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15 ans de SMA - Peps : ''Même si c'est nul, le groupe participe à la vie de la musique alternative''

Mercredi 18 décembre 2019



Il a écrit plus de 200 live reports pour SMA. On peut dire qu’il en connait un rayon.
Peps, comment avais-tu appréhendé et préparé ton premier article?


C'est comique, ça me paraît à la fois loin, mais au final c'est comme si c'était hier. C'était la tournée de Revok
Revok


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et No Means No
No Means No
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en 2011 au Magasin 4. En y repensant, c'était assez drôle d'avoir cette pointure du Punk avec un groupe comme Revok
Revok


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qui balançait une noise poisseuse. Je n'avais pas trop d'appréhension mais j'aurais peut-être dû. En fait, j'avais chroniqué « Grief is my new moniker », le nouvel album de Revok
Revok


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, quelques mois plus tôt et je l'avais écouté en boucle quelques temps. En voyant cette date, je me suis dit que ce serait une bonne occasion de me lancer dans l'exercice de l'article live. Je me suis donc retrouvé dans un Magasin 4 bourré de vieux de la vielle tous (ou presque) ultra fans des Canadiens. Il y avait d'ailleurs Séverine à qui j'ai piqué les photos (avec son accord) alors qu'elle ne nous avait pas encore rejoints. Au final, j'ai pondu un article qui, en le relisant, n'avait en fait aucun intérêt et les gens ont dû se dire que SMA avait envoyé un stagiaire...

Quelle est, selon toi, la définition d'un live report? Quel est son intérêt? Pourquoi cet exercice te plait?

Personnellement, je vois le live report comme un article d'actualité. On relate un moment précis, un fait qui se déroule à un endroit donné et, surtout, qui est vécu par une flopée de gens en même temps qui, souvent, n'auront pas la même perception. L'objectif pour moi est clairement de donner son avis, ça reste donc subjectif, mais en n'oubliant pas qu'on se doit de rester cohérent. L'intérêt reste clairement de faire réagir.


Raketkanon
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I Bruxelles I 2019

Au niveau de la forme, c'est un type d'article où tout est permis. Il n'y a ni code ni structure. Tu peux oser utiliser des mots qui n'auraient pas leur place ailleurs, tu peux parler au ''Je'', même utiliser le ''on'' (mes profs de journalisme m'auraient busé à l'époque pour ce genre de connerie), bousculer la ponctuation, etc. Bref, tu peux écrire comme tu parles. A la base, c'est cette liberté d'écriture et l'exercice de style qui m'ont plu. Ensuite, c'est du journalisme de terrain. Il faut que les lecteurs puissent, en lisant ton article, ressentir et voir ce que tu as écris.
A côté de ça, les mots ne sont rien sans l'image. Car si on peut décrire, même précisément un concert, j'aime toujours travailler en binôme avec un·e photographe car on a généralement rarement la même vision du concert. Eux·elles sont en frontline (bon moi aussi parfois), mais ils·elles peuvent capter un moment précis, unique, parfois tout à l'arrière de la scène. Leur travail m'aide beaucoup lors de l'écriture. D'un autre côté, si c'est le bordel dans la salle, j'ai envie de l'écrire, mais aussi de le montrer. Dans ce cas la photo parle d'elle-même et m'économise deux phrases, voire même un paragraphe. Généralement un·e photographe a un boulot ultra court, les fameuses trois premières chansons. Personnellement je leur tire souvent la manche pour les envoyer dans le pit pour qu'ils me ramènent un instant de folie qui donnera plus de poids à mon article (et après je leur paie des bières). Bref, c'est un travail d'équipe!


Napalm Death
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I Bomal I 2019
« Voici un exemple où j’avais envoyé Papy Fred dans le pit pour qu'il ramène des photos de terrain. »

Quand tu n'as pas kiffé un groupe sur scène, comment le retranscris-tu dans ton texte?

