Reportage

Aussi increvable que La Muerte

Bruxelles (Ancienne Belgique), le 12-01-2019

Dimanche 13 janvier 2019

Vous avez rangé le sapin artificiel et avalé l'ultime part de buche qui était restée dans le frigo? Tant mieux! Car La Muerte
La Muerte


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est venue siffler la fin des festivités hivernales. Après avoir sorti un album éponyme en décembre dernier — 27 ans après leur opus studio Kustom Kar Kompetition —, les Bruxellois se devaient à présent de le défendre sur les planches. Rien de tel dès lors que de débouler sur leurs terres, en prenant en otage l’Ancienne Belgique. Et pour l’occasion, le groupe avait invité deux autres formations à prendre part à l’orgie sonore : les Français de Hangman’s Chair
Hangman’s Chair


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et les Néerlandais de Dool
Dool


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.




Il fallait être aveugle, ou sourd, ou totalement déconnecté des réseaux sociaux pour ne pas avoir entendu parler du show qu’allait donner La Muerte
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. Et pourtant, la célèbre salle bruxelloise n’affiche pas sold-out en cette soirée de janvier. À peine entré dans l’enceinte, je jette un œil au stand merchandising du headliner. On connait le groupe mythique des années'80 attaché à son image. Une réputation confirmée par un étal particulièrement fourni : au-delà des classiques t-shirts et hoodies, le band avait pour l’occasion confectionné de nouveaux patchs, sorti quelques affiches sérigraphiées et même customisé une paire de vestes en jeans à l’effigie de la formation. Mais pas trop le temps de s’attarder, Hangman’s Chair
Hangman’s Chair


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entre pile à l’heure sur scène.


L’ambiance est tamisée, des lumières blanches et mauves sont tournées vers les publics, les lettres du nom du groupe apparaissent dans des teints rose-rougeâtre, à l’esthétique reconnaissable de l’univers de Dave Decat, artiste illustrateur bruxellois derrière l’artwork des Français depuis l’album Hope///Dope///Rope. Les Parisiens entament ce soir la première date de leur troisième tournée suite à la sortie de Banlieue Triste, un cinquième effort bien apprécié par la critique. Force est de constater que bon nombre ont fait le déplacement pour venir les écouter, ce qui est plutôt rare pour une première partie. Enfin, vu le temps de set alloué, un peu moins d’une heure, il conviendrait davantage de parler de groupe convié que de première partie. Et le choix s’avère payant : Hangman’s Chair
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propose un show particulièrement dense, aux frontières du Sludge et parfois du Stoner, mais au style véritablement indéfinissable, sous perfusion de mélancolie, mais tout en communiquant une certaine chaleur humaine. Peut-être due à l’interprétation des artistes sur scène, tous quatre habités par leur musique. Un plaisir à jouer, délicieusement communicatif. Davantage que de la musique, les Français ont généreusement ouvert ce soir les portes de leur univers. Et je dois l’avouer : ils m’ont mis les frissons.



Il est temps d’aller chercher une bière. Certaines têtes sont connues : un ancien musicien de chez AqME
AqME


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, le vocaliste d’un célèbre groupe de Hardcore bruxellois, un animateur de radio ou encore le chanteur d’une formation de Hardcore de Liège. Autant de profils différents réunis pour une même occasion, symptomatique du public réuni aujourd’hui : des fans d’hier qui n’ont jamais décroché depuis lors, d’autres qui ont vogué vers de nouveaux horizons, mais nostalgiques de trente ans en arrière ou encore de nouveaux visages, intrigués par l’aura laissée par l’histoire musicale qui précède La Muerte
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. Des basses se font entendre, Dool
Dool


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s’apprête à présent à dévoiler son jeu.

Inclassable, tel aurait pu être le mot d’ordre musical de la soirée. Dans le fond de la scène, une nuée de petites étoiles tournoient lentement autour du nom du groupe, de manière hypnotique, alors que les cinq Néerlandais dévoilent un Rock pêchu, gothique, sombre, ambiant et psychédélique. Chaque musicien est enfermé dans son instrument, à l’exception de Ryanne Van Dorst, guitariste et vocaliste du band. Croisement entre Amy Winehouse et Peter Steele, elle déploie une énergie et une force incroyables, insufflant une terrible impulsion dans l’exécution des morceaux. Une prestation qui restera néanmoins en demi-teinte : certains passages sont assez mous et peinent à décoller tandis que, quelques minutes plus tard, un même morceau prend une envolée instrumentale qui vous emmène dans un univers parallèle, à l’image de Oweynagat, épopée qui s’étire vers le firmament, qui mettra un terme à un set également généreux d’une heure.



Ce n’est plus un moteur V8 vrombissant qui occupe la scène, mais bien deux croix inversées lumineuses, disposées de part et d’autre de la stage et posées sur des amplis frappés soit du nouveau logo du groupe, un élégant «m» cornu et encerclé, soit du nom évocateur donné à la soirée, Love Sex Fear Death. Au centre, un sobre kit de batterie face auquel sont déposés, tel un autel, deux réceptacles à encens et aux amulettes ou gris-gris d’ensorceleur. Deux minutes avant le début des hostilités sont ouvertes les vannes à fumigènes. Mêlées aux odeurs suaves de l’encens, il y règne une ambiance quelque peu mystique.

