milliers de personnes, je crois bien que ce monde tourne à l’envers et qu’il est grand temps de réapprendre à notre jeunesse ce qu’est la musique. »
Il m’explique que le metal qu’il pratique est très influencé par le classique, dans ses structures harmoniques, dans l’utilisation d’orchestrations très poussées, de contre mélodies, d’ornements et arrangements symphoniques. Il me confirme que le metal est une musique ou il faut savoir jouer de son instrument et ne pas faire semblant. « Tout comme le classique, ajoute-t-il, il te faut une discipline d’enfer pour arriver à ce niveau. J’ai écrit un morceau de 30 minutes pour mon groupe Magic Kingdom. Il est divisé en 5 parties avec des tas d’interludes symphoniques, des voix d’opéras, des passages progressifs, des vois black et death. Tout est permis dans la vraie musique. »



Une ouverture pour le chant lyrique

« Certaines formations font usage des catégories vocales issues de la musique classique : alto, soprano, mezzo-soprano », me dit encore Nicolas Bénard.

Exemple avec Vincent Dessard (Lethvm
Lethvm


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) qui suit des cours de chant lyrique. Il utilise cette technique comme une possibilité supplémentaire à ajouter aux autres techniques de chant qu’il utilise. « Cela m'amène une ouverture nouvelle au niveau de la composition, explique Vincent, qui me permet de m'exprimer d'une nouvelle façon. C'est une nouvelle nuance, une nouvelle couleur. Musicalement, l'impact du classique, se traduit plutôt comme une ouverture. Ces derniers temps, j'ai écouté pas mal de musique aux limites de la tonalité, notamment Scriabine et Ligeti. Ça a clairement ouvert le champ de possibles, vers une musique belle mais pas spécialement au premier coup d'œil. »



D’après Vincent, ce qui rapproche le plus ces deux styles de musique, c'est qu'il n'y est pas facile d'y entrer et que ça demande un certain effort pour les apprécier. Il y a toujours des morceaux, des ''embranchements'' qui peuvent nous attirer et nous séduire directement, mais d'autres demandent plus d'investissement et une oreille plus aguerrie pour être réellement appréciés.

Laure Le Prunenec (Igorrr
Igorrr


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, Corpo-Mente
Corpo-Mente


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) vient du classique. Le metal est entré plus tard dans sa vie via les groupes que son grand frère écoutait. La combinaison entre les deux est assez évidente pour elle. Elle m’explique d’ailleurs qu’elle peut entendre du metal dans certaines pièces classiques et inversement. Laure me confie aussi qu’elle est attirée par les mouvements tragiques, lents, doom, à la Dolorian ou My Dying Bride
My Dying Bride


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, par le metal brut, par du death extrême ou expérimental. Elle aime être surprise et surtout pas les styles trop marqués. « Selon moi, poursuit-elle, la musique ressort telle que je la vie intérieurement et je ne réfléchis jamais à ce que le ''style'' donnera. Je suis plus fascinée par ce que produisent les sons, ou comment les harmoniser les uns avec les autres pour donner quelques choses qui va me toucher, et l’intérêt de le donner à entendre au monde. Je ressens vraiment la responsabilité de rester fidèle au monde de ces sons que j'entends, reliés à mes expériences, peu importe la forme que cela prendra. »



Je n’ai trouvé personne qui ne voyait aucun lien entre musique classique et metal. Tout le monde semble d’accord avec les membres de Gojira
Gojira


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et Morgan de Marduk
Marduk


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. De près ou de loin, la musique classique est présente dans l’univers des musiciens metalleux.
Je termine avec quelques exemples :
Necrophagist
Necrophagist


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(Only Ash Remains) : thème - Dance of Knights - de Prokofiev
Accept
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(Metal Heart) : au milieu du solo on entend le thème de -Lettre à Elise- de Beethoven
Evidemment la liste est bien plus longue et n’hésitez pas à la compléter dans les commentaires !



[1] Hard N’Heavy, « hors série black metal », n°1, juillet-août 1998, p. 43.

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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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