Ça dépend du concert et de l'humeur du moment. J'essaye quand même de rester respectueux et d'argumenter. Par exemple, j'avais été au 15e anniversaire des Hollandais de Within Temptation
Within Temptation


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au Sport Paleis, c'était archi nul. J'ai pondu un article qui titrait ''Within Temptation
Within Temptation


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, ou comment rater un concert en trois leçons''. J'ai alors finalement pris un certain plaisir à démonter cette fumisterie dans les règles.
Pareil pour nos amis de Steel Panther
Steel Panther


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à l'AB en 2016. Leur parodie était totalement tombée à plat que je ne me suis pas gêné pour y aller fort dans les mots choisis. Idem pour Marilyn Manson
Marilyn Manson


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à Forest en 2017. Là on est sur des groupes ultras connus, on ne peut donc pas juste écrire c'était de la merde et torcher ça en trois lignes. Ils faut limite convaincre les gens avec une argumentation travaillée. Par contre, vu leur renommée, il faut dire quand c'est vraiment de la merde car les gens payent pour aller les voir et ils ne méritent pas cet argent!


The Admiral Sir Cloudesley Shovell
The Admiral Sir Cloudesley Shovell


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I Bruxelles I 2017

Pour les jeunes groupes ou la scène alternative, j'avoue être parfois plus coulant ou moins tranchant. Je vais pointer leur manque d'expérience ou leur côté trop statique, le manque de spectacle, un côté trop répétitif, le manque d'accroche,... ou parfois même, je fais le choix de ne rien écrire. Car même si on est face à un truc archi nul, j'essaye de ne pas perdre à l'esprit que ces groupes mettent leur cœur dans leur projet et participent de près ou de loin à la vie de la musique alternative. Notre boulot reste avant tout de défendre cette scène, ce serait con de descendre pour descendre et de faire en sorte que les gens fuient les salles.

Comment gérer les éventuels commentaires négatifs du public, des organisateurs, voire du groupe sur un live report? Est-ce déjà arrivé?

Ça fait quasiment douze ans que j'écris des chroniques (dont neuf sur SMA) et je n'ai reçu qu'un seul mail d'insultes. J'avais été voir Bullet For My Valentine
Bullet For My Valentine


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à l'AB (en février 2014). C'était l'époque où le metalcore vivait encore ses belles heures. J'avais voulu être curieux, mais ne me demande pas ce que j'avais été foutre dans ce concert. Je me suis retrouvé devant une parodie de show avec des gamins qui avaient fait la file dans le froid depuis midi et la salle était pourtant à moitié vide! Le groupe n'a quasiment pas adressé un mot au public et nous a balancé un son réglé n'importe comment. En gros, c'était à chier. J'ai pondu un article en prenant l'angle de dire que les bébés émos (le public) étaient facilement mis en poche car ils foutaient quand même le bordel dans le pit. J'avoue, je n'y ai pas été avec des pincettes, mais l'article a généré une flopée de réactions sur le net. Je me suis fait incendier, mais je trouvais ça assez drôle car j'avais au final réussi mon coup, les faire réagir.

Par le passé, les grands ''journalistes musicaux'' avaient une grande influence sur la carrière de certains groupes. Qu'en est-il aujourd'hui?

Avant toute chose, je ne me considère vraiment pas comme un ''grand'' journaliste musical. Mais je pense que la grosse différence entre cette époque des Lester Bangs, Philippe Manoeuvre et même celle de notre Pompon national (du temps de Radio 21), c'est que les gens ont plus de distractions maintenant. Sans vouloir faire mon vieux réac, entre les consoles de jeu, netflix et internet en général, je crois que les gens sortent moins facilement de chez eux et ont des centaines d'autres trucs qui peuvent attirer leur attention. Notre boulot est plutôt devenu d'attirer le regard des gens sur ce qu'il se passe dehors, dans les salles et de leur donner envie d'aller user leurs boots dans les fosses et de lâcher leur téléphone pendant le concert car on leur raconte tout après! On est donc beaucoup moins lu que pendant les années 60/70/80/90 et notre avis ne fera au final plus que réagir sur les réseaux sociaux, créera parfois un mini buzz, mais n'impactera pas la carrière d'un groupe et tant mieux.


