Interview

DÉHÀ

Un univers riche, intense, entre puissance et émotions (2/3)


Dimanche 29 novembre 2020

Déhà
Déhà


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vient de sortir une reprise tout en puissance de Gangsta's Paradise de Coolio. Nous avons profité de l’occasion pour faire connaissance avec ce musicien ultra passionné, boulimique de travail, multi instrumentiste aux 1.001 projets. En solo, en groupe ou de manière anonyme, il n’arrête jamais et propose la plupart de ses productions gratuitement sur le web.

L’homme est aussi producteur dans son studio, l'Opus Magnum Studios, à Bruxelles où il a produit notamment Wolvennest
Wolvennest


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et La Muerte
La Muerte


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. Étant donné le nombre impressionnant de projets et de groupes dans lequel il est actif (*voir en bas d’article), nous avons décidé ensemble de nous concentrer sur le musicien. Déhà (nom de l’artiste et de son principal projet du moment) c’est de la passion, de la puissance, de l’émotion et un avis assez tranché par rapport à la scène alternative et à celles et ceux qui essayent de le limiter dans sa création.


Une interview en trois parties.
Une première partie publiée, hier, sur les débuts de son aventure amoureuse avec la musique et la gestion de son agenda qu’on imagine hyper chargé.
Une deuxième partie aujourd’hui sur ses sensibilités, ses inspirations, son travail au studio et sa place (ou non) dans la scène alternative belge.
Une troisième et dernière partie, demain lundi 30 novembre, sur le talent, le succès et la musique mise à disposition gratuitement.


On reprend ?
Pourquoi développer plusieurs projets solos et ne pas tout concentrer sur un seul projet ?

Pourquoi faire que des photos de concerts quand on peut faire des portraits ou autre ? Je ne peux pas du tout me contenter d'un seul projet. Dans mon projet solo « Déhà », je mets presque tout. De l'ambient au piano au black metal au doom au rock au mainstream, etc., c'est déjà pas mal.
Il y a des projets qui ont une identité sonore que j'aime et je que je ne souhaite pas changer. Nadddir, Sorta Magora, pour en citer deux. Il y a des groupes dans lesquels je suis entré comme membre (Maladie
Maladie


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, Cult of Erinyes
Cult of Erinyes


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, etc.) et pour lesquels mon boulot est externe à mes projets solo, ou groupes studio.
C'est comme si on te demandait de faire un seul truc et basta, sans aucune autre raison que « tu fais trop de choses, je ne peux pas suivre ». Pardonne moi, mais je m'en fous en fait.

« Je ne fais pas de musique pour plaire ou pour être connu ou autre chose mais par plaisir personnel, catharsis, besoin. Je ne demande pas à ce qu'on me suive, si tu veux, mais c'est vrai que ça devient ennuyeux lorsqu'on me demande d'arrêter d'avoir autant de projets et de groupes. »


Crédit photo: Emilie Foudelman

Pourquoi ?
Parce que justement je ne suis pas un divertisseur personnel. Je fais ce que j'ai envie de faire, que ça plaise ou pas. Ca me rappelle que j'avais lu, peu après la sortie de l'album d'Acathexis
Acathexis


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, que certaines personnes refusaient d'écouter des groupes dans lesquels j'étais membre parce que j'avais sorti trop de trucs cette année-là et qu'on en parlait partout en bien (Acathexis
Acathexis


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, Cult of Erinyes
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, Imber Luminis
Imber Luminis


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, Maladie
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, etc.). Cette hype est nulle et mensongère, genre j'avais payé des compagnies de PR et tout. C'est nul comme commentaire ou comme raison de ne pas écouter de la musique, non ? Je m'étais senti horriblement sale sur le coup. Pardonne moi la modestie ici, mais si j'ai sorti cinq albums en une année qui valent la peine selon des avis de chroniqueurs, d'amis, de différentes personnes que je connais ou pas, c'est censé me rendre heureux et titiller l'attention des gens, pas l'inverse.

