Reportage

Throwing Muses : Souvenirs amplifiés

Bruxelles (Botanique), le 03-09-2025

Vendredi 5 septembre 2025



Cela faisait près de 14 ans que les Throwing Muses
Throwing Muses


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n’étaient plus venus dans nos contrées. Une décennie entière où Kristin Hersh, elle, n’a pas cessé de gigoter dans mille projets solos, de groupes, de bouquins… Et la voilà qui ramène son vieux gang… Résultat ? Une toile peinte à grands coups de pinceaux électriques : des couleurs vives, des vieux pigments, des éclats tout neufs. Bref, une fresque sonique comme elle seule sait en balancer. Adulée par la critique britannique, notamment les magazines NME, Melody Maker ou Sounds qui se pâmaient devant des albums comme « Hunkpapa » et « The Real Ramona », Kristin Hersh, cofondatrice du groupe avec sa belle-sœur Tanya Donelly, a désormais choisi une route différente : moins commerciale, plus aventureuse, préférant la liberté à la facilité.


Il est 20h30 quand l’Orangerie est soudainement happée par une flopée de quinquas venus retrouver leurs potes d’unif, comparer leurs cicatrices post-punk et raconter leurs années 80-90 comme d’autres se rappellent leurs colonies de vacances. Ah, l’époque bénie du label 4AD (Pixies
Pixies


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, The Breeders
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, Bauhaus
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, Cocteau Twins, Dead Can Dance
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, ...), quand les Muses avaient des étoiles au-dessus de la tête mais préféraient fixer le trottoir. Pour certains dans le public, c’était enfin l’occasion de voir en chair et en cordes l’un des groupes qui ont bercé leur jeunesse. Évidemment, il y avait aussi toute une horde venue uniquement pour Kristin, la prêtresse, l’aimant, le moteur, la seule à n’avoir jamais lâché le navire depuis quarante piges. Les autres passent, elle, reste ! Obstinée comme une machine à café dans un hall de gare. Sur scène, c’est la famille élargie : Fred Abong, le batteur compagnon de route, Dylan Hersh, le fiston à la basse et Pete Harvey au violoncelle, jongleur de cordes tantôt caressantes, tantôt meurtrières. Kristin, elle, gratte sa guitare, le regard dans le vide, la tête qui tangue toujours un peu mais moins frénétiquement qu’avant. Sa voix s’est épaissie, elle a pris du chocolat noir et du whisky, et sur Colder, elle vous plante ça avec une autorité glaciale qui vous fige le sang. Et vocalement, si Tanya Donelly se rapprochait de Chrissie Hynde (Pretenders), Kristin, elle, n’est plus très loin de rattraper Marianne Faithfull… Aujourd’hui, on célèbre la sortie de « Moonlight Concessions », premier album du groupe depuis 2020. Un nom piqué à une buvette de Moonlight Beach en Californie : rien que ça, ça fleure bon l’énigme. Après « Sun Racket », voici « Moonlight » : le soleil, la lune, le yin, le yang, la bière et l’aspirine. Peut-être aussi un clin d’œil ironique à ce flirt raté avec la célébrité. Mais les Muses, c’est aussi ça : une pop boiteuse, tordue dans un miroir de fête foraine, des paroles qui sautent du tendre au cauchemardesque sans prévenir. Tenez par exemple, le morceau Bywater, cette comptine chelou où Freddie Mercury se retrouve transformé en poisson rouge dans des chiottes. Vous imaginez un algorithme inventer ça, vous ? Moi pas…



Les projecteurs crachent du violet maladif et du vert néon, comme si David Lynch avait décidé de se reconvertir en éclairagiste et le concert démarre en douceur avec Theremeni avant de cogner un peu plus sévèrement avec Sunray Venus qui arrive comme un rayon de soleil viendrait foutre le feu à un vieil hangar. Le son met quelques minutes à se caler, mais une fois l’équilibre trouvé, le violoncelle vient densifier l’ensemble, donnant une profondeur quasi orchestrale aux morceaux les plus rock. On jubile quand Bea et sa cavalcade infernale ressortent de 1989, comme un vieux poster taché de bière retrouvé derrière un radiateur. Deux tiers de la setlist de ce soir proviennent des trois derniers albums. Le message est clair : les Muses ne vivent pas dans le formol et ne se contentent pas de recycler leurs vieux tubes. Ils croient dur comme fer en leurs nouvelles chansons et ils ont bien raison. Des titres comme Dark Blue ou Kay Catherine suintent la crasse et le grunge du début des 90’s. Parmi les morceaux phares du nouvel album, Summer of Love s’impose sans conteste comme l’un des plus marquants. La fusion quasi parfaite du violoncelle, de la voix, de la guitare acoustique et de la section rythmique, dans un riff syncopé et rugueux, crée un véritable joyau de chamber pop. Le violoncelle et la guitare y glissent des phrases étincelantes, donnant au titre une profondeur rare. En concert, l’expérience est grisante : le son emplit la salle, l’atmosphère devient électrique, et le sourire complice des musiciens à la fin du morceau en dit long. Par contre, oubliez le small talk… Pas vraiment d’échanges avec le public dont Kristin s’étonne d’ailleurs du caractère étonnamment calme et poli avant un South Coast nous faisant sentir l’odeur des vagues et du sel. Albatross plane au-dessus de nous comme un présage et puis Limbo : un instant suspendu, où on ne sait plus si on est à Bruxelles ou coincé dans une boucle temporelle. Un peu plus tard, le public retrouve avec émotion Counting Backwards. Jouée de manière presque retenue, la chanson dévoile toute sa subtilité, permettant d’intégrer avec finesse le violoncelle à cette pièce emblématique. Une réinterprétation remarquable. Le faux-final arrive avec Bo Diddley Bridge, drôle de pont branlant jeté entre rock primitif et hallucination contemporaine, et Sally’s Beauty qui brille particulièrement. Les touches délicates de cymbales, la voix parfaitement juste, emplie d’émotion, et le violoncelle plaintif qui semble se transformer en une seconde voix, offrent un moment d’une intensité bouleversante. La salle retient son souffle, suspendue à chaque note, avant d’éclater en une ovation chaleureuse.



Après 80 minutes de fièvre, le rappel claque comme un coup de couteau dans la pénombre. On nous offre Shark et Bright Yellow Gun et là, on se rappelle qu’après plus de 35 ans de carrière, Throwing Muses
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ont encore la puissance d’un électrochoc. Dans un monde de clics et de likes jetables, ce concert rappelle une époque où un groupe pouvait grandir lentement, bâtir une carrière sur la durée. Et aussi que Kristin Hersh reste une bête de scène, unique, magnétique, absolument inclassable. Pas de concessions, pas de compromis. Juste le sortilège, impassible manège…

Remerciements au Botanique


Ce live report est également disponible sous format vidéo via ce lien :



Texte, photos et vidéo : Panda
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AUTEUR : Panda
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, pas...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...

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