Mass Hysteria
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I Bruxelles I 2019
« J’ai repoussé Laurent dans le pit alors qu'il avait rangé son matos :-) »

Le seul point assez drôle c'est que l'impression que j'ai reste quasi la même que celle d'un Lester Bangs dans les années 70. Lorsqu'il a participé à la création du magazine Creem, il l'a fait car il trouvait que c'était le dernier endroit où le rock avait encore quelque chose à dire. Ici, on est dans le même cas, les webzines et autres émissions radios amateurs sont presque devenus les derniers endroits où l'on parle encore des groupes émergeants ou de la scène alternative. Les magazines spécialisés ne parlent quasiment plus que des groupes qui font vendre et je ne parle même pas des quotidiens qui licencient leurs derniers journalistes musicaux. Pourtant ce sont encore les premiers à rafler les accréditations sur les gros festivals!
Maintenant pour reprendre un Lester Bangs, ce mec a popularisé un style de journalisme qui colle à la peau du concept de live report. Le journalisme dit ''gonzo'', subjectif, tranchant, qui fait réagir. On n'est clairement plus dans cette tranche ultra car lui, il faisait plus que sauter les pieds dedans (il a d'ailleurs été viré du Rolling Stone magazine car trop irrespectueux des groupes). Mais ses articles faisaient réagir et, je pense, influençaient vraiment l'opinion des gens sur tel ou tel groupe et donc leur carrière.

Ta meilleure anecdote?

Il y en a pas mal, mais celle qui me fait toujours rire en y pensant c'est lors du concert de Deafheaven
Deafheaven


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au Durbuy Rock Festival en 2013. Le concert était programmé assez tard le vendredi sur la scène extérieure et le public n'était pas au rendez-vous. On devait être 40 tout au plus. A un moment donné le chanteur a décidé de se mettre debout sur les barrières de sécurité et nous a demandé de venir le porter sans laisser le temps à un groupe de personnes de venir nous aider. On était juste devant lui à ce moment-là et ce con s'est laissé tomber. On a tous eu le réflexe de s'écarter, sauf Marc (ancien rédacteur de SMA et créateur du collectif Mental). Résultat: on a retrouvé notre Marc, 1m65 sur la pointe des pieds (Marc si tu me lis...), sous le chanteur légèrement assommé qui est ensuite resté au sol pendant une vingtaine de secondes sans bouger. Après le concert, on les a retrouvés en backstage. Marc voulait absolument improviser une interview, mais on avait bu un sacré coup donc ça ne ressemblait à rien. Les types du groupe se demandaient où ils était tombés!


Deafheaven
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I Bomal I 2013

Sinon il y a aussi un concert donné par les poètes français de Gronibards au DNA en janvier 2012. Le bistrot était bourré massacre. J'étais au fond et me suis dit que pour écrire un article je devais être devant histoire de voir le phénomène et surtout d'avoir un truc à raconter. Bloqué contre le comptoir et face au bassiste qui jouait à poil, je suis sorti de là avec des contusions aux côtes. Ça bougeait tellement que je suis tombé sur la scène à un moment donné et me suis retrouvé à 10 centimètres des burnes du peï.

Et ta pire anecdote?

En 2013, lors du BSF, à l'occasion du concert hommage de Channel Zero
Channel Zero


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à Phil Baheux, leur batteur décédé quelques jours plus tôt. Je devais normalement les avoir en interview lors du festival mais on s'est retrouvé sur la place de l'Albertine face à un groupe courageux interprétant quatre chansons en acoustique dont ''Angel'', un titre spécialement composé pour lui. Tout le monde avait la gorge nouée, comme si on avait tous perdu un pote.


Channel Zéro
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I Bruxelles I 2014

Une autre serait peut-être le sentiment vécu le 17/11/2015 à l'AB lors du concert de Slayer
Slayer


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. On est alors en pleine semaine d'Ocam 4 à Bruxelles, le métro était fermé suite aux menaces terroristes provoquées par les attentats de Paris survenus quatre jours plus tôt. L'armée était dans la salle et toutes les entrées barricadées. La moitié de ma famille ne comprenait pas pourquoi je voulais aller à ce concert... mais ils n'ont jamais vécu un show de Slayer
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(rires).
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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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