« Donc, j'essaie de me séparer doucement de l'avis général. »

Tu as aussi une dizaine de projets anonymes sur le côté. Pourquoi privilégier l’anonymat ?
Je n'ai pas envie, du tout, que l'on écoute ces musiques en pensant à un artiste. Je veux que ce soit de la musique pour la musique, sans autre chose qui intervient au milieu. Il y a bien entendu des styles pour lesquels l'anonymat est parfait mais c'est surtout parce que je ne veux simplement pas que l'on sache. C'est de la musique. Je veux que les gens plongent.

Qu’est-ce qui nourrit ta création artistique, alimente tes idées ?
Tout, je pense. La vie, la mort, principalement les émotions, peu importe lesquelles.

« J'ai besoin de vider mon sac, en fait, même si parfois ce n'est pas quelque chose de vraiment émotionnel ou cathartique. »

J’ai besoin d'utiliser des outlets spécifiques que ce soit ponctuel (prochain album « Déhà
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- Obstruct ») ou constant (Slow
Slow


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). Chaque chose peut me toucher, je suis ultra sensible à tout. C'est chiant, vraiment.

« Je suis ultra sensible à tout ». Tu peux développer ?
Je vais donner un exemple. Il y a une dizaine d’années, je me promenais à Mons. Je m'assieds sur un banc pour fumer une clope et je vois une mère et son enfant qui jouait avec un doudou. L’enfant a jeté ce doudou trois fois par terre et trois fois la mère l’a ramassé avant de le mettre de côté en disant « M'enfin Axel ! C'est ton préféré ! ». Voici ce qui s'est passé dans ma tête juste après. Il n'avait qu'un seul but, ce doudou, être là pour l'enfant. Maintenant, il est seul, abandonné, un être pestiféré, personne n'en a besoin, ni envie. Il ne vaut rien. Et je n'ai pas pu m'empêcher de m'identifier à la chose. C'était génial de courir dans un coin pour pleurer comme un gamin. Et ce genre de choses, j'en ai des dizaines par jour. Je dois les contrôler, sinon je crève moralement, ouais.



Tu es aussi producteur au sein de ton propre studio, l'Opus Magnum Studios, à Bruxelles. Pourquoi passer de l’autre côté ? Qu’est-ce que cela t’apporte en plus ?
C'est ce que j'aimerais faire comme travail. Je le fais depuis quelque temps et j'espère que ça avancera davantage. Mais ce n'est pas encore ça niveau promotion, notoriété, etc. J'aime beaucoup travailler avec des Belges d'ailleurs, chose que je fais pas mal (alk-a-line
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, Excuse Excuse
Excuse Excuse


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, Wolvennest
Wolvennest


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, etc.) et j'aimerais étendre hors de Bruxelles, en Wallonie ou en Flandres. Ça serait tellement bien.
Ça me plait de créer un son pour un groupe, genre Wolvennest
Wolvennest


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. C'est trop bien de savoir ce que je vais faire en avance, de savoir où je vais me diriger en étant presque certain en proposant au groupe que « ça va tuer, fais-moi confiance ! ». C’est aussi bien que l'on me contredise et que j'apprenne de mes erreurs. Ça m'aide aussi dans mes propres productions, forcément, mais c'est compris dans le package de mes groupes et projets, j'aime vraiment tout faire.

Tu as quand même conscience (et ce n’est pas du tout péjoratif, c’est un constat que je fais) d’être un boulimique de travail et un mec hyper productif par rapport à la majorité des musiciennes et musiciens ?
Bien sûr. C'est un peu comme « a blessing and a curse at the same time ». C'est génial parce que j'ai toujours quelque chose à faire ou presque. Les pages blanches sont horribles. Je sais très bien que cela va me desservir, que ce soit pour les labels, les chroniqueurs, les auditeurs, bref, le monde en général. Ce qui est juste intéressant c'est que, depuis que j'ai lancé mon studio, cela se passe mieux. Après, oui, produire Wolvennest
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ou La Muerte
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, ça m'a clairement aidé. Les gens sont curieux en fait. Certains peuvent même passer outre la liste immense de projets et groupes et s'y intéresser réellement. Et ça me fait plaisir, franchement !