Plongée dans l’obscurité. Seule source de lumière, l’arrière de la salle qui devient un écran de cinéma. N’oublions pas que Marc Du Marais, chanteur de la Muerte, est également réalisateur et grand amateur de films de série B. On l’y retrouve, face à un miroir, ajustant son principal atout scénique : un sac de jute qui recouvre entièrement sa tête, à l’exception d’un trou au contour cousu, laissant un orifice pour un œil. Il manipule ce qui a l’apparence d’un couteau, avant de déambuler dans des couloirs qu’on devine étant ceux de l’Ancienne Belgique. Les nappes électros de Crash Baby, Crash commencent à empli les lieux. Un à un, les artistes débarquent. Les coups de gratte de Didier Moens, veste en cuir et lunettes teintées jaunes de rigueur, fendent l’air comme des balles. Marc du Marais fait les cent pas, de long en large de l’espace scénique, avant d’empoigner le micro et de hurler de sa voix rocailleuse Cry baby, cry! Give me your soul! Le bouton Play a été enclenché, la bobine du film commence à tourner.



Les choses sérieuses déboulent avec She Did It For Lust, titre qui clôture leur dernier album. Marc martyrise son pied de micro, s’y cramponne comme un beau diable et en donne à pleins poumons, la seule partie visible de son visage, son œil gauche, fixant le fond de la salle de concert. Didier se pointe tout à l’avant de la stage et la traverse de long en large, chopant du pied dans les quelques bières abandonnées là. Car il faut le préciser : les traditionnelles barrières de sécurité ont été enlevées, laissant les spectateurs se placer jusqu’en bord de scène. Une proximité appréciée par le public, mais un grand inconfort pour les photographes qui devront se débrouiller comme ils peuvent pour éviter les mouvements dans le pit et capturer, malgré les conditions, les meilleurs clichés possible. Car si l’ambiance est retenue en début de concert, les esprits finiront bien vite par s’échauffer et la bousculade amicale s’installera pendant l’heure et demie de concert.



Puis vient rapidement un retour dans le temps avec Shoot In Your Back, tiré de Death Race 2000, le second album des Bruxellois sorti en 1989. Des secousses temporelles, il en sera question tout au long du show, le groupe prenant un plaisir à voyager dans ses trente-six ans de carrière. Whack This Guy, issu de l’EP Murder Marchine de 2016, viendra quant à lui ajouter une nouvelle couche de secousses physiques à l’avant de la scène. Ça pousse, ça transpire, ça finit par oser monter sur les planches afin de se relancer dans la fosse. Et mieux vaut ne pas trop trainer, car un gorille planté sur la droite veille quand même au bon déroulement des joyeuses festivités. Marc et Didier, les deux pionniers de la formation, emplissent la grande majorité de l’espace scénique tandis que les «petits nouveaux» que sont Tino De Martino (à la basse) et Michel Kirby (à la guitare) préfèrent rester en retrait. Une ambiance rock’n’roll à souhait, carrée et puissante tout en évitant les contacts avec le public. Les titres se suivent comme des décharges de chevrotine, aidés pour certains par des projections vidéos tirées de clips, d’illustrations diaboliques ou de déclinaisons du nom de leur groupe en fonction des couleurs du morceau.



Arrive petit à petit la fin du set. Tandis que certains s’appuient sur le bord de scène, prétextant un point de côté, d’autres montent et remontent sur le théâtre des opérations, fouettant de leur crinière le visage de ceux restant en contrebas. Un roadie (qui n’est en fait d’autre que Christophe Depree, guitariste de Channel Zero
Channel Zero


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et After All
After All


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) vient placer un synthé sur la droite de la scène. Débarquent deux membres de Front 242
Front 242


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afin d’interpréter tous ensemble Headhunter, morceau de'88 de la célèbre formation belge d’électro indus, suivie immédiatement de KKK, cette fois-ci de La Muerte
La Muerte


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et sorti en'91. Une âme inconsciente se hisse à hauteur de Marc Du Marais et se plante face à lui. Ce dernier ne bouge pas d’un pouce. Préférant peut-être éviter un mauvais coup, le jeune homme décide de relancer son corps de là où il venait. C’est par le titre ouverture de Death Race 2000, I Would Die Faster, hypnotique et à la basse lourde et prononcée, que les artistes prendront congé de leur audience.



Beaucoup espèrent un rappel, mais les lights de la salle finissent par se rallumer, annonçant le coup de sifflet final. On ne l’avait pas vu venir, quelques morceaux en rappel auraient offert une sortie plus «douce». Mais on serait alors sorti de l’esprit de La Muerte
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, à l’image de ce concert sans faux fuyants. Un concentré brut d’une énergie qui, depuis près de quarante ans, a toujours eu du mal à être définie, quitte à parfois être incomprise. Mais demeurant pourtant terriblement efficace : à la lisière du Rock, du Metal ou encore du Punk, dopée par un esprit intransigeant et rebelle, et enrobée d’un univers de série B, d’horreur à outrance et de bolides flairant la graisse et l’essence. En plus de trois décennies, La Muerte
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a connu de multiples formes et évolutions, mais a démontré par l’exemple que leur esprit revêche est resté intact. Cry baby, cry!
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AUTEUR : Sekhorium
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près ...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouve...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musica...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....

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