« Je pense qu'il faut me voir comme un passionné à la limite de l'obsession pour la musique, et donc je fais tout ce que je peux depuis que j'ai eu de l'intérêt pour la chose, que ce soit pour la voix ou les instruments, mais aussi pour la production. »

Quand je regarde ce que j'ai fait depuis mes débuts, l’évolution de mes performances ou dans le son, je ne peux qu'être content, tout en sachant que j'ai énormément de choses à apprendre encore, et tant mieux !


Crédit photo: Emilie Foudelman

Comment te sens-tu au sein de la scène alternative belge ? Que penses-tu de cette scène ?
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : je ne me sens pas dedans, ou tout du moins, je fais très attention depuis que l'on me considère dedans. Il faut retourner dans le temps : je travaille et je sors des choses depuis plus de dix ans. Venant de la Wallonie à la base, je me faisais insulter par les metalleux parce que je faisais du rap à côté. On me faisait une réputation de merde, même du temps où j'étais dans Deviant Messiah
Deviant Messiah


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. On nous considérait comme des newcomers, aucun intérêt des médias, etc. alors qu'on avait pas mal de bonnes choses à notre actif. On a fait des fests et concerts partout en France. En Belgique, on nous dit « fais le concours qui se base sur le nombre de potes que tu inviteras et pas sur ton talent ». C'était assez rageant en fait, vu que j'allais le plus possible à des concerts en Belgique et que je me faisais emmerder par des gens qui jouent dans les mêmes groupes depuis vingt ans, dans les mêmes maisons de jeunes devant les mêmes vingt personnes bourrées. Parce que j'avais une ambition d'aller plus loin que ça, en tant que public mais aussi en tant qu'artiste.

« A un moment, j'ai clairement abandonné le fait de faire partie de cette scène. Cela a bien changé depuis mon travail avec La Muerte
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et Wolvennest
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et mon apparition avec eux au Roadburn. C'est à mes yeux la preuve directe que les gens ne vont jamais chercher plus loin que leur propre nez. »


Ils avaient besoin que je sois quelque part où il y a du succès pour que l'on me remarque. Là, oui, il y a eu une reconnaissance de la part des médias et d'un certain public, au point que certaines personnes soient choquées par mon passif musical et mes activités assujetti « mais comment ça se fait que je n'ai jamais entendu parler de toi ? ».
Donc non, je ne me sens pas proche de cette scène, même si je l'apprécie de par ses groupes et quelques organisations (A Thousand Lost Civilizations, par exemple). Vous êtes les deuxièmes belges à faire une interview en plus de quinze ans de carrière. Ça en dit long, je pense.
Et je dis ça avec un certain recul, ce n'est pas quelque chose de grave ou autre. Je n'ai plus de rancœur comparé à quand j'étais jeune et con.

« C'est juste que si j'en suis arrivé où j'en suis actuellement, ce n'est pas grâce au support de la scène belge ».

Là, je me dis « merde, on aurait dû être les premiers » :-) . Plus sérieusement, je me demande si ce n’est pas, malheureusement, le lot de tous les artistes. Le talent n’est-il pas justement un mot qui n’apparaît que sous le feu des projecteurs ?
Un ami à moi et excellent rappeur Belge, à savoir Faida, disait dans un de ses sons (je paraphrase) : «tu ne deviens une légende que lorsque tu crèves». J'avoue que c'est pas mal le cas. Après, je ne me sens pas proche de cette citation du tout parce que je considère le talent comme suffisant mais il y a un entretien, aussi. Par exemple, Ihsahn
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d'Emperor
Emperor


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. Fan absolu du mec, je ne supporte pas ses projets récents parce que je trouve qu'il a perdu quelque chose. Et lui-même le dit, c'est devenu un travail donc il travaille.

« Le talent sert le travail, pas l'artistique et l'émotion. »

C'est un point que je ne souhaite jamais connaître.

À suivre demain.

*Actif dans : Aardling, Absit Omen, Acathexis
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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